Rapporter des informations écrites dans l’interaction orale

L’activité de « rapporter » une information, qu’elle soit écrite ou orale, est étroitement liée au format d’énonciation utilisé par le locuteur pour « rapporter » le contenu de l’information. Cette question a largement été étudiée dans les travaux sur le discours rapporté à l’oral, c'est-à-dire sur l’activité de rapporter la parole d’un tiers dans son propre discours oral. Dans nos exemples d’informations écrites sur un écran puis rapportées à l’oral, nous avons remarqué des constructions, qui ont été définies comme caractéristiques du discours rapporté à l’oral (Genette, 1972) ; nous pensons par exemple au segment introductif « il dit que » qui précède l’énoncé rapporté. Nous avons donc décidé d’approfondir cette recherche en observant en détail les différentes occurrences d’informations écrites rapportées à l’oral, afin d’en dégager les mécanismes de constructions (syntaxiques et grammaticaux) et d’en comprendre les différentes fonctions, à travers les usages qu’en font les participants. Ces distinctions peuvent éclairer la manière dont l’objet est rendu pertinent dans l’interaction, voire dont il « est fait parler », et par conséquent, analyser la manière dont ces constructions syntaxiques et grammaticales peuvent transformer les objets en artefacts interactionnels dans les activités des participants.

‘« Le sort d'un énoncé est dans la main des autres et toute méthode de suivi d'une innovation n'a pas d'autre but que de reconstituer à la fois la succession des mains qui tran-sportent l'énoncé et la succession des trans-formations qu'il subit. Impossible d'avoir l'un sans l'autre. Le mot énoncé lui-même doit être précisé pour tenir compte de ces transformations successives. Nous entendons par énoncé conformément à l'étymologie tout ce qui est lancé, envoyé, délégué, par l'énonciateur. Le sens du mot peut donc varier au cours du parcours en fonction du "chargement" opéré par l'énonciateur; il peut donc désigner tantôt un mot, tantôt, une phrase, tantôt un objet, tantôt un dispositif, tantôt une institution. » (Latour, Mauguin & Teil, 1991 : 421)’

Dans un premier temps, nous introduirons brièvement la notion de discours en général et de discours rapporté à l’oral. Ducrot & Schaffer, dans le Nouveau dictionnaire encyclopédique des sciences du langage (1995 : 593-595), définissent la notion de discours en fonction de son mode et de sa voix utilisé par le narrateur dans le récit. Ils différencient trois grands modes (terminologie empruntée à Genette, 1972) : le discours rapporté (i.e. le discours direct) ; le discours transposé (i.e. le discours indirect) et le discours narrativisé (i.e. le discours indirect libre). Le discours indirect se divise en deux sous-catégories : le discours indirect régi (DIR) (par un verbe introductif) vs. le discours indirect libre (DIL) (voir aussi McHale, 1978) (i.e. caractérisé par l’absence de verbe introductif/déclaratif régissant grammaticalement les paroles mentionnées). Dans les deux cas, les paroles mentionnées sont soumises à une transposition temporelle. Le DIL adopte le point de vue du personnage par absence du verbe introductif, le DIR adopte le point de vue du narrateur. Le discours narrativisé correspond à une présentation simple, d’un sommaire du contenu de l’acte de parole rapporté. Il se distingue du DIR par l’absence de subordonnée, remplacé en français par l’usage de l’infinitif ou par une nominalisation du contenu du discours rapporté. Le locuteur peut utiliser l’un de ces trois modes et leurs déclinaisons pour des récits d’événement ou des récits de parole.

