Constitution de collections avec l’aide de CLAPI

Nous avons utilisé la plateforme CLAPI pour nous aider à établir la collection étudiée dans la partie III, intégration de l’objet ‘écran’ comme artefact interactionnel (cf. p157). Dans un espace de travail personnel en ligne, nous avons chargé l’ensemble des transcriptions issues du corpus LocBike. Grâce aux outils de requêtes proposés par la plateforme CLAPI, nous avons cherché à repérer de manière automatique les énoncés produits par les clients ou par les opérateurs dans lesquels ils se focalisent sur l’objet ‘écran’. Les requêtes outillées sont possibles en renseignant soit un phénomène précis, soit un token, à partir duquel s’effectue la recherche automatique. Dans notre problématique, il est question d’analyser l’activité de rapporter à l’oral une information écrite sur un écran. Nous avons donc déterminé une liste de tokens pertinents et récurrents dans cette activité pouvant rendre compte d’une focalisation sur l’écran lorsqu’un participant le thématise ou le mobilise dans l’interaction. Cette liste a été établi de manière manuelle, et a posteriori de la phase de transcription des données ; elle est composée des tokens suivants : « dit, met, demande, affiche, indique, créditer, recréditer, écran, machine ». Elle correspond principalement aux verbes introductifs qui précèdent le contenu informationnel affiché sur l’écran et qui est retransmis à l’oral.

Le choix des outils de requêtes disponibles sur la plateforme CLAPI permet un éventail d’options intéressant en fonction de ce que nous recherchons à extraire des données. Parmi ces possibilités, nous en avons retenu celle qui semblait être la plus pertinente et la plus efficace en terme de précision et de gain de temps : la co-occurrence d’un token. Cet outil de requête a permis de rechercher automatiquement les co-occurences gauches et droites d'un token donné, par fréquence décroissant, et avec un accès direct au contexte (i.e. avec la transcription et le signal audio/vidéo alignés).

Après avoir sélectionné l’outil de requête, nous avons indiqué le token (ou le mot) à rechercher. Nous avons effectué la recherche sur l’ensemble des transcriptions de notre corpus LocBike disponible dans un espace personnel de CLAPI26. En indiquant le premier token listé « dit », puis en validant la recherche, l’outil nous a donné une première information concernant le nombre d’attestations recensées du token « dit », à savoir 129 fois dans le corpus LocBike.

Nous avons ensuite visualisé la liste des co-occurences gauches et droites du token « dit » :

Image 10 : Résultat partiel de la requête sur les co-occurences du token « dit » sur CLAPI
Image 10 : Résultat partiel de la requête sur les co-occurences du token « dit » sur CLAPI

À ce stade de la recherche, la partie dite automatique de la requête a été réalisée sur ce premier token. Nous avons ensuite procédé à une vérification manuelle des attestations recensées pour s’assurer qu’elles correspondaient à la problématique qui nous intéressait. Pour cela, il a suffit d’aller « voir » les passages de transcriptions correspondant aux attestations en cliquant sur le lien associé. Ainsi, dans le contexte d’énonciation, nous avons déterminé si telle ou telle attestation représentait un cas pertinent dans l’objet de notre analyse. Au fur et à mesure de la vérification des attestations dans leur contexte, il a été possible de mémoriser un extrait dans un fichier de collection grâce à un code qui lui est attribué. Ainsi, nous avons sauvegardé les extraits pertinents pour notre recherche et les afficher de nouveau ultérieurement. Pour cela, nous pouvons ouvrir dans une fenêtre parallèle la page correspondant à la « gestion de vos collections » et copier-coller le code indiqué à la fin de la transcription de l’extrait qui nous intéresse. Enfin, pour sauvegarder le fichier de la collection, il a suffit de le télécharger sur notre ordinateur.

Après avoir vérifié les attestations du token « dit », nous avons procédé à une nouvelle requête automatique sur un nouveau token de la liste que nous avons établie. Nous avons retenu au total quarante extraits à partir du corpus LocBike à partir desquels nous avons analysé vingt-neuf extraits concernant l’intégration de l’objet ‘écran’ comme artefact interactionnel.

Le caractère automatique de l’outil a été intéressant à utiliser pour apporter un premier résultat rapide, et se rendre compte dans une seconde lecture des contextes immédiats autour du verbe introductif notamment. Cette recherche automatique a été cependant étroitement dépendante d’une vérification manuelle dans les transcriptions d’origine afin de ne pas exclure une forme grammaticale s’inscrivant dans une référence à une action réalisée sur l’objet ‘écran’. En effet, nous avons remarqué que le temps des verbes pouvait être au présent et au passé, il a donc été nécessaire de réaliser des requêtes automatiques sur le même verbe, en distinguant la forme au présent de celle au passé (ex : « dit » et « disait »). De plus, en l’absence de verbe introductif, l’outil de requête automatique sur un token donné n’a pas permis systématiquement de repérer un passage où les actions réalisées sur l’écran sont rendues pertinentes par les participants. Dans le cas de lecture à l’écran simultanée par exemple, il est possible que le participant n’introduise pas son énoncé par un verbe introducteur mais énonce directement le contenu informationnel tel qu’il est affiché sur l’écran. Ces passages ont pu donc être repérés plus certainement par une lecture pas à pas des transcriptions orales du corpus et non par une requête automatique.

La présentation du corpus, du dispositif d’enregistrement et de la méthodologie dans le traitement des données nous a permis d’expliquer le contexte de notre recherche ainsi que les choix réalisés. Ces choix ont été essentiels, notamment au niveau du dispositif d’enregistrement, pour développer au mieux notre problématique de recherche, à savoir la mobilisation des artefacts technologiques dans l’interaction. En effet, en partant de l’ensemble de ces éléments que nous venons de présenter, nous avons situé l’importance de rendre compte des actions réalisées sur les artefacts par les professionnels. Il a été fondamentale d’avoir à la fois un point de vue sur les participants en train d’interagir et de mobiliser des artefacts, et également un point de vue sur l’écran, pour rendre compte des actions plus micro, en lien étroit avec l’activité dans laquelle ils sont engagés.

Grâce à ce matériel (enregistrement multi-scope, transcriptions, collections, single case, etc.), nous allons à présent nous consacrer aux analyses des données, en commençant par traiter la mobilisation des artefacts technologiques lors d’une modification de cadres participatifs dans les interactions de service. Cette première réflexion permettra de s’approprier les données en questionnant d’une part, les effets des ajustements mutuels des participants par rapport au dispositif technique ; d’autre part, les effets des ajustements du dispositif par les participants. Ces ajustements, opérés entre les artefacts et les participants, émergent lors d’activités qui sont en lien avec l’interaction principale entre les professionnels et les interlocuteurs à distance, et ils ont pour conséquence de reconfigurer le cadre participatif de l’interaction en cours.

Notes
26.

L’espace personnel dans CLAPI correspond à un espace sécurisé par un identifiant et un mot de passe, qui permet de transférer nos transcriptions sur la plateforme sans qu’elles ne soient visibles ou consultables par les visiteurs. Par ailleurs, l’ajout de nos transcriptions n’a pas de conséquences sur les éléments statistiques de l’ensemble de la plateforme CLAPI.