3.2 La gentrification, ou la mise en place d’un « marché de singularités » ?

3.2.1 Les biens convoités par les « convertisseurs » : des singularités

Lucien Karpik définit les biens et services singuliers par la combinaison de trois caractéristiques : la multidimensionnalité, l’incommensurabilité et l’incertitude. Cette définition permet de séparer les produits singuliers des autres produits marchands et d’expliquer les formes particulières de coordination entre offre et demande que leur échange marchand nécessite. Il nous semble que les locaux d’activité désaffectés et, dans une moindre mesure, les petits pavillons délabrés du Bas Montreuil, ont formé pendant un temps un marché de singularités, c'est-à-dire un marché de biens temporairement incommensurables et incertains pour les gentrifieurs qui s’y intéressaient384 (soulignons que pour L. Karpik, les produits singuliers désignent autant une catégorie de biens et de services qu’un rapport à ces biens et services, de sorte qu’il s’agit ici d’observer non pas seulement les caractères intrinsèques aux biens immobiliers concernés, mais aussi les caractères du rapport entre les gentrifieurs potentiels et les biens potentiellement gentrifiés). Ce marché n’a pu exister que parce qu’il s’est vu progressivement équipé de « dispositifs de coordination » aidant à la décision et à la transaction.

Les produits singuliers sont d’abord multidimensionnels, c'est-à-dire « caractérisés par des constellations de qualités ou de dimensions dont les significations sont inscrites dans leurs relations mutuelles » (Karpik, 2007, p. 39). Les logements nous semblent de façon générale être des biens multidimensionnels, ne serait-ce que parce qu’ils intéressent les acquéreurs à la fois pour leur valeur d’usage (habitation) et pour leur valeur d’échange (investissement) ; ils ont en outre une valeur symbolique importante. Par ailleurs, comme « un grand nombre de biens singuliers, [ils] combinent le bien et le service : ils sont hybrides » (ibid., p. 46). Si pour Lucien Karpik cette caractéristique est la seule qui s’applique véritablement aux logements en général (empêchant de parler de « singularités » pour les logements « normaux »), la multidimensionnalité n’est pas ce qui fait la particularité des biens immobiliers recherchés par nos « convertisseurs » (encore qu’elle soit renforcée dans leur cas, puisque plusieurs cherchent, en plus d’une habitation et d’un bon placement, un local où travailler). Si nos proposons de considérer les biens recherchés par les « convertisseurs » comme des produits (temporairement) singuliers, c’est en raison de leur incommensurabilité et de l’incertitude qui pèse sur leur qualité.

L’incommensurabilité désigne, chez L. Karpik, « une construction culturelle historique, une réalité collective » (Karpik, 2009), comme celle qui empêche de dire si Rembrandt est supérieur à Vermeer qui lui-même serait supérieur à Velasquez : « la question est généralement considérée comme absurde parce que nous partageons une représentation de la culture qui est formée d’une pluralité de monde artistiques auxquels on reconnaît une égale dignité » (Karpik, 2009).

‘« Par définition, ils échappent à toute hiérarchie objective car aucun point de vue ne s’impose irrésistiblement à tous, aucun accord unanime n’existe sur le classement, par exemple, d’œuvres musicales, de films ou des talents de médecins ou d’avocats. Ce monde composé d’entités inéquivalentes n’exclut cependant pas le choix raisonnable. » (Karpik, 2007, p. 39)’

Les biens immobiliers désirés par nos enquêtés et existants dans le Bas Montreuil ne font pas partie d’un univers collectivement construit comme incommensurable, du moins pas comme l’art pictural. Mais ils le sont par exclusion de l’univers des biens immobiliers commensurables sur le marché des logement – ne serait-ce qu’en raison du fait qu’ils ne sont pas encore des logements et plus vraiment des locaux industriels (il est improbable qu’une entreprise souhaite les acheter) ; leur usage fait l’objet d’une lutte, leur classement est en cours. Nous en avons eu confirmation en nous penchant sur le problème suivant : dans la base BIEN de 1998 à laquelle nous avons eu accès (et qui est supposée exhaustive), plusieurs des transactions effectuées cette année-là par nos enquêtés n’apparaissaient pas. L’explication de cette surprise éclaire en fait de manière beaucoup plus générale les caractéristiques de ces transactions : elles ne figurent pas dans la base BIEN car celle-ci a été « nettoyée » avant d’être transmise par les notaires aux chercheurs. A ceux qui s’intéressent à l’immobilier de logement, il est en effet recommandé de restreindre le champ des mutations sur lesquelles faire porter les analyses, et de conserver uniquement les mutations :