Le discours est également construit en fonction de la voix utilisée dans le récit. La notion de voix concerne les relations temporelles entre l’acte narratif et l’histoire, les relations entre le narrateur et le récit, ainsi que celles entre l’auteur et le narrateur. Ducrot & Schaeffer reprennent la distinction établie par Genette (1972) du temps de la narration selon une narration ultérieure (i.e. dite « normale »), antérieure (i.e. un récit « prédictif »), simultanée (i.e. en temps réel au moment où l’histoire est en train de se dérouler) et intercalée (i.e. une situation avec une pluralité d’actes narratifs successifs intercalés entre des tranches événementielles). À cela, ils associent la question de personne dans le récit en établissant une différence entre un narrateur absent de l’histoire qu’il raconte et le narrateur qui est présent comme « personnage ». L’opposition entre un récit à la troisième personne et un récit à la première personne gagne à être remplacée par la distinction entre un récit « hétérodiégétique » et un récit « homodiégétique » (i.e. le narrateur est simple témoin) (Genette, 1972). Cependant, si le narrateur est également protagoniste de l’histoire qu’il raconte alors les auteurs proposent de parler de récit « autodiégétique » (Friedman, 1955). L’ensemble de cette terminologie est principalement utilisée dans les travaux sur les textes narratifs et elle nous permet de développer une base linguistique sur laquelle nous pouvons nous appuyer afin de dégager les caractéristiques qui seront également pertinentes à analyser dans nos données (i.e. quel locuteur rapporte le discours ? le discours est énoncé dans quel temps ? etc.), mais dans une terminologie issue de l’Analyse Conversationnelle. Avant d’introduire le point de vue analytique développé en AC, nous expliquons brièvement celui développé en analyse du discours.

Charaudau & Maingueneau (2002) traitent le discours rapporté au sens strict, c'est-à-dire au sens où l’énonciateur prend pour objet un autre acte d’énonciation (ex : « Paul raconte que tu es malade »). Quant au discours indirect, il est défini comme une situation où le rapporteur utilisent les mots employés par l’énonciateur cité et présente son énoncé comme tel : « il m’a dit ‘tu dois partir’ ». Il peut également faire usage de ses propres mots pour citer autrui, et dans ce cas, il reformule ses propos (ex : « il m’a dit de revenir demain »). Ils font ensuite référence au discours direct qui est non marqué explicitement, ni associé à un verbe introducteur, ni marqué typographiquement. Le discours direct libre évoque les fragments qui sont interprétés comme du discours direct en l’absence de toute indication de discours rapporté.

Les auteurs introduisent ensuite la notion de « modalisation » en parlant de modalisation en discours second. Ici, l’énonciateur modalise sa propre énonciation en la présentant comme seconde par rapport à un autre discours. Dans ce cas, la modalisation peut porter sur la validité du contenu asserté (ex : « il est malade, si j’en crois Luc ») ; ou sur l’emploi d’un mot (ex : « je suis out, comme on dit »). Une remarque importante est qu’il a été abandonné l’idée que le discours direct serait plus fidèle que le discours indirect et qu’il reproduirait des paroles effectivement tenues. Cela nous invite à développer trois orientations possibles : i) la position du rapporteur et du destinataire : qui rapporte quoi à qui ? ; ii) les différentes façons de rapporter : discours cité, discours intégré, discours narrativisé, discours évoqué (Charaudeau, 1992 : 622) ; et iii) la manière dont le rapporteur évalue l’énoncé cité pour l’intégrer.

De ces approches, nous retiendrons trois caractéristique principales dans l’activité de « rapporter » un énoncé : i) l’utilisation d’un verbe introductif possible mais non systématique ; ii) le locuteur peut rapporter l’énoncé en utilisant les mêmes mots que ceux employés par l’énonciateur, ou les reformuler ; iii) le temps de la narration peut se situer au passé, au présent ou au futur. Ces caractéristiques sont importantes dans l’organisation de l’activité en train de se faire par les participants, qui, du point de vue de l’Analyse Conversationnelle, établissent certaines fonctions dans l’interaction de service entre opérateurs et clients que nous allons présenter par la suite.

En effet, les études en AC ont montré que la distinction entre discours direct et discours indirect n’est pas aussi précise (Clift & Holt, 2007). Un participant peut rapporter un énoncé avec une apparence de discours direct, mais basculer ensuite dans du discours indirect (Holt, 1996). Bolden (2004) a montré que ce qu’elle appelle fading out (2004 : 1106) peut être déployé à un certain nombre de fins interactionnelles ; en particulier pour gérer les problèmes potentiels d’alignement et de evidentiality (i.e. prouver quelque chose, convaincre, démontrer l’évidence de quelque chose) (Clift & Holt, 2007 : 12). Cette fonction est également démontrée par Wooffitt (1992), qui analyse des participants utilisant le discours direct pour rendre leur affirmation plus solide, et renforcer le caractère authentique de l’énoncé rapporté à travers sa forme et son contenu. Le discours direct permet également au bénéficiaire d'accéder à l'énoncé rapporté, et ainsi, de l'évaluer par lui-même (Holt 1996 : 229).

