Problème de crédit

Dans l’extrait 3-2, M. Dilain appelle le service LocBike pour un problème de débit négatif sur son compte. Au moment de louer un vélo, un message sur l’écran de la station indique au client de créditer son compte. Nous analyserons la suite de cette interaction dans l’extrait 3-18 dans le cas d’un problème d’interprétation de message, où l’opératrice va établir d’autres références à l’écran au cours de l’échange.

Ext3-_L26-13_01’21’08 : Débit assez fort (=> Responsable Vélo)
1 2 3 DIL oui:\ bonjour madame euh:: (0.6) euh en fait je: j` viens d` rencontrer un problème avec un vélo i` dit que::\ (0.6) donc j` suis a- j` suis a- j` sui a:bonné locbike
4   (0.2)
5 MAT oui:
6   (.)
7 8 9 DIL et: quand je: donc quand j'ai mis j'ai mis ma carte (0.9) au lieu d` me d`mander de: retirer un vélo i` m'ont d`mandé d` créditer mon compte\
10   (0.7)
11 MAT oui:
12   (.)
13 14 DIL alors que: `fin j` me suis réabonné: et: euh (0.7) et euh:: et voilà/ et euh:\
15 MAT alors [euh:: ]
16 DIL [faut qu` j'aille devant] XX (0.6) [et j'ai] j'ai été&
17 MAT [alors ]
18 19 20 21 22 DIL &étonné d'abo:rd par XX XXX j'ai été étonné d'abord .h et j'ai quand même euh bon j'ai j'ai grillé euh j'ai crédité d` cinq euros\ pour euh (0.5) bon j` me suis dit j'avais p`t être euh: `fin j'avais p`t être plus plus mes cinq euros sur mon compte\ j'ai crédité d` cinq euros\
23   (..)
24 MAT ou[i::: ]
25 26 DIL [et là:] euh: quand j'ai remis ma carte i` m'ont red`mandé créditer\
27   (0.4)
28 29 30 MAT oui: c'est très certain`ment parce que vous d`vez avoir un débit qui: doit être euh assez euh assez:: assez fort\ .h vous pouvez m` donner votre euh: identifiant pour que [j` regarde\]
31 32 DIL [euh: ] oui (0.2) j` vous l` donne tout d` suite\ (.) alors\

Le client commence par expliquer qu’il a un problème avec un vélo (l. 2) puis il initie une référence à l’objet ‘écran’ en introduisant l’énoncé « i` dit que::\ ». La séquence est rapidement interrompue par le client lui-même qui souhaite apporter, après une pause de 0.6 secondes, une information complémentaire sur le type d’abonnement dont il est propriétaire. L’opératrice valide l’information donnée par une ratification minimale « oui » (l. 5) après une courte pause de 0.2 secondes. M. Dilain reprend son tour et reconstruit les phases d’utilisation de la borne et initie la séquence de discours rapporté en précisant la première action réalisée « quand j’ai mis ma carte » (l. 7). Une longue pause de 0.9 secondes s’écoule, puis il indique ce qui aurait dû être l’action suivante en réponse à la reconnaissance de la carte cliente, à savoir « retirer un vélo ». Cependant, le client utilise la préposition « au lieu de » (l. 8) en introduction de la description de l’action. M. Dilain produit alors une séquence de discours écrit retransmis à l’oral « i`s m’ont d`mandé d` créditer mon compte\ » (l. 8-9). Le message écrit sur l’écran est ici rapporté au passé, et il est personnifié sous la forme du pronom personnel pluriel « ils » associé à un verbe « demander de » qui marque une forte agentivité du sujet.

Entre les lignes 13 à 22, le client continue d’expliquer la raison de son appel et indique qu’il a crédité son compte de cinq euros. Mathilde tente de saisir deux fois son tour de parole au cours de l’explication du client : la première fois à la ligne 15 « alors euh:: » mais son tour est chevauché par la prolongation du tour du client qui projetait une suite avec le « et euh:\ » (l. 14) ; la seconde fois à la ligne 17 « alors » où, après une pause de 0.6 secondes qui représente un point de transition pertinent pour l’opératrice, nous observons un chevauchement du client et de l’opératrice. Le client va une nouvelle fois garder le tourpar rapport à l’opératrice.

