Cadre théorique

L’Ethnométhodologie

L'Ethnométhodologie (EM par la suite) a été fondée par Harold Garfinkel (1964, 1967, 1986, 1988) au cours des années 1960. L’Ethnométhodologie se développe en affirmant la primauté des pratiques sociales pour expliquer les faits de société et l’organisation de l’ordre social ; par conséquent elle se attribue dès ses débuts une importance capitale à l’observation de ces pratiques in situ, aux manières de dire et de faire, aux compétences des interactants et à leurs ajustements mutuels :

‘The spirit of ethnomethodology is exactly that of the sociolinguistics with which we are concerned in many respects – the insistence that the number and kinds of many ways of speaking are problematic and to be discovered; that analysis begin within the data of speech events themselves; and that a person’s speaking competence is not passive or mechanical, but part of strategies for the encompassing of situations. (Garfinkel, 1972 : 307)’

L’EM porte son attention sur les savoirs, les représentations et les stratégies discursives des membres d'une société dans la vie quotidienne. Toujours d’après Garfinkel (1967), il s’agit de poser la question de la compréhension par les acteurs des conditions dans lesquelles l’action peut commencer ou être arrêtée, des circonstances pratiques, des propriétés de leur jugement. Le point de vue de l’acteur et son rôle dans l’organisation de l’action doivent être analysés en se basant sur des catégories d’analyse endogènes à l’interaction. L’objectif de l’EM qui sera repris par l’Analyse Conversationnelle est donc la détermination des méthodes par lesquelles les participants produisent leur réalité sociale telle qu’ils la vivent.

Un certain nombre de notions clés sont utilisés dans les travaux issus de l’EM comme celle :

  • d’indexicalité : les énoncés tout comme les actions sont ancrés dans le contexte de leur production. En dehors de leur contexte de production, ils ne seraient pas compréhensibles. En retour, tout énoncé produit crée du contexte, de manière réflexive. Par conséquent, le contexte n’est pas considéré comme un ensemble de paramètres fixes ou statiques, mais comme quelque chose de dynamique dans lequel les interlocuteurs interagissent et interprètent une situation vers laquelle ils se sont orientés.
  • d’accountability : les membres d’une société agissent d’une façon ordonnée en utilisant des méthodes reconnaissables par les autres.

Les pratiques accomplies ordinairement, machinalement, et le plus souvent inconsciemment par les participants sont donc les éléments fondamentaux qui intéressent les études ethnométhodologiques, et ces pratiques implicites, néanmoins observables et rapportables sont significatives de la représentation du monde social dans lequel évoluent les participants. Sur le plan pratique, les méthodes employées par l’ethnométhodologie dans le cadre de la recherche expérimentale sont : l’entretien, l’observation directe, l’étude des dossiers et des documents administratifs, organisationnels, des tests, des enregistrements vidéo, des projections de ces vidéos aux participants eux-mêmes, et également l’enregistrement des commentaires de cette projection.

Les travaux de Garfinkel ont enfin contribué au développement de l'Analyse Conversationnelle en établissant un domaine de recherche fondamental sur l’organisation méthodique de la vie quotidienne qui a été développé par Harvey Sacks dans ses Lectures on conversation dès le début des années 1960 (Sacks, 1992).