En relation avec les activités interactionnelles des participants, les caractéristiques de positionnement du locuteur énonçant le discours rapporté pour lui-même peut aider à expliquer ses associations récurrentes avec certains types de séquences d’activité. Golato a montré par exemple l’utilisation d’un verbe introductif (‘quotative’) particulier dans le discours rapporté en allemand pour rapporter des actions corporelles (embodied actions) (2000) et de la self quotation pour rapporter des décisions passées (2002). Par ailleurs, Drew (1998) et Holt (2000) ont étudié le discours rapporté dans des séquences de réclamations et ils avancent que le destinataire peut avoir accès à un commentaire répréhensible, lui permettant de proposer une évaluation négative de cette réclamation, et ainsi, confirmer la propre évaluation de l’énonciateur de la réclamation. Golato a également travaillé sur les situations d’interaction lors de procès. Elle explique que des récits sont généralement élicitées et dites pour soutenir des versions concurrentes de faits, spécialement durant les entretiens croisés, où leur crédibilité est constamment sujette à vérification. Par conséquent, le travail du témoin n’est pas seulement de raconter une expérience, mais également de la raconter d’une façon crédible, pour renforcer ce qu’ils leur récit, et pour limiter et éviter des doutes du coté adverse. C’est pourquoi les récits d’événements dans les tribunaux sont construits en fournissant des preuves que ces événements ont eu lieu. En utilisant le discours direct comme preuve, les témoins exhibent leurs orientations vers une requête spécifique concernant le contexte en disant comment ils savent ce qu’ils disent (Golato, 2007 : 207). La fonction d’evidentiality du discours direct est souvent mise en lumière par le fait que le discours direct permet d’apporter des détails sur des informations données auparavant.

Dans notre étude, nous nous positionnons plutôt du point de vue de l’Analyse Conversationnelle et de l’Analyse du Discours que de la perspective générativiste présentée dans le domaine des sciences du langage (cf. Ducrot & Schaffer, 1995). Nous adopterons, dans un souci de neutralité, la désignation de « discours écrit retransmis à l’oral » pour éviter de marquer le caractère « direct » (rapporté) ou « indirect » (reformulé) de l’énoncé avant qu’il ne soit analysé dans son intégralité. En effet, nous verrons que dans nos extraits, il n’est pas toujours possible de déterminer avec certitude la modalité du discours énoncé par les participants de manière formelle.

Après une brève introduction sur la notion de discours rapporté à l’oral, nous allons nous focaliser sur l’objet central de notre problématique, c'est-à-dire l’écran, et plus particulièrement à la lecture sur l’écran. Dans les appels au service LocBike, les participants interagissent notamment autour de problèmes liés à l’utilisation du système de location de vélo sur des stations réparties dans la ville. Les stations sont composées à la fois des bornes informatiques (écrans tactiles) permettant de choisir un vélo, et des bornettes sur lesquelles sont pris et déposés les vélos. Les participants peuvent donc rendre pertinentes les informations affichées sur l’écran d’une borne. Rapporter des informations écrites sur un écran dans l’interaction orale correspond manifestement à une double activité : i) « lire » le contenu d’une information, ii) « dire » le contenu de ces informations à une tierce personne. Cette double activité peut être réalisée de façon synchrone (i.e. en simultané, et dans ce cas, i) et ii) sont associés du point de vue temporel, « lire » et « dire » représentent une seule et même action pour le locuteur) ou asynchrone (i.e. dissocié temporellement, i) et ii) sont deux activités distinctes, où i) a été réalisée antérieurement par le locuteur et ii) correspond à un énoncé de discours retransmis à l’oral produit après la lecture de l’information). Des nombreux travaux sur la lecture à l’écran ont permis de dégager différentes « stratégies » mises en place par les participants, que ce soit en situation de classe (Brassac & Gregori, 2001 ; Greiffenhagen & Watson, 2007), ou en contexte institutionnel (Broth, 2009 ; Datchary & Licoppe, 2007 ; Licoppe, 2002a, 2002b, Mondada, 2007b, 2008c ; Heath & Luff, 1992 ; Heath, Luff & Sellen, 1997 ; Heath & alii, 1998 ; Luff & Heath, 1999 ; Suchman, 1987), ou ordinaire (Licoppe & Levallois-Barth, 2009 ; Relieu & Olszewska, 2004 ; Relieu, 2005).

