Formulation brève

La formulation brève du problème est souvent réalisée dans un tour de parole unique du client, suivi par une marque de confirmation par l’opératrice, ce que nous observons dans les quatre extraits ci-dessous. Dans les extraits 4-1 et 4-2, nous avons la forme où le client expose son problème en un seul tour de parole. Ici, l’information essentielle telle qu’elle est présentée par le client est que la borne indique un vélo en cours de location sur son compte. Les clients ont les pseudonymes suivant : TIC – Mme Tichmievki / DUP – M. Dupont / SET – M. Séti / TAL – Mme Talécot.

Ext4-1_L26-16_29’42
1 2 3 TIC .hh oui bonjour\ euh j’ai un problème parce que: depuis quelques jours i` s’affiche sur ma carte que j’ai un:: vélo en cours alo:rs euh que j` l’ai bien restitué\ je suis sûre\
4 SAM d’accord\
Ext4-2_L26-16_49’26
1 2 DUP oui bonjou:r/ j` voulais prendre un: un vélo à la station/ et i` m` dit qu` j’ai déjà un vélo en cours/ (.) de location\
3 SAM d’accord\

La référence à l’objet borne est identifiable grâce à l’emploi du pronom « il » élidé dans « i` s’affiche » et « i` m` dit » (ext4-1 et ext4-2, l. 2) dans deux formats grammaticaux différents : le premier correspond à un format impersonnel alors que le second est produit dans une forme personnelle d’énonciation 78 . Dans l’extrait 4-1, le client ajoute qu’il est sûr d’avoir « restitué » son vélo (l. 3). Nous supposons que cette économie d’information de la part du client présume d’une certaine connaissance de l’opératrice qui devrait être capable d’identifier l’origine du problème sans avoir besoin d’explications supplémentaires de la part du client. Cela peut également supposer une connaissance partagée sur le déroulement d’un appel au centre de LocBike. Si le client a déjà eu recours aux services du centre d’appels, il sait que l’opératrice a besoin de l’identifier dans sa base afin d’avoir accès à son dossier. Le client est donc efficace dans la description de son problème et présente l’information essentielle de manière à faire avancer la résolution de non problème (cf. énoncé incontestable grâce à la référence aux informations affichées sur l’écran – partie IV, chap.2.). De façon tout aussi brève, l’opératrice répond par une validation « d’accord », et rend manifeste sa compréhension suite à la description du problème par le client. Sa ratification marque la fin de la phase de formulation du problème.

Dans les extraits 4-3 et 4-4, la formulation du problème reste assez brève même si elle est réalisée en deux ou trois tours de parole du client. Ce dernier introduit les raisons de son appel. Ici, l’état du problème est énoncé au passé « j’ai eu un problème » (ext4-3, l. 1) et « j’avais eu un problème » (ext4-4, l. 1). La structure narrative de son tour implique une possible tentative de résolution du problème côté client avant l’appel au centre LocBike qui est rendu explicite lors de son tour suivant lorsqu’il mentionne une action de vérification passée « j` viens d` vérifier » (ext4-3, l. 3) et « j’ai envoyé xx vérifier » (ext4-4, l. 5).

Ext4-3_L09-17_51’15
1 2 3 4 SET oui bonjou:r/ j` vous appelle parce que j’ai eu un problème avec ma carte euh d’abonné samedi:: euh (.) i` m` disait qu` le code était faux\ (0.7) donc j` viens d` vérifier sur le site euh\ c’est bien l` bon code\
5   (0.7)
6 7 NIN d’accord\ (0.4) donc vot` (0.6) vot` carte est:: (..) est bloquée actuellement/
8   (1.2)
9 10 11 SET et ben euh:: j’ai pas pu réessayer parce que j’habite pas à laville là\ mais samedi j’ai fait j’ai fait (trois ou quatre) vélos\ à chaque fois qu` j’ai essayé euh\
12   (0.6)
Ext4-4_L09-19_01’00’12
1 2 TAL j’ai: app`lé tout à l’heure parce que j’avais eu un problème avec un vélo\ H.
3 NIN oui
4   (1.2)
5 6 TAL et j’appelle pour dire que:\ j’ai envoyé xx vérifier et qu’il (l’a) raccroché à la borne
(0.5)
7 NIN d’accord\ alors euh::\

Dans l’extrait 4-3, l’opératrice valide les informations données par le client, et commence son activité de diagnostic par une question sur l’état de la carte client, à savoir si elle est bloquée ou non. Les informations fournies précédemment par le client ne précisent pas si sa carte est bloquée au moment où il appelle le centre LocBike. Une longue pause de 1.2 secondes est produite après la question de l’opératrice (l. 8). La réponse du client au tour suivant est non préférée, il ne donne pas d’informations sur l’état de sa carte, mais sur le fait qu’il n’est pas de la ville et qu’il n’a pas pu essayer de nouveau son code.

Dans l’extrait 4-4, l’opératrice valide également les informations données par la cliente. Son affirmation est brève et elle est suivie d’une longue pause de 1.2 secondes également (l. 4). Cette pause marque un point de transition pertinent79 pour son interlocutrice qui s’auto-sélectionne et poursuit la formulation de son problème (l. 5). Ici, le « oui » de l’opératrice sert de continuateur : son but n’est pas de garder la parole, mais uniquement de réguler l’interaction et laisser la cliente continuer son explication du problème. L’opératrice lui laisse ainsi une complétude possible pour apporter des informations supplémentaires afin de procéder ensuite à l’activité de diagnostic qu’elle devra mener.

Après le supplément d’information apporté par la cliente, nous remarquons l’utilisation de continuateur par Ninon et l’échange entre les interlocuteurs est rapide avant de passer à la phase suivante. À cet instant de l’interaction, l’opératrice n’a pas encore mis en place de l’interface informatique qui lui permettra de gérer l’identification du client. Par conséquent, du point de vue multimodal, elle ne s’oriente pas vers la phase d’activité suivante, cependant, du point de vue de l’interaction orale, la fin du tour de Ninon « alors euh::\ » (l. 7) projette une complétion de son énoncé.

Notes
78.

Voir également les analyses concernant la partie III sur l’intégration de l’objet ‘écran’ comme artefact interactionnel, et plus particulièrement le second chapitre traitant du discours écrit rapporté à l’oral (cf. chapitre 2, p161).

79.

Voir Sacks, Schegloff & Jefferson (1974).