  • de gré à gré ; sont donc exclues les ventes aux enchères ou par liquidation de biens, les ventes réalisées suite à des successions vacantes, les locations-ventes par des organismes HLM (cette première restriction ne présente pas de gros inconvénient ici)
  • pour lesquelles le vendeur était un particulier ou une entreprise, une association (syndics par exemple) ou une SCI ; sont donc exclues les ventes réalisées par les collectivités publiques, comme dans le cas où une mairie cherche à se dessaisir d’une partie de son parc immobilier – ce qui fut le cas de la mairie de Montreuil à la fin des années 1990 et au début des années 2000 ; le plus souvent ces ventes portent sur des ensembles immobiliers ou fonciers tels que les acquéreurs ne sont pas des particuliers, mais ce cas a pu néanmoins se produire (des lots de CAP ont par exemple été vendus à des particuliers) ; les ventes réalisées directement par des marchands de biens sont également exclues (ils sont supposés revendre à d’autres professionnels de l’immobilier et non à des particuliers, et bénéficient pour cela d’une fiscalité particulière) ; ces restrictions sont plus significatives dans notre cas
  • portant sur des biens à usage d’habitation : ce critère exclut toutes les transactions portant sur des locaux d’activité dont le changement d’affectation n’a pas encore été fait, donc tous les futurs lofts (puisqu’un loft est, selon le dictionnaire de la base Bien lui-même, un ancien local d’activité transformé en local à usage d’habitation) ; cette restriction est évidemment très importante dans notre cas
  • dans la même logique, les notaires conseillent aussi de s’en tenir aux appartements de moins de 200 m2 et aux appartements dits « standards », aux duplex, triplex et studios (les lofts et les ateliers d’artistes, biens « atypiques », sont exclus) ainsi qu’aux maisons standard (« tout type de maison sauf grande propriété, hôtel particulier, bien exceptionnel »385) de moins de 300 m2.

On saisit bien la logique de constitution de cette base : elle sert à élaborer un baromètre des marchés immobilier à l’usage des professionnels de l’immobilier ; or la régulation de ce qui est vu avant tout comme un marché passe par les prix et exige une homogénéité des biens. L’évaluation sur le marché immobilier repose en effet sur la comparaison des biens avec des références sur les transactions comparables (« valeur vénale »). Il s’agit donc d’exclure les mutations atypiques qui viendraient perturber les moyennes de prix. Avoir à l’esprit cette logique permet de réaliser combien les cas que nous étudions se situent en-dehors. Le marché immobilier des « convertisseurs » n’est pas le marché du logement « standard » et déconcerte de ce fait les professionnels. Julien le remarque bien, voyant la difficulté de l’agent immobilier à lui présenter le type de bien qu’il recherchait :

‘Parce que c’est vrai que quand t’es agent immobilier, tu vas plutôt essayer de vendre – enfin tu vends ce qu’on te propose, mais tu ne vends pas des loques et des ruines. Mais là ça ne me posait pas de problème. (Julien)’

De fait, il aurait certainement été possible de nous procurer les données concernant ces mutations exclues de la base « standard », mais pour en tirer quelles informations ? Etablir des moyennes de prix des transactions, de prix au mètre carré ou de surface n’aurait pas eu de sens. Nous en avons eu confirmation en tentant un tel travail à partir des cas recensés dans l’enquête ethnographique, mais les difficultés n’ont pas tardé à se présenter, comme on l’a vu au point 1.1 : fallait-il considérer comme des mètres carrés « habitables » les parties des bâtiments acquis que les enquêtés n’ont pas eu le temps, les moyens ou l’autorisation d’aménager ? Comment considérer la minuscule maison de gardien pour l’heure inutilisée ? Et le jardin censé être en copropriété, mais aménagé sans permis et interdit d’accès suite à une action en justice de la voisine ? A ces questions, qui renvoient entre autres au problème du différentiel entre valeur d’usage et valeur d’échange, s’ajoutait un doute sur ce que l’on doit considérer comme le coût d’achat du « logement » : ne fallait-il pas y inclure le coût des travaux de transformation du bien, quand on sait qu’il a souvent été très important, parfois équivalent ou supérieur au coût d’achat des murs et du terrain ? Et fallait-il prendre en compte les parts parfois importantes des dépenses réalisées « au black » – y compris pour l’achat – dans la comparaison avec les montants enregistrés par les notaires ? C’était en fait la logique même d’un travail construit à partir des catégories du marché des biens standards qui se trouvait remise en cause : les critères habituels de description des biens immobiliers, comme la surface « habitable » et l’utilisation du prix comme indicateur de synthèse reflétant la qualité, se trouvaient nettement insuffisants voire inutilisables.