‘« La stratégie linéaire se définit par le fait de vouloir suivre la séquentialité d’un texte. Lors de la lecture sur papier ou à l’écran, le lecteur peut suivre le texte de façon linéaire afin de trouver l’information recherchée. La stratégie ‘arrêt sur un mot/phrase’ consiste à faire une pause, qu’elle soit consciente ou non, sur un mot, un groupe de mots ou une phrase en particulier. L’utilisation de cette stratégie a pour but de réfléchir, de déduire ou de mieux comprendre un mot ou une phrase. Elle peut également être utilisée inconsciemment à cause d’un manque d’attention. Quant à la recherche par mots clés, elle permet au lecteur d’accéder de manière efficace et rapide à ce qu’il désire à l’aide de mots clés. Le lecteur peut égalementutiliser cette stratégie pour revenir sur des éléments textuels déjà lus. » (Carignan, 2009 : 56-57)’

Dans ce chapitre, nous allons étudier vingt-neuf extraits issus du corpus LocBike présentant une séquence de discours écrits retransmis à l’oral où l’un des participants – client ou opérateur – se focalise sur l’objet ‘écran’ par différent procédés d’énonciation. La méthode la plus utilisée est celle d’un segment introductif précédent l’énoncé rapporté ou reformulé à l’oral du type « il dit que ». Nous verrons qu’il existe d’autres procédés auxquels ont recours les participants en fonction de la séquence d’activité dans laquelle ils se situent. Nous avons décidé de mener une analyse en suivant l’ordre séquentiel d’un appel au service LocBike afin d’ancrer le passage de discours écrit retransmis à l’oral à l’intérieur de la séquence d’activité dans laquelle sont associés les participants. Dans un premier temps, nous nous intéresserons à la phase de formulation du problème par le client (section 2.1.), qui est attestée dans plus de la moitié des extraits de la collection (dix-huit extraits sur les vingt-neuf). Au cours de cette étape, le client formule la raison de son appel. Dans notre collection, nous avons recensé quatre problèmes récurrents. Le client peut appeler pour un problème de crédit, de vélo en location, de carte ou de code incorrect, ou de mauvaise lecture d’un message. Dans un deuxième temps, nous analyserons la phase de résolution du problème où les participants collaborent en temps réel dans cette activité (section 2.2.). Nous observons ici des formes de guidage en direct sur un écran d’ordinateur (dans le cas d’un problème sur le web) ou sur un écran d’une station LocBike (dans le cas d’un problème technique sur le terrain). Ensuite, nous étudierons une séquence de partage d’informations écrites par l’opérateur (section 2.3.) où il rend publiques certaines informations affichées sur son écran pour contribuer à l’avancée de la résolution du problème. Enfin, nous nous focaliserons sur une séquence émergente en pré-clôture d’appel où l’opérateur formule des recommandations prospectives pour pallier à d’éventuels problèmes ultérieurs (section 2.4.).

Dans tous les cas, les participants rendent pertinent l’objet ‘écran’ dans l’interaction en rapportant ou en reformulant un contenu informationnel affiché sur un écran (celui de la borne, ou d’un ordinateur). Afin de comparer le format d’énonciation du message écrit retransmis à l’oral, avec le contenu exact des différents messages affichés sur les écrans d’une borne LocBike, nous avons souhaité présenter les messages tels qu’ils sont affichés sur l’écran de la station et qui constituent la source informationnelle à partir de laquelle font référence les participants.

