Problème de vélo en location

Nous nous focalisons à présent sur six extraits où le client appelle le service LocBike pour un problème de vélo en location. Dans l’extrait 3-5, Mme Guibunot rappelle le service LocBike une seconde fois pour un problème de vélo non reconnu lors d’une précédente location. Lors du premier appel, il avait été dit à Mme Guibunot qu’il s’agissait d’un problème technique du côté LocBike et qu’il serait résolu. Après vérification sur le compte de la cliente, Samira va annuler la facture en cours pour régler le problème.

Ext3-_L26-16_01’03’39 : Pas r`posé
1 2 3 GUI .hh euh: bonjou::r/ j'ai un problème euh:: (.) `fin j'ai eu un problème avec mon vélo euh::: (0.8) donc il a été indiqué comme euh (.) pas r`posé\
4 SAM oui
5   (0.5)
6 GUI et euh:: x semaine/
7 SAM §hm
  samG §clic 1er onglet gestion clients
8   (..)
9 GUI ou que`que chose comme ça/
10 SAM oui
11   (.)
12 13 GUI je:: vous ai app`lé\ (0.9) et: vous aviez dit que:: que ça doit être euh:: (.) que c'est un problème technique de votre part\
14 SAM hm hm
15   (.)
16 17 GUI et que vous allez (résoudre) le problème mais euh apparemment non\

L’extrait commence au moment de la salutation de Mme Guibunot, puis elle continue avec la formulation de la raison de son appel. Elle reformule un message écrit sur un écran d’une station LocBike « il a été indiqué comme euh (.) pas r`posé\ » (l. 2-3). Ici, le format du discours retransmis est au passé passif, avec l’emploi d’un pronom personnel singulier « il » qui renvoie à l’objet « vélo ». L’agent référant à l’objet « écran » n’est donc pas exprimé explicitement, cependant, le client y fait allusion avec l’emploi du verbe « indiquer » au passé passif, ce qui permet de déterminer l’écran comme la source de l’information reformulée. L’agent Entre les lignes 4 et 11, Samira montre sa compréhension des explications de la cliente par l’enchaînement de continuateurs « oui » et « hm » dont la fonction n’est pas de prendre le tour. Simultanément à l’un de ses continuateurs, l’opératrice met en place la fenêtre informatique (l. 7) en affichant la page de gestion des clients. Enfin, Mme Guibunot conclut la phase de formulation du problème en rappelant ce qui avait été dit lors du précédent appel (l. 12-17). Nous pouvons déterminer ici un usage du procédé de discours écrit retransmis à l’oral comme relevant à la fois d’une volonté de la cliente d’attester l’authenticité de ses propos mais également une forme de désengagement de sa part dans une quelconque responsabilité du vélo toujours en location avec la mention de l’origine technique du problème.

Dans l’extrait 3-6, M. Choran appelle le service LocBike pour un problème de vélo toujours en cours de location. Cet extrait correspond à l’ouverture de l’échange avec l’opérateur. Nous verrons dans la section (p. 227) la suite de cette interaction entre M. Choran et Adrien, où ce dernier rend publiques les informations écrites sur son écran.

Ext3-_L26-17_01’05’51 : Réservation en cours (=> Europe)
1 2 3 4 CHO euh j` vous appelle pour c` que::\ (0.6) en fait j'ai:: j'ai redéposé un vélo: mercredi: et c` matin quand j'ai voulu en r`prendre un autre ça m` mettait qu` j'avais encore une réservation en cours\
5 6 ADR d'accord\ (0.2) j` vais prendre votre numéro d` carte s'il vous plaît\

Le client formule la raison de son appel (l. 1-4) en reconstituant temporellement les actions réalisées et il termine son énoncé en rapportant le message écrit sur l’écran au moment de louer un vélo. Il utilise le pronom démonstratif sujet « ça » pour référer à l’objet ‘écran’ et le verbe « mettre » au passé comme verbe introducteur. Adrien valide l’explication du client en réponse à la ligne 5 et initie la phase suivante d’identification du client dans la base de données en lui demandant son numéro de carte. Ici, nous avons un usage du discours écrit retransmis à l’oral qui fonctionne comme une attestation de l’authenticité des propos reformulés par le client. Les choix lexicaux du client pour la construction introductive s’orientent vers la source comme non-humaine.

Dans l’extrait 3-7, la cliente est Mme Terconet. L’opératrice n’effectue aucune action sur l’ordinateur durant les explications de la cliente. Après une vérification sur le compte de Mme Terconet, Mathilde devra envoyer un technicien sur le terrain pour situer le vélo sur la station car la cliente ne se souvient pas sur quelle bornette elle a déposé le vélo lors de sa course précédente. Nous verrons plus tard que cet appel comprend également un passage de discours rapporté où l’opératrice rend publiques certaines informations écrites sur son écran.