Or c’est bien là ce qui fait les « singularités » et qui les exclut de l’analyse économique néo-classique : alors que dans la théorie néo-classique le prix est l’indicateur synthétique de la qualité386, il n’est plus qu’une contrainte sur le marché des singularités. C’est bien la caractéristique des recherches menées par nos enquêtés : soit le prix entrait dans leur budget, soit il était trop élevé, mais il ne voulait rien dire de plus. Les propriétés du bâtiment et de son environnement sont examinées et jugées par les acquéreurs387 : comme dans les cas des biens de luxe, des biens culturels ou des services personnalisés étudiés par L. Karpik, les choix de logements qui nous ont été racontés relèvent davantage du jugement que du choix entre deux biens similaires : « Lorsque l’échange se trouve défini par des produits dont les qualités sont au moins partiellement incommensurables et par des acheteurs qui assignent la priorité à la qualité, le choix économique est plus fondé sur le jugement que sur la comparaison des prix » (Karpik, 2008, p. 207).

« La recherche du « bon » produit singulier, chaque consommateur définissant le « bon » à sa manière, est le principe d’activation du marché des singularités. L’exigence est plus ou moins vigoureuse, mais elle est toujours présente. Elle s’affirme par le besoin d’une connaissance détaillée au service d’une quête, parfois longue, de l’objet désirable et elle explique que la concurrence par les qualités l’emporte sur la concurrence par les prix » (Karpik, 2007, p. 42). Ainsi, non seulement les biens à convertir situés dans le Bas Montreuil ne sont objectivement pas interchangeables ou commensurables, mais la diversité des demandes renforce encore l’hétérogénéité de cette famille de biens. Les définitions du « bon » bien immobilier « un peu pourri », de la « bonne » usine à transformer, varient selon les gentrifieurs et correspondent à des configurations diverses de caractéristiques388 : pour Edith, il faut beaucoup d’espace et de hauteur sous plafond et un accès possible par deux rues différentes ; pour Julien, la dimension esthétique est importante : il faut notamment que l’usine soit relativement ancienne (il précise que celle qu’il a achetée date de 1924) ; pour Marc et son groupe, il faut qu’elle puisse accueillir au moins une dizaine de ménages ; pour Hugo et sa compagne ou Julie et son conjoint en revanche, il faut qu’elle soit de taille suffisamment modeste pour qu’une famille seule s’y retrouve ; pour la plupart, la localisation proche du métro est importante, mais pas pour Julien, qui privilégie le fait de pouvoir faire du bruit et de la poussière avec son activité de ferronnerie ; etc. Cette incommensurabilité est bien illustrée par ce récit de Julie, qui mène sa recherche en même temps qu’une amie, toutes deux étant intéressées a priori par la même chose, c'est-à-dire « un truc à refaire » dans le même secteur du Bas Montreuil :

‘Elle avait visité ici. Et je lui avais dit « T’as visité, là ? - Ouais ouais, j’ai visité, c’est nul, y a pas de lumière, tu vois, on peut rien faire, et tout ». Je dis ah bon, d’accord. […] Et puis la même semaine, elle a visité un truc, elle m’appelle, elle me dit « j’ai trouvé la maison de mes rêves ! – ok d’accord ». Et il se trouve que moi, elle était dans plusieurs agences, sa maison, et je l’avais visitée. Et je me suis dit « c’est nul à chier, son truc ; donc si moi ça ne me plaît pas du tout, je vais aller voir l’autre ! ». […] Je me suis m’empressée d’aller visiter. En effet, je suis rentrée ici, je me suis dit « ouh là là ! c’est ce que je cherche depuis toujours ! ». (Julie, graphiste, arrivée en 2000, propriétaire)’

On perçoit bien l’absence de « hiérarchie objective » entre ces biens et l’importance des jugements individuels, dont la diversité reflète la diversité des goûts, des projets résidentiels mais aussi des aptitudes à convertir ces biens.

