Problème de carte

Dans l’extrait 3-16, Mme Kenoi appelle le service LocBike pour un problème de dysfonctionnement de carte. L’échange entre l’opérateur et la cliente a commencé depuis seulement 20 secondes seulement, pendant lesquelles la cliente a formulé la raison de son appel. Adrien a demandé une précision sur le type de carte dont il est question, c'est-à-dire soit courte durée soit longue durée. Il passe ensuite à la phase d’identification en demandant le numéro de la carte de la cliente. Il saisit simultanément à l’écran le numéro énoncé et l’extrait commence au moment de l’affichage du compte client sur l’écran de l’opérateur. Une longue pause de 2.4 secondes précède une première focalisation sur l’objet ‘écran’ de la borne cliente (l. 1).

Ext3-_L26-17_26’10 : Elle est cassée
1 ADR °merci\° (..) °un instant/° #(2.4) qu'est c` que §ça vous dit
  ecr #aff.compte client
  adrG §clic nom cli.
2   quand vou:s/ quand vous la passez d`vant la borne/
3   (0.3)
4 KEN ça m` dit absolument rien/ et::\ §(1.0) la la machine l'a li:s
  adrG §clic lien action utilisateur
5   pas\ (0.2) c'est comme si elle av- elle était pas encodée\
6   §(0.2)
  adrG §clic page préc.
7 ADR elle est cassée/
8   (0.7)
9 KEN §non pas du tout/=
  adrG §clic page préc.
10 ADR =ou [fendu:e/ ]
11 KEN [elle a jamais] marché/
12 ADR d'accord\ (1.1) un instant hein j` vérifie tout/

Adrien initie une question où il rend pertinent le contenu des messages écrits sur l’écran de la borne lorsque Mme Kenoi passe sa carte devant la borne. Ici, il ne s’agit pas d’un discours écrit retransmis à l’oral proprement dit, comme nous l’avons observé dans les extraits précédents, mais uniquement de la référence à l’objet ‘écran’ et au contenu du ou des messages potentiels affichés lors d’une authentification par la cliente. Comme nous l’avons souligné dans l’extrait 3-12, l’opérateur énonce une question ouverte « qu’est c` que ça vous dit » (l. 1) sans reformuler ou rapporter un exemple de message écrit possible. L’utilisation du pronom démonstratif sujet « ça » renvoie à l’écran de la borne. À la différence de l’extrait 3-12, Adrien formule sa question ouverte en situant directement l’espace contextuel auquel il réfère, ainsi que l’action nécessaire pour obtenir des informations « quand vous la passez d`vant la borne/ » (l. 2). Ici, l’article « la » renvoie à l’objet carte que la cliente a introduit en ouverture d’échange en indiquant que la raison de son appel portée sur un problème de carte.

Après une pause brève de 0.3 secondes (l. 3), Mme Kenoi répond en reprenant le segment introductif {sujet + verbe} « ça m` dit » (l. 4) utilisé par l’opérateur dans sa question où le pronom démonstratif sujet « ça » renvoie toujours à l’écran de la borne. La suite du tour est cependant différente des extraits analysés jusqu’ici, puisqu’au lieu d’avoir le contenu d’un message reformulé ou rapporté, la cliente complète son tour par la forme composée {adverbe + pronom} « absolument rien », ce qui marque l’absence totale de message écrit à reformuler ou à rapporter. Ici, l’énoncé « absolument rien » ne peut pas être interprété comme le contenu d’un message affiché sur l’écran de la borne même si l’organisation syntaxique de ces exemples de séquence projette ce genre d’énoncé rapporté ou reformulé tel que nous l’étudions dans ce chapitre. Par conséquent, les participants peuvent également utiliser un procédé de discours rapporté dans lequel l’objet ‘écran’ conserve son statut institutionnel malgré l’absence de message écrit à rapporter.

La cliente continue son tour de parole après une seconde de pause en apportant une explication personnelle pour renforcer l’information donnée avec « absolument rien », elle précise que « la machine » ne peut lire la carte « comme si elle était pas encodée » (l. 5). Nous relevons une nouvelle explicitation de l’objet, assez rare dans nos données. Simultanément au tour de Mme Kenoi, Adrien agit sur le compte de la cliente et clique sur un lien le dirigeant sur les actions passées de l’usager. Il revient ensuite sur la page précédente qui était affichée (l. 6) avant de demander à la cliente si sa carte est éventuellement « cassée » (l. 7), question à laquelle répond négativement Mme Kenoi (l. 9).

L’appel entre les participants se termine par une vérification du compte de la cliente, et l’opérateur propose finalement de lui envoyer une nouvelle carte car l’actuelle est diagnostiquée comme défaillante par Adrien.

L’analyse de cet extrait montre une double occurrence d’une référence à l’écran initié dans un premier temps par l’opérateur puis reprise par la cliente en réponse. Nous retrouvons les mêmes structures de discours écrits retransmis à l’oral introduites par les opérateurs dans les exemples en ouverture d’appel « ça vous dit ». Il s’agit donc ici d’un énoncé rendant pertinent l’information affichée sur l’écran et dont la fonction est de « faire dire » cette information en orientant le client vers le choix de la source à citer. Du point de vue de l’opérateur, l’établissement du diagnostic semble plus pertinent si l’information concernant le problème rencontré par le client est issue des indications marquées sur l’écran de la borne. Il exhibe également le statut institutionnel de l’objet, en lui conférant un rôle formel dans l’établissement de son diagnostic. Dans cet exemple, les participants attribuent un statut essentiel aux non-messages affichés sur l’écran, permettant à l’opérateur d’établir un diagnostic plus précis.