Ext3-_L26-13_40’27 : Vert (=> Tableau)
1 2 3 TER oui: bonjour madame\ (0.4) alors euh:: je suis à une station et on m` dit que j'ai::: (0.5) encore un vélo en cours/ (0.6) [euh]::: comment faut que j` procède parce que c` matin il&
4 MAT [oui]
5 TER &était bien au moins au vert euh: j` me souviens [plus s'il]&
6 MAT [alors ]
7 TER &a bippé mais normal`ment ça devait être bon\
8   (0.2)
9 10 MAT vous allez m` donner votre identifiant s'il vous plaît\ pour commencer\

Mme Terconet initie la formulation de la raison de son appel en indiquant sa position géographique pendant qu’elle est en train d’interagir : « je suis à une station » (l. 1). Elle continue en rapportant le contenu du message écrit sur l’écran « on m` dit que j'ai::: (0.5) encore un vélo en cours/ » (l. 2). Elle utilise le pronom « on » pour référer à l’objet ‘écran’ suivi du verbe « dire »52. Une courte pause de 0.6 secondes précède la suite du tour de la cliente. Mathilde produit le continuateur « oui » (l. 4) en chevauchement du tour de Mme Terconet. Cette dernière continue en apportant des informations supplémentaires sur les signes « au vert » et « bippé » qu’elle a eu le matin en reposant le vélo dont il est question. L’opératrice s’auto-sélectionne (l. 6) et manifeste son désir de prendre la parole par la conjonction « alors » en chevauchant du tour de la cliente. Aucun point de transition pertinent ne précède l’intervention de Mathilde. Elle projette ainsi la fin de la séquence de formulation du problème par la cliente sans toutefois interrompre le tour de cette dernière. Après une pause très brève de 0.2 secondes en fin de tour de Mme Terconet, Mathilde initie la phase suivante de demande de numéro d’identifiant (l. 9-10).

Dans l’extrait 3-8, Mme Lamy commence la formulation de la raison de son appel en expliquant les actions effectuées avant d’avoir un blocage pour louer un autre vélo : après avoir loué un premier vélo, elle a remarqué que la chaîne était cassée, et elle l’a reposé (l. 1-2).

Ext3-_L26-17_42’56 : Chaîne cassée
1 2 LAM oui enfin j'ai pris un vélo: euh qui était euh: la chaîne était cassée donc je l'ai reposé\
3 ADR d'accord\
4 5 LAM et impossible d'en prendre un autre on me dit que:: j'ai toujours un vélo en cours\
6 7 ADR okay\ (0.2) j` vais prendre votre numéro d` carte s'il vous plaît/

La cliente reformule le contenu du message écrit sur l’écran en référant à l’objet ‘écran’ par le pronom « on » suivi du verbe introductif « dire » au présent. Le contenu du message est aussi énoncé au présent. L’opérateur valide l’explication donnée par la cliente et après une courte pause initie la phase suivante de demande et de saisie du numéro d’identifiant (l. 6-7). Pendant la suite de l’appel, Adrien débloque la carte de la cliente sans aucune difficulté car le premier vélo est toujours en place et il s’agit d’un problème technique. Ici, Mme Lamy utilise le format d’énonciation avec une référence à l’écran pour expliquer son impossibilité de prendre un autre vélo. Ici, c’est le système qui bloque la location d’un autre vélo et qui est donc responsable de la situation problématique. Le pronom « on » renvoie alors au système, et non à un collectif comme dans l’exemple précédent53.

Dans l’extrait 3-9, M. Véra commence la formulation de la raison de son appel en reconstituant les phases d’utilisation de la borne « j’ai essayé d` prendre un vélo » (l. 1). Nous retrouvons pour l’action de départ une énonciation au passé comme dans les extraits du point précédent, mais le discours retransmis à l’oral est ici au présent.

Ext3-_L26-17_01’27’59 : Cours de location
1 VER euh (di-) en fait j'ai essayé d` prendre un vélo
2   (0.2)
3 ADR oui
4 5 VER avec euh:: une carte euh::: des cartes qu'on prend pour une semaine/ [.h ] en fait i` me dit que::: j'ai déjà un vélo en&
6 ADR [oui]
7 VER &cours de location\
8 9 ADR d:'accord\ j` vais prendre votre numéro d` carte s'il vous plaît\

Adrien valide sa compréhension de l’explication du client par un « oui » (l. 3) après une courte pause de 0.2 secondes. M. Véra continue les explications de son problème en précisant qu’il utilise une carte de location courte durée « pour une semaine » (l. 4-5). Adrien valide une seconde fois sa compréhension par le continuateur « oui » (l. 6) en chevauchement de la suite du tour du client. Ce dernier termine la formulation de son problème en rapportant le message indiqué sur l’écran de la borne (l. 5,7). Il utilise le pronom personnel sujet singulier « il » pour référer à l’objet ‘écran’, suivit du verbe « dire » au présent. Adrien valide une troisième fois sa compréhension du tour du client et initie la phase suivante d’identification en demandant le numéro de carte à M. Véra.

Dans l’extrait 3-12, M. Rontin appelle le service LocBike pour un problème de vélo toujours en location. Ici, la position séquentielle du passage de discours écrit retransmis est toujours en ouverture d’interaction, durant la formulation du problème. Cependant, il est introduit par l’opératrice et non par le client comme dans les extraits précédents. M. Rontin commence la formulation du problème en expliquant qu’au moment de reposer le vélo, il n’a pas « sonné » (l. 1).

