Informations écrites partagées par l’opérateur

Nous avons relevé des références à l’objet ‘écran’ durant la phase de diagnostic ou durant celle de résolution du problème dont le déroulement séquentiel n’implique pas une activité de guidage en direct par les participants. Les quatre extraits choisis présentent chacun une situation où l’opérateur reformule le contenu de certaines informations affichées sur son écran. Nous cherchons à répondre aux questions suivantes : dans quel but l’opérateur réfère à l’écran en partageant des informations écrites ? À quel moment de l’interaction le fait-il ? De quelle manière rend-il l’écran pertinent ? Quelles conséquences le partage d’informations peut-il impliquer, du point de vue des participants ? Est-ce qu’il les rend reconnaissable comme des références à l’écran ?

L’extrait 3-23 met en scène Adrien, et constitue la suite de l’extrait 3-6 analysé en début de chapitre, dans la section concernant les références à l’objet ‘écran’ en position séquentielle d’ouverture d’appel entre opérateur et client. Au début de l’extrait 3-23, les phases de formulation du problème par le client ont déjà eu lieu, ainsi que son identification dans le système informatique de l’opérateur. Adrien a recueilli certaines informations pour l’aider à établir son diagnostic. M. Choran a téléphoné au service LocBike pour un problème de réservation toujours en cours et il a expliqué à l’opérateur qu’il avait pris son dernier vélo sur une station au niveau de « La Grande Tour ». L’explication du client est simultanée à l’activité de chargement de son compte sur l’écran de l’opérateur. Une pause de 0.6 secondes précède l’affichage du résultat qui s’effectue lors du tour d’Adrien (l. 1) Après la connexion au compte du client sur la base de données, l’opérateur est en mesure d’établir un diagnostic au client, ce qu’il commence à faire au début de l’extrait 3-23 en précisant à M. Choran qu’il n’a pas pris son dernier vélo à la station indiquée en ouverture d’appel. En réalité, nous allons comprendre que le client a « oublié » un trajet et qu’il a de ce fait indiqué le nom de la station lors de l’avant dernière location de vélo.

Ext3-_L26-17_01’06’23 : Europe (=> Réservation en cours)
1 ADR #alors\ (0.2) c’est pas un vélo qui a été pris à grande tour\
ecr #aff. course client-->
2 3   c’est un vélo qui a été pris vers euh vers atac rue alsacienne hier/ (.) matin (1.6) [XXX XXX ]
4 5 6 CHO [ah/ oui XX] j’ai ah oui d’accord\ okay\ oui oui ben c’est vrai qu` j’avais oublié ce: ce trajet là en fait je l’ai r`déposé au §niveau de:\ (0.5) de la place de
  adrG §clic 3ème onglet gestion borne
7 CHO l’europe
8   (0.9)
9 ADR place de l’europe ouais d’accord\ °je vois° §(0.6) j` vais m`
  adrG §saisit num. station-->
10   connecter§ à la station:/ vous vous souv`nez à peu prés sur
  adrG ---------§
11   quelle bornette vous l’avez accroché\

Adrien effectue le début de son diagnostic en rendant l’objet ‘écran’ pertinent de manière implicite : « alors (0.2) c’est pas un vélo qui a été pris à grande tour\ » (l. 1). L’opérateur produit en effet une reformulation des informations affichées sur le compte du client tout en étant dans une activité de lecture simultanée. Parallèlement à son énoncé, la page concernant les courses effectuées par le client s’affiche sur l’écran de l’opérateur. Il continue la reformulation des informations indiquées sur le compte du client en indiquant la localisation géographique de la station sur laquelle a été louée le vélo lors de la dernière utilisation : « c’est un vélo qui a été pris vers euh vers atac rue alsacienne hier/ (.) matin » (l 2-3). Une longue pause de 1.6 secondes (l. 3) marque un point de transition pertinent que le client saisit pour répondre aux tours de l’opérateur. Cependant, ce dernier interprète la réaction tardive du client comme une absence de réponse, et il ajoute alors une expansion à son tour qui est marquée comme inaudible dans la transcription. Nous observons donc un départ simultané des deux participants (l. 3-4) et finalement, M. Choran poursuit son tour, durant lequel il valide les informations données par Adrien. Il explique un oubli de « ce trajet là » (l. 5) et précise alors le lieu géographique où il a déposé le dernier vélo. À la fin du tour du client, l’opérateur clique sur le troisième onglet de son écran pour afficher la page de gestion des bornes du service dans la base de données (l. 6). Par cette action, il projette la réalisation d’une recherche d’informations complémentaires à partir de la station LocBike située géographiquement vers « la place de l’Europe ».

