2. Les bases de données notariales

Les bases BIEN (Base d’Informations Economiques Notariales) et Perval recensent les mutations immobilières réalisées chaque année et enregistrées dans les études notariales, la première en région Ile-de-France, la seconde pour toutes les autres régions. La base BIEN est exhaustive tandis que la base Perval est alimentée par les notaires sur la base du volontariat ; le taux de couverture des transactions est estimé supérieur à 80 % et jugé satisfaisant en Rhône-Alpes par plusieurs organismes (Insee, Observatoire Régional de l’Habitat et du Logement) ; il est toutefois variable selon les années. Les bases qui nous ont été fournies, respectant les conseils de notaires, se limitent aux mutations de gré à gré sur le marché de l’occasion (elles excluent donc les donations, les viagers et les héritages, les ventes réalisées par des personnes morales – promoteurs, compagnies d’assurance, etc. – et l’ensemble des ventes de logements neufs) ; elles concernent uniquement des biens à usage d’habitation.

Ces bases procurent pour chaque transaction quatre séries d’informations concernant :

  • la localisation précise du bien (par l’adresse complète le plus souvent)
  • les caractéristiques du bien (type de bien, surface, étage, date de construction…)
  • la mutation elle-même (type de mutation, date, montant, prix au mètre carré, prix total)
  • les caractéristiques sociodémographiques du vendeur et de l’acquéreur (catégorie socioprofessionnelle, âge, statut matrimonial, origine géographique)

Les bases BIEN et Perval sont commercialisées à un prix très élevé. Nous y avons eu accès grâce à une collaboration avec l’équipe de la Chaire Ville et Immobilier de l’Université Paris-Dauphine pour Montreuil et pour le premier arrondissement de Lyon (ainsi que pour le 20e arrondissement de Paris et le 4e arrondissement de Lyon, à titre de comparaison), pour les années 1998 et 2007, qui constituent le point bas et le point haut du dernier cycle immobilier. Elles constituent une source d’informations complémentaire pour approcher statistiquement la population des gentrifieurs du Bas Montreuil et des Pentes de la Croix-Rousse. Tout d’abord, elle permet comme les recensements de disposer d’informations localisées et d’établir des statistiques à l’échelle du quartier (et non pas seulement de la commune entière). Comme les recensements aussi, elles ne couvrent pas un échantillon de la population mais l’ensemble de la population pour la base BIEN et une partie importante pour la base Perval.

En revanche, contrairement aux données concernant les migrants, elles ne concernent pas à l’ensemble des nouveaux résidants mais les nouveaux propriétaires ; on cerne ainsi de plus près le noyau dur des gentrifieurs « convertisseurs », qui achètent un bien pour le rénover, mais on exclut les gentrifieurs locataires. Impossible également de distinguer les investisseurs des propriétaires occupants, ce qui constitue un biais d’autant plus important que le quartier devient susceptible d’offrir des opportunités de placement intéressantes. Le statut d’occupation est un élément important du type de gentrification : si tous les gentrifieurs, acteurs de la valorisation du quartier, ne sont pas nécessairement propriétaires, la propriété entraîne un investissement plus important dans l’espace résidentiel en termes financiers, matériels et affectifs. La propriété autorise aussi la réalisation de travaux importants, composante importante de la gentrification, tandis que les locataires entreprennent rarement eux-mêmes des travaux d’envergure. Rappelons qu’environ 25% des migrants sont propriétaires de leur logement dans le Bas Montreuil et 22% dans les Pentes en 1999.

Ces bases de données sont enfin particulièrement intéressantes puisqu’elles associent les caractéristiques des individus aux caractéristiques des biens qu’ils achètent (ou qu’ils vendent) et au prix de la transaction. Ainsi, contrairement aux données de recensement qui n’autorisaient la plupart du temps qu’une statistique à une dimension, elles permettent de croiser les différentes dimensions et d’établir des liens entre les caractéristiques des biens, des transactions, des vendeurs et des acquéreurs. La base Perval indique en outre la catégorie socioprofessionnelle à un niveau détaillé (en 42 postes) ; la base BIEN en revanche n’utilise que le code en 8 postes.

Afin de cerner le profil des acquéreurs de logement du Bas Montreuil et des Pentes, nous avons établi la liste des voies concernées de façon à reproduire les limites des deux quartiers tels qu’ils ont été définis aux annexes 1 et 2. Les résultats peuvent donc différer légèrement d’autres résultats élaborés par ailleurs à partir d’autres découpages de ces quartiers.