Ext3-_L24-15_20’51 : Ça sonne pas
1 RON bon:jou::r/ j'ai reposé mon vélo et: (.) ça sonne pas\
2   (0.2)
3 MAT il a pas sonné/
4   (0.4)
5 RON nan/
6 7 MAT et euh:: quand vous repassez votre carte i` vous dit qu` vous avez un vélo en cours/
8   (0.4)
9 RON tout (à) fait\
10   (0.4)
11 MAT pardon/
12   (0.7)
13 RON oui tout à fait/

Mathilde demande une reconfirmation de l’information « il a pas sonné » (l. 3) après une courte pause de 0.2 secondes. Le client reconfirme le fait qu’aucun signal audio n’a indiqué la reconnaissance du vélo sur la bornette (l. 5). À ce stade de l’interaction, le client considère que la formulation du problème est potentiellement complète puisqu’il ne rajoute pas d’informations supplémentaires pouvant contribuer à l’établissement d’un diagnostic par l’opératrice. Cependant, cette dernière va prolonger la phase de formulation du problème qui devient alors une phase de question/réponse supplémentaire pour affiner la description du problème. Pour cela, elle formule une question qui est construite dans un format interrogatif fermé, c'est-à-dire que la réponse attendue sera soit une affirmation, soit une négation. Le début de la question recontextualise les actions réalisées lors de l’utilisation de la borne « quand vous repassez votre carte » (l. 6). La référence à l’endroit physique où la carte est « repassée » est introduite par le pronom personnel sujet « i` » qui renvoie à l’objet ‘écran’ de la borne. L’introduction du passage de discours écrits retransmis est indiqué par l’emploi du verbe introductif « dire » suivit du contenu du message « vous avez un vélo en cours/ » (l. 6-7). M. Rontin répond après une courte pause par l’affirmation « tout (à) fait » (l. 9). Mathilde initie une demande de réparation (l. 11) et le client répond par une répétition totale de son tour précédent en ajoutant un « oui » en début de tour ce qui renforçant sa réponse. Ici, l’usage du discours écrit retransmis à l’oral réalisé par l’opératrice a pour fonction de ‘faire dire’ une information au client en l’orientant vers le choix de la source à citer.

Nous avons analysé dans cette section six extraits dont le passage de discours écrits retransmis concerne un vélo toujours en location : cinq sont réalisés par le client, un par l’opératrice. Quatre des six extraits contiennent un tour qui reconstruit les phases d’utilisation de la borne précédent le passage de discours écrits retransmis. Sur la totalité des six extraits, la référence à l’objet ‘écran’ est marquée par l’emploi du pronom démonstratif « ça », et des pronoms personnels « on » (x2), « i` » (x2). Les verbes introductifs sont soit « mettre », soit « dire » (x4) et ils sont toujours suivis du subordonnant « que ». Le temps du verbe introductif est principalement au présent (quatre occurrences), une seule est formulée au passé. Le contenu du message exact sur l’écran de la borne est « Attention : vous avez un vélo en cours de location ». Ici, dans quatre extraits sur les six, le contenu du discours écrit retransmis à l’oral est reformulé : « j’avais encore une réservation en cours\ » ; « j'ai::: (0.5) encore un vélo en cours/ » ; « j'ai toujours un vélo en cours\ » et « j'ai déjà un vélo en cours de location\ ». Il s’agit des quatre passages de discours retransmis par les clients. Du point de vue de l’activité des participants, ces focalisations sur l’écran permettent au client d’introduire la raison de l’appel de façon concise tout en justifiant l’origine de ses propos à l’opérateur. Ainsi, le client assure à son interlocuteur l’authenticité des faits et indique implicitement que le système le contraint dans son action de louer un nouveau vélo en affichant le message d’un vélo en cours de location.

Enfin, un extrait sur les six est unique dans le format du discours écrit retransmis, puisqu’il n’a pas de référence explicite à l’objet ‘écran’ et que le verbe introductif est à la voix passive et au passé, « il a été indiqué comme euh ». Ici, le « il » renvoie à l’objet vélo et non à l’objet ‘écran’. Le caractère implicite de la référence à l’écran est marqué par l’utilisation de la voix passive dans le discours écrit retransmis. Elle serait explicite si nous avions une construction au passif du type « il a été indiqué par l’écran/par la borne comme euh ». Le contenu du message retransmis est ici totalement reformulé « pas r`posé », cependant, le sens d’un vélo toujours « en cours de location » est compréhensible. L’utilisation du passif permet de ne pas nommer l’objet ‘écran’ (ou la borne) tout en y faisant référence. Cependant, ce n’est pas « la machine » qui est nécessairement en cause : au-delà, c’est l’institution qui est invoquée, avec son obscurité, sa bureaucratie, son information. L’institution représente alors un agent désincarné.

Notes
52.

Le pronom « on » peut renvoyer également à des collectifs comme « nous », voir les travaux d’Alain Rabatel (2001).

53.

Voir également les différentes valeurs de « on » dans l’article de Floettum, Jonassen & Norén (2007).