L’opérateur effectue une répétition partielle de la fin du tour du client, après une pause de 0.9 secondes, pour reprendre l’information pertinente concernant la situation géographique de la station « place de l’europe » (l. 9). Il valide l’information et rend manifeste sa connaissance de la station LocBike associée à l’emplacement géographique indiqué « ouais d’accord\ °je vois° ». À partir de la pause de 0.6 secondes (l. 9), Adrien saisit le numéro de la station située vers la place de l’Europe. Puis, il annonce simultanément au client qu’il va « s` connecter à la station:/ » (l. 9-10). La saisie au clavier du numéro de la station dure jusqu’au milieu de son tour. Le fait de rendre publique l’action de se connecter à la station permet à l’opérateur : i) d’une part, de notifier au client le traitement en cours du problème ; ii) d’autre part, de gérer la temporalité de l’activité en cours. En effet, l’annonce de l’action en train de se faire permet aux participants de s’ajuster mutuellement au système informatique, puisque le fait de thématiser la connexion à la station marque implicitement le recours à la base de données, et donc à l’ensemble des artefacts technologiques associés à la gestion de la base. Les informations saisies ne sont pas explicitement reformulées ou rapportées à l’oral par l’opérateur mais celles-ci sont retransmises à travers la description de l’action que cela implique dans l’activité de diagnostic.

L’extrait 3-24 est la suite de l’extrait 3-7 où il est également question d’un problème de vélo toujours en cours de location. Mme Terconet a formulé la raison de son appel et donné des informations complémentaires sur les témoins vérifiés (lumière verte et bip sonore). Mathilde a procédé à l’identification de la cliente sur la base de données. Les participantes ont collaboré dans une phase de questions/réponses pour permettre à l’opératrice d’établir un diagnostic et trouver une solution. La cliente a réussi à déterminer la station LocBike sur laquelle elle a laissé le vélo, cependant, elle n’a pas su préciser le numéro de la bornette sur laquelle elle l’a reposé, ni le numéro du vélo qu’elle avait emprunté. L’extrait 3-24 commence au moment de la phase de reconnaissance du numéro du vélo en relation avec le numéro de la bornette. Il faut également préciser que la cliente hésite entre deux bornettes.

Ext3-_L26-13_42’12 : Tableau (=> Vert)
1 TER #euh c’est c’est tous les matins tous les soirs normal`ment et
  ecr #aff. page borne concernée-->
2   là euh: (.) §ce matin:\ (2.4) (d` façon) vous visualisez vous
  matG §clic icône état borne
3   visualisez pas donc j` peux pas vous m- donner mon numéro\
4   (0.7)
5 MAT ben: #en fait si\ moi j’ai un tableau si vous voulez un genre
  ecr -----#aff. liste vélo accroché à borne
6   d` tableau excel:/ §on va dire\ j’ai euh:: § j` peux vous
  matG §descend ascenseur vertical§
7   dire que §par exemple euh:: `fin j’ai des j’ai- `fin j` peux
  matG §monte ascenseur vertical-->
8   pas vous dire\ (0.6) j’ai des vélos\§ qui sont là bas\ (0.3)
  matG ------------------------------------§
9   euh:: §j’ai: j’ai deux numéros d` vélos euh::: sûr\§ (0.3)
  matG §descend ascenseur vertical §
10   i` §y en a d’autres où: j’ai pa:s `fin§ j’ai pas leurs
  matG §monte ascenseur vertical §
11 12   numéros d` vélo et: ça pourrait être les vôtres\ (0.3) mais i` faudrait qu` je sache euh:\
13   (0.4)
14 15 TER c’est c’est à je croi:s (0.2) (le clé en èl) (0.4) j` sais pas si vou::s voyez c’est\ i` en a beau[coup hein\]
16 17 18 MAT [alors par ] contre c’est vrai qu` j` la visualise pas euh: telle quelle quoi\ je je sais pas comment elle est faite\