Après une micro pause (l. 23), l’opératrice atteste sa compréhension de l’explication du client mais ne montre pas vouloir garder la parole. Le tour de M. Dilain (l. 25) chevauche une troisième fois la fin du tour de Mathilde et il introduit de nouveau un discours écrit retransmis à l’oral qui marque une clôture de la formulation de la raison de l’appel. L’utilisation du déictique « et là » et des préfixes « re » dans les verbes « remis » et « redemandé » permet de situer temporellement le discours rapporté par rapport à l’action précédente. Ici, le client rapporte une seconde fois le contenu du message écrit sur l’écran qui indique toujours de créditer son compte après qu’il ait déjà crédité son compte de cinq euros. Le format du discours rapporté est le même qu’aux lignes 8-9, c'est-à-dire le sujet pluriel « ils » et le verbe introductif « re-demander de ». Une courte pause de 0.4 secondes clôture une explication du problème par le client et l’opératrice initie la phase suivante où elle propose un pré-diagnostic possible (l. 28-29) avant de consulter le compte client dans la base de données. Dans cet extrait, l’usage du procédé de discours écrit retransmis à l’oral permet au client d’attester de l’authenticité de ses propos en s’appuyant sur une source d’information reconnue institutionnellement par son interlocutrice.

Dans l’extrait 3-3, Mme Sonquet vient de donner son numéro d’identifiant à Samira pour qu’elle puisse consulter son compte. Le « oui » (l. 1) de l’opératrice clôture l’énonciation du numéro par la cliente. Cette dernière commence la formulation de son problème après la pause d’une seconde (l. 2) concernant une demande de crédit du compte.

Ext3-_L25-15_51’52 : Créditer
1 SAM oui:
2   (1.0)
3 SON j'ai un §petit souci parce que ce matin donc j'ai: (..) c`
  samG §saisit num. ID-->
4   matin j'ai voulu prendre un vé-§ #un vélo\ puis on m'a dit
  samG -------------------------------§
  ecr #chrgt compte client-->
5   non: XX i` faut créditer votre compte\
6   (0.2)
7 SAM d'ac[cord\]
8 SON [alors] (pourquoi) (0.6) (oui) (0.2) comment/

Mme Sonquet formule la raison de son appel en rappelant l’action précédant le message indiqué sur l’écran de la station. Simultanément à son tour de parole, Samira saisit le numéro d’identifiant (l. 3) sur la page. La cliente termine la formulation de son problème en rapportant le message écrit sur la borne (l. 4-5) : elle utilise le pronom personnel singulier « on » et le verbe introductif « dire » au passé ; le message lui-même est retransmis au présent. La fin de la formulation du probléme par Mme Sonquet est produite durant le chargement du compte client sur l’ordinateur qui dure au-delà de la fin de l’extrait présenté. Après une courte pause (l. 6), Samira traite le tour de la cliente en ligne 5 comme potentiellement complet d’un point de vue syntaxique et prosodique ; puis elle valide ses explications après une courte pause par la ratification « d’accord » (l. 7). Son tour est chevauché par une intervention de Mme Sonquet (l. 8) qui ajoute une expansion à son tour précédent. Dans la suite de l’interaction entre les participantes, l’opératrice reconstitue l’historique du parcours de son vélo qui a été mal raccroché et qui finalement a été reposé le lendemain matin. Ce laps de temps a engendré un débit négatif sur le compte de Mme Sonquet expliquant la demande de crédit sur le compte. Ici, la cliente utilise un format d’énonciation avec une focalisation sur l’écran de la borne pour attester de l’authenticité de ses propos auprès de l’opératrice.

Dans l’extrait 3-4, M. Guarino appelle le service LocBike une seconde fois suite aux recommandations que l’opératrice lui avait faites concernant un problème de faux contact entre son vélo et la bornette de la station. Les recommandations étaient de rappeler le service LocBike si le client avait un message lui demandant de créditer son compte lors d’une prochaine location de vélo. L’extrait commence avec la formulation du problème par le client.

