Dans les appels par téléphone : LocBike

Les interactions dans le centre d’appels LocBike passent par de la communication médiée par téléphone entre des opérateurs et des clients. Nous rappelons que l’espace professionnel des opérateurs se caractérise par la co-présence de plusieurs collègues en train de traiter des dossiers en parallèles des interactions orales enregistrées. Dans ce chapitre, nous nous intéresserons principalement aux modifications des cadres participatifs dans l’environnement immédiat des opérateurs en tenant compte de la place et du rôle du dispositif technique de communication entre les participants. Ce dispositif comprend différents artefacts technologiques tel que l’écran d’ordinateur, le clavier, la souris, le téléphone activé en mode « haut-parleur » et le micro casque. L’ensemble de ces éléments contribue au bon déroulement de l’interaction avec un client.

Il est important de souligner le fait que, pour l’enregistrement des données, nous avons demandé aux opérateurs d’activer le mode « haut-parleur » sur le téléphone afin que les paroles des clients soient audibles en dehors du casque audio de l’opérateur, et ainsi être enregistrées à l’aide des caméras. Dans la pratique professionnelle courante au centre d’appels, les opérateurs ont directement le son sortant du client dans le casque audio relié au micro. Nous tenons compte dans nos analyses de cette modification du contexte interactionnel qui a pour conséquence de rendre les paroles des clients publiques et partagées par tous les participants présents dans la pièce. De notre point de vue, cette configuration d’interaction adaptée n’enlève pas le caractère de naturally occurring data, puisque nous sommes toujours dans l’environnement professionnel des opérateurs, avec l’ensemble des artefacts habituellement mobilisés dans leur travail et la présence d’autres participants potentiels dans la pièces fait parti également de l’environnement contextuel du travail. Les interactions entre les opérateurs, les clients et les collègues ne sont pas provoquées, guidées, dirigées par un script donné au départ.

L’action d’activer le mode « haut-parleur » sur le téléphone doit être réalisée avant chaque prise d’appels. Il ne s’agit pas d’une fonction automatique qui se déclenche lors de la réception d’un appel client. Du fait que les opérateurs n’aient pas l’habitude de réaliser ce type d’action, nous avons observé des séquences de modifications du cadre participatif où l’un des participant en co-présence indiquait à l’opérateur en ouverture d’appel d’activer le mode « haut-parleur » si ce dernier avait oublié de le faire. Si l’on part du principe admis par les participants que le mode « haut-parleur » doit être activé avant chaque prise d’appels, nous avons tenu compte de cette action comme faisant partie de l’activité professionnelle des opérateurs au même titre que la phase de salutations en ouverture, l’identification du client dans la base de données, etc. Le fait de ne pas activer le mode « haut-parleur » devient donc un élément essentiel pour l’interaction et nous avons observé que la situation d’« oubli d’activation » pouvait être alors thématisée par l’un des participants présents dans la pièce. Nous avons donc considéré ces séquences de « rappel » comme des séquences de modifications du cadre participatif avec un réajustement autour du dispositif technique.

Nous avons établi une collection de quinze extraits tirés du corpus LocBike présentant des séquences de modifications du cadre participatif dans l’environnement institutionnel des opérateurs. Nous rappelons que nous partons du contexte défini comme interaction principale celle entre l’opérateur et le client, et que de ce fait, toutes interventions extérieures pendant l’interaction principale est considérées comme une modification du cadre participatif. Nous avons distingué deux contextes différents de modification de cadre participatif en fonction de l’ajustement autour du dispositif technique : soit le dispositif est ajusté par l’opérateur (section 2.1.), contexte illustré par neuf de nos extraits ; soit ce sont les participants qui s’ajustent au dispositif (section 2.2.), comme nous le verrons dans six extraits présentant ce type de situation.