Mme Terconet est en train d’expliquer à Mathilde qu’elle passe à coté de la station LocBike « tous les matins tous les soirs » (l. 1) et qu’elle a vérifié le numéro du vélo et de la bornette correspondante. Simultanément à son tour, les informations sur la borne concernée s’affichent sur l’écran de l’opératrice. Elle clique ensuite sur l’icône correspondant à l’état de la borne (l. 2) pour connaître la liste des vélos accrochés sur les bornettes de la station. Après une longue pause de 2.4 secondes, la cliente poursuit son tour et initie une séquence de partage d’informations écrites en expliquant à l’opératrice qu’il n’est pas pertinent de donner le numéro du vélo puisqu’elle ne « visualise » pas la disposition des bornettes dans la station (l. 2-3). Les deux informations étant importantes pour l’opératrice – le numéro du vélo et le numéro de la bornette –, la cliente rend l’objet ‘écran’ pertinent, plus particulièrement celui de l’opératrice, avec l’utilisation du verbe « visualiser », qui connote implicitement le support sur lequel elle peut consulter les informations, ici les numéros des bornettes et ceux des vélos accrochés aux bornettes.

Mathilde répond après une pause de 0.7 secondes (l. 4) et tente d’expliquer à la cliente qu’elle peut effectivement « visualiser » l’état des bornettes sur une station LocBike. Pour cela, elle commence à décrire la manière dont les informations sont décrites sur son écran : « j’ai un tableau » ; « un genre d` tableau excel:/ » (l. 5-6). Au cours de ce premier tour descriptif, la liste des vélos accrochés à la station s’affiche sur l’écran de l’opératrice. Elle a ensuite une phase d’hésitation où elle évalue en direct les informations qu’elle peut transmettre à la cliente et la manière dont elle peut les partager afin que l’explication soit la plus claire possible : « j` peux vous dire que par exemple euh:: `fin j’ai des j’ai- `fin j` peux pas vous dire\ » (l. 6-8). Mathilde arrive finalement à expliciter le contenu des informations auxquelles elle a accès après une pause de 0.6 secondes en produisant une répétition partielle d’un segment de son tour hésitant : « j’ai des vélos\ qui sont là bas\ » (l. 8). Puis elle ajoute une nouvelle donnée concernant « deux numéros d` vélos » dont elle est sûre et termine son tour en opposant le caractère « sûr » de certains numéros de vélos à « d’autres » dont elle n’a pas connaissance (l. 10-11). Du point de vue de l’opératrice, les vélos dont les numéros lui sont inconnus constituent un élément pertinent dans la résolution du problème de la cliente car l’un d’entre eux peut être celui de Mme Terconet (l. 11). Elle demande donc à la cliente de se souvenir sur quelle bornette elle pense avoir déposé le vélo pour ensuite lire le numéro du vélo attaché à cette bornette et déterminer enfin s’il s’agit bien de celui qu’elle a loué lors de son dernier trajet.

