— Partie I —
Cadre théorique, corpus et méthodologie

Etudier les interactions médiées par ordinateur, c’est interroger à la fois plusieurs objets d’étude tels que les participants, le dispositif technologique, l’espace environnant, la temporalité complexe de l’action, etc. Se posent alors des questions méthodologiques et analytiques concernant la manière d’aborder ces objets d’étude, et plus particulièrement de rendre compte de ce qui se passe du point de vue des participants dans leur activité. Traditionnellement, les études sur les interactions médiées par un dispositif technologique se focalisaient prioritairement sur la nature des échanges entre les usagers et les interfaces techniques. Ces études, essentiellement technologiques, ont été amplement développées dans les recherches sur les Human-Computer Interactions (HCI)1, qui ont mis notamment en évidence la nécessité de prendre en compte le caractère complexe et dynamique de ce type d’interactions.

Les récentes innovations technologiques et l’accessibilité croissante, ces dernières années, des différents outils (ordinateurs portables, téléphones portables, connexion Internet illimitée) dans les sociétés de consommation ont complexifié les pratiques associées aux activités médiées par les technologies. Ce constat continue d’avoir des conséquences directes, aussi bien sur l’orientation du champ de la recherche scientifique que sur les intérêts des industriels. Ces intérêts sont d’autant plus importants que les industriels sont souvent les commanditaires de ce type d’études, et de ce fait, ils ont également une fonction importante dans l’orientation des recherches. De nombreuses orientations théoriques et méthodologiques ont ainsi été développées dans différentes disciplines, avec comme objectif de mieux éclairer la structure et le fonctionnement de ces interactions, tout en essayant de tenir compte des attentes quant aux applications possibles. Ici, notre étude aspire à contribuer à une meilleure connaissance de ce domaine qu’est l’étude des interactions médiées par les technologies en s’inscrivant dans une approche analytique spécifique associant l‘Analyse Conversationnelle issue de l’Ethnométhodologie, et les Workplace Studies.

Dans cette partie, nous allons présenter ces différentes disciplines (chapitre 1.) afin de mieux les situer historiquement et expliquer leurs outils analytiques, fondamentaux tout au long de nos analyses. Nous introduirons tout d’abord brièvement le courant de l’Ethnométhodologie (section 1.1.), puis la mentalité analytique de l’Analyse Conversationnelle, reposant notamment sur le mécanisme de l’alternance des tours de parole décrit par Sacks, Schegloff et Jefferson (1974) (section 1.2.). Nous présenterons ensuite les travaux développés dans les Workplace Studies (section 1.3.). Dans un deuxième chapitre, nous ferons une présentation des deux centres d’appel avec qui nous avons collaboré pour recueillir les données (chapitre 2.) : d’une part, le centre d’écoute HumPrior2 (section 2.1.) ; d’autre part le centre d’appel LocBike (section 2.2.). Nous détaillerons ensuite le dispositif d’enregistrement complexe (chapitre 3.) que nous avons mis en place afin d’obtenir une vue sur l’activité des professionnels (section 3.1.), ainsi que sur les écrans qui sont mobilisés au cours des échanges (section 3.2.). Enfin, dans un dernier chapitre, nous développerons la méthodologie que nous avons utilisée dans le traitement de nos données après leurs enregistrements (chapitre 4.).

Notes
1.

Pour approfondir les lectures sur le domaine des HCI, voir Card, Moran & Newell (1983) qui est un ouvrage de référence dans la discipline.

2.

Tous les noms des terrains, des participants, de collaborateurs ont été anonymisés.