3.1.2 Diversité des configurations socio-spatiales au sein des quartiers

Les statistiques concernant les migrants permettent également d’observer la répartition spatiale et la composition de ces flux d’entrants à l’intérieur de chaque quartier (les données de 1990 concernant les migrants sont disponibles à l’échelle des grands quartiers, celles de 1999 à l’échelle des Iris). On peut ainsi repérer des secteurs du Bas Montreuil et des Pentes qui attirent des profils particuliers de migrants, dessinant des configurations socio-spatiales diverses (rappelons qu’un Iris recouvre une dizaine de rues environ).

Dans le Bas Montreuil, le renouvellement est dans un premier temps plus frappant dans la partie Ouest, de loin la plus ouvrière du quartier et même de l’ensemble de la ville en 1982, et qui reste encore la plus ouvrière en 1990 (on compte encore 40 % d’ouvriers parmi les actifs). C’est cette partie Ouest du Bas Montreuil qui concentre la plupart des constructions neuves de HLM réalisées dans la ville entre 1982 et 1990. Dans la partie Est du Bas Montreuil, où la croissance démographique atteint un niveau record (près de 700 habitants supplémentaires en huit ans), les arrivées extérieures contribuent à rajeunir une population qui reste néanmoins l’une des plus âgées de la ville, et accentuent un profil déjà plutôt qualifié par rapport au reste de la commune. Dans les années 1990, c’est à nouveau le Bas Montreuil qui connaît le plus fort renouvellement dans l’ensemble de la ville159. Celui-ci touche cette fois davantage sa partie Est. Les données de 1999 font apparaître des associations entre certains secteurs géographiques et certains profils de gentrifieurs qui peuvent se résumer en cinq types.

Carte 2-16 : Part des migrants externes dans la population totale (en %) et types de migrants,
Carte 2-16 : Part des migrants externes dans la population totale (en %) et types de migrants, Bas Montreuil, 1999

Source : Insee, Recensement de la population 1999, tableaux à façon ADISP-CMH, exploitation au quart

Selon un classique processus d’agrégation, le sud-est du quartier, traditionnellement le plus bourgeois, attire à lui un maximum de cadres (surtout du privé mais aussi du public) mais aussi des proportions importantes de professions de l’information, des arts et des spectacles (presque autant que de cadres). On peut y distinguer deux secteurs :

Il est intéressant de noter que ces deux derniers Iris ainsi que les secteurs de la République et des Guilands, qui accueillent les concentrations les plus importantes de professionnels de l’information, des arts et des spectacles, sont aussi ceux où la part des logements individuels est la plus importante. Ce sont dans ces secteurs du Bas Montreuil (type III et type V) que résident la plupart de nos enquêtés.

Dans les Pentes de la Croix-Rousse, plus encore que dans le Bas Montreuil, la géographie des migrants n’est pas réductible à de grandes oppositions Est - Ouest ou Nord - Sud. Plus précisément, ces grandes lignes qui semblaient structurer le territoire dans les années 1980163 paraissent s’être brouillées. Entre autres, l’opposition classique entre un Est des Pentes plus populaire et un Ouest plus aisé doit être nuancée avec l’afflux de jeunes actifs très diplômés accédant à la propriété dans le secteur Griffon-Royale à l’Est et à l’inverse un secteur, situé entre le quai Saint Vincent et le Jardin des Plantes (l’iris Annonciade - Saint-Benoît) qui attire encore dans les années 1990 des migrants relativement populaires.