Ext3-_L25-15_01’28’42 : Faux contact
1 2 3 4 5 GUA oui bonjour/ j` vous appelle parce que y a:: une semaine à peu prés euh: j'avais rendu un vélo et: euh:: ça avait pas enregistré mon:::\ (0.5) `fin que j` l'avais remis en place du coup j'avais app`lé déjà\ donc elle m'avait expliqué euh pourquoi y avait eu un faux contact euh tout ça/
6 MAT hm hm
7 8 9 GUA et la dame que j'avais eu m'avait dit que si: euh:: dans les jours qui v`naient on m` demandait si j` voulais créditer mon: compte/ (0.2) [fallait] qu` j'appelle\
10 MAT [oui ]
11 MAT d'accord\

La formulation de la raison de l’appel se déroule en deux étapes. Dans un premier temps, le client donne un résumé de son premier appel ce qui permet d’établir un historique du contexte où avait émergé le premier problème (l. 1-5). Ces informations ne représentent pas la raison actuelle de cet appel mais elles permettent de justifier la nécessité de ce second appel. Dans un deuxième temps, après l’expression d’un continuateur par Samira qui laisse au client continuer son tour, elle rappelle une recommandation que l’opératrice, « la dame » (l. 7), lui avait donnée en prévision d’un problème possible. La recommandation est la suivante : « si: euh:: dans les jours qui v`naient on m` demandait si j` voulais créditer mon: compte/ (0.2) fallait qu` j'appelle\ » (l. 8-9). Nous pouvons analyser ce tour comme s’inscrivant dans deux dimensions temporelles parallèles : d’une part, nous avons le format propre au discours rapporté à l’oral où le client rapporte un énoncé produit dans le passé par une opératrice ; d’autre part nous avons également la construction « si… (alors) » qui rend compte d’une temporalité plus prospective de l’activité. Ici, le « alors » n’est pas explicitement mentionné par M. Guarino, et la construction syntaxique bipartite maintient cette temporalité prospective de l’énoncé. Nous avons donc deux discours retransmis à l’oral qui sont emboités dans le même tour : i) le premier est un discours oral « la dame … m’avait dit que » (l. 7), ii) le second est écrit « on m` demandait si » (l. 8) correspondant à un discours hypothétique. Enfin, l’objet ‘écran’ est défini comme source d’un énoncé rapporté par l’emploi du pronom personnel sujet au singulier « on » suivi du verbe « demander ».

Samira traite ensuite le tour du client jusqu’à « mon : compte/ » (l. 9) comme syntaxiquement complet et produit un continuateur avec l’affirmation « oui » (l. 10) précédé d’une courte pause de 0.2 secondes. M. Guarino poursuit et termine son tour ; l’énoncé de l’opératrice se trouve en chevauchement du tour du client. Du point de vue multimodal, Samira finit de traiter un autre dossier client pendant la phase de formulation du problème par le client. Ses actions ne sont donc pas en lien avec l’appel en cours.

L’analyse de ces trois premiers extraits a permis de montrer que lors d'un appel pour un problème de crédit sur le compte du client, le discours écrit transmis à l'oral est dans un format d’énonciation au passé. La pertinence de l’objet ‘écran’ est marquée par l'emploi des pronoms personnels sujet « i`s » et « on » (x2) et les verbes introductifs sont « demander » (x2) et « dire ». Le format lui-même du contenu du message transmis est présenté de différentes façons : « non xx i` faut créditer votre compte », « de créditer mon compte », « si je voulais créditer mon compte ». Le message d’origine est « créditer mon compte » et nous retrouvons exactement ce segment dans deux des trois séquences de discours écrits retransmis à l’oral. Enfin, nous avons relevé une fonction commune quant à l’utilisation de ce type de procédé, c'est-à-dire celle d’établir l’exactitude des informations retransmises à l’orale en s’appuyant sur la source fiable qu’est l’écran d’une borne LocBike (Clift & Holt, 2007). Cette exactitude permet également de renvoyer à une autre source d’énonciation, en détachant cette source du discours du « je » qui l’objective et en même temps se distance d’elle (Bres & Verrine, 2002)51.

Notes
51.

Pour approfondir la réflexion sur l’énonciation et les différentes perspectives dans le discours rapporté, voir les lectures complémentaires des travaux de Jacques Bres (1999, 2003).