2.5. Réflexions sur quelques notions qui fondent un enseignement de la statistique

La statistique permet la prise de décision sur une réalité qui distingue parfois difficilement les nuances entre le possible, le probable et le certain. Obligeons-nous donc à explorer plus en détail ces notions :

Tableau 2 : Analyse des termes possible, probable et certain
  Possible 3 Probable 1 Certain 1
Repères historiques 1265 (Br. Latini) 1282 (Gauchy) 1130 ( ?)
Signification Que l'on peut dire ou faire Que l'on peut prouver Que l'on peut assurer
Évolution Ouverture à la philosophie - 1673 - (Retz) Qui paraît vrai - fin XIVème - Qui paraît inéluctable. La certitude dès le XIIIème
Élément d'origine Du latin "possibilis" du verbe "posse" : pouvoir Du latin "probare" : prouver Du latin populaire "certanus" : assuré
 
  Pouvoir Prouver Idée de certitude
  Être en mesure de
Être capable de
Être autorisé à
Montrer
Établir un lien
Démontrer
Vers une assurance
Vers une vérité
Vers une foi
 
Références suggérées Référence aux capacités personnelles et aux valeurs Référence à la science Référence à la science et aux normes

La démarche utilisée, qui s'appuie sur l'idée de preuve, doit à son tour être décortiquée :

Tableau 3 : Approfondissement du termes prouver
Prouver 4 La visée La forme Action envisagée Niveaux d’investissement
Paradigme

du

verbe

"prouver"
Faire apparaître ou reconnaître comme vrai, réel, certain Apporter la preuve Démontrer 3
Donner ou se donner les marques, les signes de... Montrer une intention Contractualiser la démarche et la sceller par un écrit 2
Révéler et marquer un phénomène Témoigner Partager 1b
Éprouver Ressentir les difficultés de la recherche 1a

L’apprentissage de la statistique, permet d’approfondir et de nuancer l’idée de “preuve”. Les trois niveaux d’investissement signalés plus haut :

Ainsi, par le biais de l’apport statistique, nous pouvons structurer la posture et la démarche de recherche de preuve tout en nuançant le degré de certitude de la réponse ainsi que le lien entre la réponse possible de la science, la spécificité du vivant et l’emprise sociale. Ce qui apparaît très souvent comme une découverte pour les élèves de cycle III de l’école élémentaire, habitués à apporter sans partage, la rigueur de la réponse mathématique, close dans son domaine disciplinaire, ne supportant aucune exception au cadre général.

Pour continuer notre recherche, questionnons-nous sur ce que reflètent les principaux dictionnaires à propos de ce concept ? Comme il a été montré auparavant (COUTANSON B., 2004), il existe une distance importante entre l’utilisateur épisodique de statistiques (ex : l’usager des prévisions météorologiques dans de multiples professions) et l’utilisateur habituel, permanent, de statistique. Le second devra accompagner sa lecture d’un approfondissement des données pour en percevoir le questionnement qui l’a précédé, l’organisation de la collecte, son traitement et sa diffusion. Sans reprendre l'ensemble des définitions du dossier conceptuel du mémoire de DEA cité, rapportons les conclusions qui en étaient faites. Pour ce dernier, l’univers statistique sert à informer, rendre compréhensible, interpréter, prendre des décisions, prévoir. Il permet ainsi (BEDARIDA, 1987, p. 11), de « convertir en concepts quantifiés les préoccupations de nos contemporains ». Cet aspect est très nettement plus valorisant que le précédent. Il engage au rapprochement, à la découverte. Et si l'on parcourt enfin l'Encyclopaedia Universalis, on s'adresse aux réels concepteurs statisticiens ; ce sont ceux qui seront capables de construire une démarche d'observation, de conceptualiser un phénomène, en un mot, de modéliser les situations rencontrées. Mais ce sont aussi ceux qui possèdent déjà les bases théoriques, leur évitant par exemple de confondre la projection probabiliste de la simple analyse “fréquentiste” ou l'emploi du terme des statistiques à la place de la statistique. Mais n’est-ce pas le rôle de l’école d’amener le futur adulte à se positionner comme un utilisateur averti des statistiques et de l’outil statistique voire d’accéder à une maîtrise suffisante pour en devenir concepteur. Penchons-nous maintenant sur l'histoire de la statistique car nombre de représentations actuelles (entachées de crainte ou de doute envers son usage) semblent fonctionner en ligne directe avec ce passé et participer en grande mesure à une forme d’éducation statistique implicite.

Notes
3.

Dictionnaire étymologique et historique du français, LAROUSSE 1994

4.

Dictionnaire de la langue français, LE ROBERT, 1993