Après une courte pause de 0.4 secondes (l. 13), Mme Terconet propose une description géographique de la bornette potentielle sur laquelle elle a déposé le vélo toujours en cours de location. Elle énonce son tour dans un format hésitant « c’est c’est à je croi:s » (l. 14) puis elle donne la disposition spatiale de la bornette « (le clé en èl) (0.4) j` sais pas si vou::s voyez c’est\ » (l. 14-15). Au lieu de donner le numéro de la bornette, elle donne son emplacement par rapport à l’ensemble de la station LocBike. Ce mode de description devient un élément perturbateur pour l’opératrice qui effectue une réparation, en chevauchement sur la fin du tour évaluatif de la cliente : « alors par contre c’est vrai qu` j` la visualise pas euh: telle quelle quoi\ je je sais pas comment elle est fait\ » (l. 16-18). Mathilde précise qu’elle ne « visualise pas » la répartition spatiale des vélos à l’intérieur de la station. L’utilisation du verbe « visualiser », ici par l’opératrice, réfère de nouveau au support écran en partageant des informations qui ne sont pas affichées sur son écran.

Il est intéressant de souligner ici que les choix opérés par les participants dans l’activité de « faire dire » (pour l’opératrice) ou « dire » (pour la cliente) le numéro de la bornette associé au numéro du vélo accroché sont fortement liés au choix lexical des termes employés pour décrire la référence contextuelle sur laquelle s’appuient les participantes à distance, chacune essayant de rendre intelligible la représentation physique de leur environnement. Rétrospectivement, nous comprenons que l’emploi du verbe « visualiser » – introduit la première fois par la cliente puis repris par l’opératrice – est problématique dans le déroulement de l’interaction car les participantes ne s’alignent pas sur la même définition du verbe « visualiser » : l’une utilise une représentation abstraite ; l’autre utilise une disposition spatiale concrète.

Dans l’extrait 3-25, Mme Baledon appelle le service LocBike pour un renseignement sur un abonnement arrivé à expiration. L’échange se déroule pendant plus de trois minutes. Après vérification dans la base de données, Mathilde explique à la cliente qu’au lieu de procéder à un réabonnement, elle a créé un nouvel abonnement pour son fils. De ce fait, il a perdu le crédit existant sur son ancien compte. Par conséquent, la cliente a reçu une notification de clôture d’abonnement par courrier portant sur l’ancien compte. En appelant le service LocBike, elle s’assure donc que la clôture du compte concerne uniquement l’ancien abonnement de son fils et non le nouveau qui vient d’être créé. L’opératrice valide l’exactitude de cette information et, avant de mettre fin à l’appel, la cliente demande à Mathilde s’il n’est pas possible d’établir un lien entre deux comptes portant le même nom dans la base de données (sous entendu pour éviter d’autoriser de créer deux fois le même compte du côté client). L’extrait commence au moment de la requête de Mme Baledon et aucunes actions multimodales ne sont produites de la part de l’opératrice durant l’extrait analysé.

Ext3-_L24-15_52’49 : Même nom
1 2 3 BAL et vous vous avez pas fait la liaison quand vous avez vu baledon étienne vous avez pa::s euh:\ parce que son numéro de carte cébéèn par contre était le même/
4   (1.5)
5 6 MAT ben non: apparemment euh nous quand on crée un compte en fait ça nous dit pas [qu` y a un autre] compte qui existe au même&
7 BAL [hm ]
8 9 10 MAT &nom puisque: des fois y a des gens qui m: qui cré:ent euh plusieurs euh::\ (0.3) plusieurs comptes à leur même nom:/ et prénom\ (0.4) pour toute [une famille\ ]
11 BAL [ouais d'accord\]