Les singularités sont enfin caractérisées par l’incertitude :

« Sur le marché standard, les produits sont déterminés, c'est-à-dire qu’ils sont connaissables et connus avant l’achat […]. En revanche, sur le marché des singularités, l’ajustement final est incertain par suite du mystère partiel qui enveloppe le produit d’échange, ce qui impose de l’acheter alors même qu’il reste partiellement inconnu. Après la transaction, le différé d’évaluation mesure le temps nécessaire pour porter un jugement réaliste sur la qualité du produit. C’est l’expérience prosaïque qui accompagne le choix d’un nouveau médecin ou d’un avocat, d’un spectacle ou d’un voyage touristique dans un nouveau pays. » (Karpik, 2007, p. 41)

C’est aussi l’expérience de tout acquéreur de logement, qui découvre après quelques semaines d’installation les qualités et défauts du bien acquis. Mais cette incertitude est particulièrement importante pour nos enquêtés « convertisseurs » qui, on l’a vu, achètent d’anciens locaux pour leur « potentiel » et non pour leurs propriétés avérées : au moment de la transaction, les singularités ne sont que des promesses. Cette « incertitude sur la qualité » n’est pas qu’une asymétrie d’information entre acquéreur et vendeur liée à l’achat d’un bien d’occasion. Elle ne consiste pas non plus uniquement en une incertitude concernant l’évolution du quartier ou les fluctuations du marché immobilier. Elle découle de la méconnaissance que l’on a de ces biens relativement rares et du fait qu’ils n’ont pas été construits comme logements. Les acquéreurs potentiels ont peu de connaissances sur l’état de ces biens inutilisés pendant des périodes plus ou moins longues et ayant connu des usages variés : le bâtiment est-il solide, ou est-il miné par des fissures importantes ? Le terrain est-il stable ? A quel point le sol est-il pollué ? Par ailleurs, les acquéreurs ne savent pas dans quelle mesure le bien sera « convertible » en logement : sera-t-il techniquement possible de casser des cloisons sans affaiblir l’édifice, de percer une fenêtre pour créer une pièce supplémentaire, de surélever de toit pour agrandir la surface habitable ? Le bâtiment sera-t-il chauffable, et à quel coût ? Quelle sera son acoustique une fois aménagé ? Les usages inhabituels que ces acquéreurs veulent en faire renforcent cette incertitude (habitation, mais aussi salle de danse, bureau, labo photo, etc.). La valeur d’échange du bien est également incertaine, dans un marché local en transformation : en cas de revente, pourra-t-on rentabiliser les dépenses d’aménagement ?

A cette « incertitude sur la qualité » s’ajoute une « incertitude stratégique » concernant le droit d’acquérir le bien et de l’utiliser comme on le souhaite389. Les acquéreurs sont confrontés à un acteur institutionnel du marché, la mairie, qui peut considérablement altérer la transaction et la qualité du bien. La mairie va-t-elle décider de préempter ? Comment l’éviter ? Va-t-elle accepter le changement d’affectation du bâtiment et délivrer le permis de construire ? En combien de temps ? Fera-t-elle une visite de conformité, ou peut-on envisager de frauder ? Faut-il accepter d’acheter à des marchands de biens qui placent la transaction hors du cadre légal, et de quelles ressources faut-il disposer pour mener à bien la négociation avec ce type de vendeur ? Le contexte politique et économique pèse ainsi fortement sur les acquisitions et les transformations.

Des éléments nombreux et variés concourent donc à faire des biens recherchés par nos enquêtés et existants dans le Bas Montreuil des biens singuliers, au moins temporairement : ils sont anciens, souvent délabrés ou vétustes ; un grand nombre ne sont pas des logements et ont des dimensions sans commune mesure avec celles de logements « standard » ; il est nécessaire, pour les habiter, d’y faire des transformations ; le quartier est en transformation ; sa valeur n’est pas assurée ; le marché est fortement régulé par le pouvoir politique, et l’on doit traiter avec des agents plus ou moins inhabituels ; etc. De façon générale, le contexte économique et politique alimente l’incertitude stratégique, tandis que l’incertitude sur la qualité et l’incommensurabilité découlent des projets résidentiels et des goûts particuliers de ces gentrifieurs : incapables d’accéder à la qualité souhaitée sur le marché des biens standard, ou souhaitant s’en distinguer390, ils font du logement un produit particulier, qui doit être à la fois original et personnalisé (cf. 1.3).