  • Le message d’origine concernant un problème de crédit sur le compte client correspond à cette capture d’écran :
Image 28 : Message problème de crédit
Image 28 : Message problème de crédit
  • Le message d’origine concernant un problème de vélo en location est « Attention: Vous avez un vélo en cours de location ».
  • Le message d’origine concernant un problème de mauvaise compréhension de ce message par le client qui l’interprète comme un vélo toujours en location sur son compte correspond à cette capture d’écran :
Image 29 : Message responsabilité du client avant de louer un vélo
Image 29 : Message responsabilité du client avant de louer un vélo

Remarque : il n’existe pas de message affiché sur l’écran correspondant à un problème de carte dysfonctionnante car, comme nous le verrons dans les analyses, il n’a informatiquement aucune apparition de message sur l’écran d’une borne LocBike lorsqu’un client essaye d’utiliser sa carte.

Enfin, nous avons voulu problématiser la question de focalisation sur l’objet ‘écran’ en introduisant un premier extrait tiré de notre corpus afin de présenter les choix possibles qu’ont les participants pour référer à cet artefact. Comme nous l’avons évoqué en introduction : pour rendre l’objet ‘écran’ pertinent dans l’interaction, les participants utilisent souvent le procédé reconnu dans les travaux sur les paroles d’un tiers rapporté à l’oral, soit un segment introductif du type « il dit que », où « il » renvoie à la personne dont le locuteur rapporte les paroles. Ici, nous verrons dans les analyses que les participants ont le choix entre différents segments introductifs et que le champ lexical des verbes introductifs utilisés est assez varié.

Dans l’extrait 3-1, le client, M. Jaron, appelle le service LocBike pour un problème de vélo en cours de location. Après avoir reconstruit les actions passées (l. 1), il explique que l’un des signaux important à vérifier lorsque le client repose un vélo ne s’est pas activé, « le voyant vert i` s’est pas mis » (l. 3).

Ext3-_L26-16_01’07’58 : I` on elle
1 JAR oui:\ bonjou:/ je viens d` déposer un vélo XXX à peu près\
2 SAM oui
3 4 JAR alors le voy- le voyant vert i` s'est pas mis moi je d'habitude j'attends que le voyant vert euh:: soit `fin: (..) XX/
5   (.)
6 SAM oui/
7 8 JAR et là y a y a pas XX et j'ai réessayé ma carte euh:: i` on m'a dit euh la carte elle dit que vous avez un vélo: euh en cours\
9   (0.5)
10 11 SAM d'accord .hh euh: vous avez une carte courte durée ou longue durée/
12   (0.5)
13 JAR non longue durée\

Samira valide l’information donnée par le client par une ratification minimale « oui » (l. 6) et M. Jaron thématise l’objet ‘écran’ par une référence largement supposée mais non dite (utilisation du pronom « il », l. 6-7). Dans ce passage de discours écrit retransmis à l’oral, nous pouvons observer une auto-réparation du client dans le choix de l’objet à référer : « ma carte euh:: i` on m’a dit euh la carte elle dit que ». Dans un premier temps, il choisit de référer à l’objet « carte », puis il utilise le pronom « il » que nous supposons comme référant à l’objet « écran ». Ensuite, il introduit un premier segment introductif complet {sujet + verbe} « on m’a dit euh » où le pronom « on » renverrait à une entité plutôt animée. Nous verrons au cours des analyses que l’usage de cette forme de pronom correspond à une personnification de l’objet ‘écran’ où le client lui confère des propriétés d’agent animé (i.e. les auteurs des messages affichés sur l’écran). Enfin, il reprend le premier terme utilisé « la carte elle dit que ». De manière implicite, il rend malgré tout l’objet ‘écran’ pertinent puisque le contenu de l’information retransmise par le client n’est pas affiché sur l’objet ‘carte’ mais sur l’objet ‘écran’. Il termine son tour en donnant le contenu de l’information affichée sur l’écran « vous avez un vélo: euh en cours\ » (l. 8) ; il s’agit alors d’une répétition partielle de l’information.

L’analyse de cet extrait nous a permis d’observer les choix possibles qu’ont les participants dans le format d’énonciation des segments introductifs. À l’intérieur d’un même tour, le client a énoncé successivement quatre références différentes de manière implicite ou explicite à l’objet ‘écran’. Les hésitations du client montrent des problèmes d’agentivité, d’attribution de la parole à « quelqu’un ».

Nous allons procéder à présent à l’analyse des vingt-huit extraits relatifs à l’activité de rapporter des informations écrites dans l’interaction orale et nous commencerons par la phase de formulation du problème par le client.