La cliente initie une première partie de paire adjacente « vous avez pas fait la liaison quand vous avez vu baledon etienne » (l. 1-2), en ajoutant un argument « parce que son numéro de carte cébéèn par contre était le même/ » (l. 2-3). La cliente établit une relation visible et notifiable dans la base de données entre une création de compte et un compte existant si le nom ou le numéro du client est identique. Mathilde traite la longue pause de 1.5 secondes comme un point de transition pertinent et saisit son tour de parole. Elle donne sa réponse en référant à l’objet ‘écran’ et en partageant une information présente dans son système de gestion des comptes clients mais non affichée devant elle. Le début de son tour est une brève réponse négative « ben non: » suivie d’un énoncé contextualisant l’activité dont il est question : « apparemment euh nous quand on crée un compte en fait » (l. 5). Mathilde introduit ensuite la référence à l’écran grâce à l’utilisation du segment introductif {sujet + verbe} au format négatif « ça nous dit pas qu` » (l. 6) où le pronom personnel « ça » renvoie à l’écran et à la base de données de manière plus général. Enfin, le contenu de l’information écrite retransmis à l’oral n’est ni rapporté ou reformulé, puisqu’il s’agit ici d’une explication sur le fonctionnement du système de gestion des comptes clients et non d’un message affiché sur l’écran de l’opératrice à un moment donné de son activité. Le contenu de l’information est donné par Mathilde directement, à savoir qu’il n’y a pas « un autre compte qui existe au même nom » (l. 6-7). L’opératrice justifie sa réponse en donnant une explication complémentaire sur le fait qu’une personne peut créer « plusieurs comptes » avec un « même nom:/ et prénom\ (0.4) pour toute une famille\ » (l. 8-10). Mme Baledon valide l’explication donnée par l’opératrice par une ratification positive en chevauchant la fin de son tour « ouais d’accord\ » (l. 11).

Dans l’extrait 3-26, Mlle Baulin appelle le service LocBike pour un problème de vélo mal raccroché. L’appel a commencé depuis 2’10 minutes durant lesquelles l’opératrice a identifié la cliente dans la base de données et a pu commencer à établir un diagnostic. Le vélo de Mlle Baulin est effectivement accroché à la bornette correspondante. Cependant, le système ne le détecte pas du point de vue électronique ; la bornette est donc considérée comme « libre » pour l’opératrice. Une première solution proposée par Mathilde est de bouger le vélo dans la bornette simultanément à une réinitialisation de la bornette du côté opérateur pour qu’il soit potentiellement reconnu. Après plusieurs tentatives par les participantes, aucun changement n’est observé. L’opératrice va alors conclure à un problème technique de la bornette. L’extrait commence au moment où Mathilde s’oriente vers ce diagnostic, après avoir demandé à la cliente de patienter, et avant de rendre l’objet ‘écran’ pertinent en partageant l’information affichée sur son écran.

Ext3-_L25-15_03’04 : Bornette libre (=> Vous dites juste)
  ecr #chrgt page précédente-->
1 2 MAT #à mon avis ça doit être la bornette qui doit avoir un souci mai:s euh::\
3   (0.3)
4 BAU ouais\
5 6 7 MAT j` suis pas sûre\ (1.2) vu qu` le détecte pas du tout\ pour moi i` m` met qu` la bornette elle est libre\ i` m` met même pa:s\ euh\ #ah ouais d'accord\
  ecr #im1 aff. liste vélos borne
8   §(1.2)
  matG §clic information borne

Mathilde établit un diagnostic potentiellement à l’origine du problème « à mon avis ça doit être la bornette qui doit avoir un souci mai:s euh::\ » (l. 1-2). La cliente valide le diagnostic de l’opératrice après une courte pause de 0.3 secondes (l. 3) par une ratification minimale « ouais » (l. 4). Puis l’opératrice manifeste son incertitude quant à cette hypothèse que la bornette ne « détecte pas du tout » le vélo (l. 5). Elle appuie son énoncé par une référence à l’écran en utilisant le segment introductif {sujet + verbe} où le pronom personnel singulier « il » renvoie à l’écran dans « i` m` met ». Le contenu du message est reformulé « la bornette elle est libre\ » ; il correspond à la lecture d’une information affichée sur l’écran après réinitialisation de la bornette. Au moment où elle énonce le contenu du message à l’oral, elle n’a pas accès visuellement à cette information sur son écran. Il n’agit donc pas d’une lecture simultanée à l’écran ou d’un élément de discours rapporté formellement. L’opératrice fait appel ici à sa mémoire et à ses connaissances professionnelles des informations présentes sur les différents écrans lors de manipulations informatiques.

