A quel rythme et sous quelles formes s’est poursuivi le processus de gentrification des Pentes de la Croix-Rousse dont Bensoussan, Bonniel et leur équipe avaient saisi les premières manifestations au début des années 1980 ? Quand a-t-il commencé dans le Bas Montreuil et quelle est son ampleur ? Ces deux quartiers connaissent-ils une transformation singulière ou est-elle commune à d’autres espaces de leur territoire ? Enfin, comment cette modalité du changement urbain s’articule-t-elle avec d’autres dynamiques locales ou plus globales ? Pour chaque quartier, nous présenterons d’abord le rythme et l’ampleur du processus de gentrification en le rapportant aux évolutions du territoire géographique plus vaste dans lequel il s’inscrit127. Puis nous observerons la façon dont, à l’intérieur du quartier, il se décline et s’articule avec d’autres tendances de peuplement. La comparaison entre ces deux variations, lyonnaise et montreuilloise, du phénomène, suggère quelques remarques et pistes d’analyse qui seront formulées à la fin de la section.
Nous avons le plus souvent comparé chaque quartier à l’ensemble de la commune, mais ce parti pris prend un sens différent dans les deux cas. Dans le cas lyonnais, on a comparé une petite portion du territoire et de la population (le plus petit des neuf arrondissements, regroupant 28 000 habitants sur 472 000) à un ensemble beaucoup plus vaste et assez hétérogène, dont la diversité résulte d’une longue histoire urbaine. Dans le cas montreuillois, le quartier représente un quart du territoire et de la population de l’ensemble de la commune, elle-même moins diverse que Lyon. Cette différence a des effets sur le traitement statistique ; par exemple, la moyenne montreuilloise reflète toujours en partie le Bas Montreuil, tandis que les Pentes sont relativement « noyées » dans la moyenne lyonnaise ; ou encore, la comparaison systématique du quartier aux autres est plus difficile à Lyon). Elle engendre aussi une certaine frustration dans le cas montreuillois : la comparaison n’aurait-elle pas eu autant de sens avec les évolutions affectant le 20e arrondissement ? Ne fallait-il pas replacer le quartier dans les dynamiques de l’ensemble de l’agglomération ? Nous avons considéré que la commune demeurait le territoire de référence, ne serait-ce que parce qu’elle est l’unité d’action en termes de politiques urbaines, ce qui entraîne de facto une solidarité entre ses différents quartiers. Toutefois, nous avons fait appel, ici ou là, aux chiffres concernant le 20e ou l’Ile-de-France lorsque la comparaison était nécessaire.