Conclusion : questions, terrains et méthodologie de la recherche

Questions

A partir de ces quelques éléments de débat, un certain nombre de partis pris et de choix effectués dans la construction de ce travail peuvent être précisés. Nous souhaitons tout d’abord proposer une « sociologie des gentrifieurs » en tant qu’ils manifestent, par leur choix résidentiel, une position sociale singulière entre les classes populaires et les classes supérieures, mais aussi singulière au sein des classes moyennes parmi lesquelles le choix du périurbain reste prédominant. En même temps, les explications de ce choix données dans les années 1980 – opposition au modèle de la « suburb » ou à l’aménagement par la raison technocrate – semblent datées et nécessitent d’être à nouveau explorées dans le cas des gentrifieurs contemporains. Qui sont ces gentrifieurs contemporains ? Pourquoi font-ils ce choix résidentiel ? Que représentent aujourd'hui à leurs yeux les quartiers en gentrification parmi les autres types d’espaces urbains ? Nous nous intéressons également à ces gentrifieurs car ils sont à la fois des consommateurs et des producteurs d’espaces gentrifiés : par quels investissements, par quel travail matériel et symbolique sur leur logement ou leur quartier participent-ils à la conversion de ces espaces et à leur re-valorisation ? Enfin, les pratiques et les représentations des gentrifieurs varient doublement au cours du temps : d’une part, au cours d’un même processus de gentrification, à mesure que celui-ci s’impose et s’institutionnalise ; d’autre part, au cours des trente années écoulées depuis les premières manifestations de gentrification en France. Dans quelle mesure les raisons et les façons de gentrifier ont-elles été affectées par la diffusion et l’institutionnalisation du phénomène ? Comment s’articulent-elles aux autres changements urbains et comment se diffusent-elles à de nouveaux types d’espaces, par exemple les quartiers de banlieue ?

Comme nous l’avons vu au cours de ce chapitre, on ne peut éclairer les processus de gentrification et leurs mutations sans étudier les fractions « gentrifieuses » des classes moyennes et leurs rapports à l’espace habité. De ce fait, ce travail sur les acteurs de la gentrification vise indissociablement à contribuer à la sociologie de la gentrification et à enrichir la sociologie des classes moyennes en apportant un éclairage sur ses fractions les plus diplômées via l’observation de leur vie « hors travail ».