NB : À la fin de son tour, la page listant les numéros des vélos accrochés sur les différentes bornettes de la station s’affiche sur son écran (cf. #im1, l. 7) :

Lors des tours précédents, l’opératrice a déjà eu connaissance de cet écran lui permettant de savoir quels sont les vélos reconnus sur chacune des bornettes et les erreurs éventuelles sur une bornette. Nous observons sur cet écran que la position du curseur de la souris est située dans une des lignes correspondant à une bornette, et que l’état de la bornette est décrit comme « libre ». Enfin, dans la colonne relative aux erreurs possibles, la zone est vide d’informations.

Au cours de la séquence de discours écrit reformulé à l’oral, l’opératrice s’appuie donc sur les différentes informations affichées sur son écran lors des échanges précédents puisque d’un point de vue temporel, elle n’a pas accès simultanément à cet écran durant son énoncé (l. 5-6). Lorsque Mathilde dit « i` m` met même pa:s\ euh\ » (l. 6-7), elle réfère à cet instant à l’absence d’informations dans la colonne « erreurs » de son écran, et il s’agit toujours d’un discours reformulé, puisque la page précédente est encore en cours de chargement. À la fin de son tour, l’opératrice produit une ratification positive « ah ouais d’accord\ » (l. 7) précédée d’un change-of-state token ; et qui n’est pas adressée à la cliente. Il s’agit d’un tour auto-adressé qui marque la reconnaissance d’un élément pertinent du point de vue de l’opératrice lors de la lecture de la page affichée sur son écran. Directement après cette évaluation, elle clique sur une icône correspondant aux informations de la borne (l. 8).

Nous avons analysé quatre extraits en rapport avec une activité de partage d’informations écrites affichées sur l’écran de l’opérateur, dont deux contiennent un passage de discours écrits retransmis à l’oral. Le sujet du segment introductif renvoie systématiquement à l’objet ‘écran’ de manière plus ou moins explicite : le pronom personnel « il » est plus explicite que le pronom « ça ».

Dans les deux autres extraits, nous remarquons l’utilisation fréquente des verbes « visualiser » et « voir », qui marque un lien de dépendance étroit entre l’objet en train d’être « vu » et les informations véhiculées à travers cet objet. Ici, l’objet sur lequel se focalise systématiquement les participants est l’écran, que ce soit à distance par un client qui demande une confirmation de visualisation sur l’écran de son interlocuteur, ou en présence par l’opérateur lui-même qui partage le contenu des informations affichées sur son écran. L’opérateur utilise généralement ces verbes pour introduire un énoncé descriptif du contenu de l’information affichée sur l’écran. Cette information peut être aussi bien une lecture reformulée sous forme de récit retraçant le trajet effectué en vélo du client ou bien une description spatiale de l’information telle qu’elle est représentée sur le support écran.

De manière générale, la référence à l’objet ‘écran’, que ce soit par l’utilisation de discours rapporté ou reformulé, ou par des énoncés descriptifs, permet de contribuer à l’activité de diagnostic et de résolution du problème client. En effet, l’opérateur rend accessible une partie de ses informations ; ainsi, le client collabore pleinement dans le diagnostic et la résolution du problème en apportant à son tour les informations pertinentes pour l’opérateur en fonction des descriptions rendues publiques. Dans une dernière section, nous allons analyser des situations d’interactions où des références à l’objet ‘écran’ s’inscrivent également dans une temporalité différente du point de vue séquentiel. Il s’agit de recommandations prospectives formulées par l’opératrice en fin d’appel pour prévenir d’éventuels problèmes et indiquer en fonction les démarches à réaliser.