2. L’évolution du Bas Montreuil : le reflet de mutations idéologiques et politiques plus générales310

Outre ses caractéristiques morphologiques et économiques, un double virage, idéologique et politique, a eu lieu au cours des années 1990 et a contribué à faire du Bas Montreuil un espace attractif pour des classes moyennes diplômées ; il est dû à la diffusion, à l’échelle nationale, de représentations, de valeurs et de normes d’action dans l’espace que les classes moyennes partagent désormais avec les élus.

Le premier « virage » est de nature politique : il s’agit des recompositions de la gauche et de la crise du communisme, qui ont, comme on va le voir, des effets directs et indirects sur la gentrification du Bas Montreuil. Adoptant un positionnement politique nouveau, en rupture avec le parti communiste, Jean-Pierre Brard est à la recherche d’une légitimité et d’une forme d’action politique nouvelles, qui l’amènent à modifier ses relations avec les habitants (Tissot, 2007). Dépendant désormais d’une certaine notabilité, il va chercher des appuis du côté de l’intelligentsia qui montre un intérêt pour sa ville, c'est-à-dire dans les rangs des premiers gentrifieurs. Une convergence d’intérêt se dessine de fait bien qu’elle ne corresponde à aucun discours et aucune prise de position ouverte allant dans ce sens.

D’autre part, élus et habitants des classes moyennes partagent dans une certaine mesure les nouvelles représentations dominantes de la ville et de l’urbanité. Combinée à la crise du communisme, l’adoption par les élus de la nouvelle grille de lecture territorialisée des problèmes sociaux (qui modifie, on l’a vu, les représentations des classes moyennes) débouche sur une relecture de l’histoire municipale qui euphémise la présence des grands ensembles et la période qu’ils symbolisent et qui fait la part belle aux quartiers anciens et aux traces qu’ils portent d’une histoire antérieure à celle des années 1950-1970. Cette production symbolique contribue à la formation de la nouvelle image du quartier et à son attractivité vis-à-vis des classes moyennes et supérieures.

Notes
310.

Nous nous appuyons largement dans cette partie sur le travail de Sylvie Tissot (Tissot, 2002, 2007) que nous prolongeons en fonction des questions propres au processus de gentrification.