L’originalité et la personnalisation sont in fine les deux modèles auxquels les biens singuliers peuvent être rapportés. Dans le premier cas, la « forme pure » est l’œuvre d’art, caractérisée par l’usage de critères esthétiques et la possibilité de diverses interprétations personnelles391 ; de ce fait, « la singularité, à mesure qu’elle se rapproche de l’œuvre d’art, redéfinit le producteur et le client » (Karpik, 2007, p. 49). On a vu que les anciennes usines et les petits pavillons sont bien appréhendés de cette façon : ils redéfinissent le producteur-client. L’autre « forme pure » de singularité est le « produit personnalisé », c'est-à-dire le bien ou le service sur mesure – et non pas le bien « customisé », qui n’est qu’une variante d’un même modèle. En effet, on a vu que les « convertisseurs » ne se placent pas en consommateurs d’un bien standardisé (un appartement, une maison) correspondant à un certain usage (l’habitation) qu’ils se contenteraient de décorer ou d’aménager, mais plutôt en coproducteurs du bien qui sera parfaitement adapté à la spécificité de tous les usages qu’ils voudront en faire, et qui aura davantage de valeur qu’à l’achat.

‘« Les deux modèles, modèle de l’originalité (l’œuvre originale) et modèle de la personnalisation (le service personnalisé, le sur mesure), sont définis par la référence la plus radicalement opposée à l’interchangeabilité : la personne humaine. Par voie de conséquence, les producteurs, les consommateurs, les biens originaux et les services personnalisés se qualifient mutuellement comme des entités incommensurables. Cette circularité n’est pas une réalité spontanée : elle est une construction sans laquelle le marché des singularités ne pourrait exister » (Karpik, 2007, p. 51).’
Notes
384.

Ou, du moins, de biens plus incommensurables et plus incertains que les autres biens immobiliers plus « standard », qui recèlent également toujours une part de mystère pour leurs acquéreurs potentiels.

385.

Source : dictionnaire BIEN 2007.

386.

« La méconnaissance des produits singuliers par l’analyse néo-classique […] est la conséquence logique d’un cadre théorique dont la visée universelle implique une qualification des produits d’échange qui ne laisse subsister que le prix comme trait différentiel. » (Karpik, 2007, p.9)

387.

Nous avons interrogé dans l’échantillon trois enquêtés qui se connaissent et sont arrivés à quelques mois d’intervalle dans le même secteur, achetant avec des budgets très comparables des biens très différents. Il est intéressant de constater qu’aucun ne se risque à établir une comparaison entre leurs logements et à juger si l’un ou l’autre a fait une meilleure affaire ; ils expriment tout au plus des préférences.

388.

Nous nous appuyons ici sur l’exemple du marché de la psychanalyse développé in Karpik, 2007, p. 44-45

389.

Ce n’est pas exactement ce sens que L. Karpik donne à l’ « incertitude stratégique » : elle recouvre pour lui davantage l’incertitude de la rencontre entre offre et demande résultant des façons différentes dont les offreurs et les demandeurs se représentent le produit (autrement dit, du fait qu’ils n’en valorisent pas les mêmes dimensions). Nous nous permettons d’utiliser cette expression ici pour désigner une autre incertitude pesant sur la rencontre entre offre et demande, liée à la vision différente de ce bien qu’ont non pas les offreurs et les demandeurs, mais les demandeurs et la mairie, dont les pouvoirs sont asymétriques – celle-ci étant normalement en position d’imposer sa vision.

390.

La critique artiste des modes de vie et de consommation standardisé conduit logiquement à un refus de la commensurabilité et à une recherche de l’incommensurable, qui replace l’être humain au cœur de la production et de la consommation.

391.

Les appartements canuts semblent bien relever de ce modèle de l’œuvre d’art : appréhendés selon des critères esthétiques, ils sont signifiants par leur authenticité et par leur « pouvoir de témoignage historique » (Karpik, 2007)