Carte 2-17 : Part des migrants externes dans la population totale (en %) et types de migrants
Carte 2-17 : Part des migrants externes dans la population totale (en %) et types de migrants Pentes de la Croix-Rousse, 1999

On peut distinguer quelques lignes structurantes, d’abord en termes de types de ménages. Le cœur et le bas des Pentes accueillent majoritairement des « jeunes » de 15 à 29 ans : ils forment près de 60 % des migrants dans le quartier Capucins-Griffon et plus de 50 % dans le quartier Mairie-Martinière (autour de la place Sathonay) et au milieu des Pentes, entre la rue Leynaud au Sud et les rues Imbert Colomès et Neyret au Nord (Iris Trois Gaules et Chardonnet). A contrario, le haut des Pentes et les secteurs plus périphériques accueillent davantage de familles avec enfants, un peu plus jeunes à l’Est et dans le haut des Pentes (parents trentenaires) et un peu plus âgées et plus nombreuses à l’Ouest (davantage de quadragénaires eu quinquagénaires). On retrouve dans une certaine mesure l’opposition Est -Ouest à travers quelques indicateurs sociaux, notamment la part des étrangers et des chômeurs parmi les migrants, plus importante à l’Est qu’à l’Ouest. Mais cette opposition n’est pas pertinente en ce qui concerne les niveaux de diplôme et les catégories socioprofessionnelles, les flux de nouveaux habitants dessinant davantage une mosaïque d’espaces plus ou moins gentrifiés et avec des dominantes un peu différentes d’un secteur à l’autre :

Ces quatre Iris, les plus représentatifs d’un mouvement de gentrification par des ménages non familiaux, des enseignants, des artistes et des actifs très qualifiés et néanmoins relativement précaires, sont aussi caractérisés par un parc de logements particulièrement ancien et encore parfois inconfortable (environ 7 % des logements n’ont ni douche ni baignoire encore en 1999).

Les nouveaux habitants du Bas Montreuil et des Pentes appartiennent donc bien aux classes « moyennes-supérieures » plutôt qu’aux classes supérieures, si l’on suit la définition d’Edmond Préteceille (cf. chapitre 1, 2.1) : parmi les cadres et professions intellectuelles supérieures, les professeurs, les professionnels de l’information, des arts et des spectacles et les cadres du public y sont plus représentés que les cadres d’entreprise. Leur jeunesse, surtout dans les Pentes, tend à renforcer cette position intermédiaire entre « vraies » classes moyennes et « vraies » classes supérieures. Ces nouveaux habitants présentent une certaine diversité, qui se traduit par une distribution spatiale non aléatoire au sein des quartiers. Les informations concernant les acquéreurs de logements permettent de compléter ce portrait collectif et de le prolonger jusqu’en 2007.

Notes
159.

Hormis le quartier Solidarité-Carnot, également en fort renouvellement, le taux de renouvellement externe ne dépasse pas 34,8% dans le reste de la ville (la moyenne de la commune entière s’établissant à 32,4%) tandis qu’il est supérieur à 35 % dans tous les Iris du Bas Montreuil sauf un et supérieur à 40 % dans la moitié des Iris du Bas Montreuil.

160.

Certains sont gérés par des « marchands de sommeil ».

161.

De fait, cet Iris est l’un de ceux qui accueillent les ménages les plus pauvres de la ville : en 2002, plus de 45 % des ménages n’y sont pas imposables, et entre 2002 et 2004 les revenus fiscaux du premier décile, inférieurs à 2500 € par an en 2004, ont chuté de plus de 10 %.

162.

C’est l’un des pôles de centralité du quartier : la place de la République et ses abords accueillent un marché, la maison de quartier, un square, des commerces et cafés et, régulièrement, des vides-greniers ou des manifestations festives.

163.

Mais n’était-ce pas qu’un artefact de l’échelle à laquelle les données statistiques étaient disponibles (l’échelle des grands quartiers, moins fine que celle des Iris) ?

164.

La comparaison des flux de migrants à cette échelle n’est possible que pour cet Iris qui forme à lui seul un quartier. En effet les données concernant les migrants de 1990 ne sont disponibles qu’à l’échelle des quartiers, et ceux-ci forment dans le 1er arrondissement des alliances d’Iris « contre nature », en tous cas du point de vue du renouvellement sociodémographique (cf. par exemple les différences entre les Iris 0201 et 0202 (Capucins - Griffon et Griffon - Royale), ou entre les Iris 0401 et 0402 (Normale - Chartreux et Giraud - Saint-Vincent)).