3.2. Place et rôle de la statistique dans l’évolution de la société

3.2.1. Le fait statistique en regard des outils scientifiques nouveaux mis à sa disposition

Ouvrons-nous maintenant des préoccupations personnelles du sujet abordées jusqu’ici, à celles de l’ensemble des membres de la société à laquelle il appartient. Demandons-nous dans un premier temps, pourquoi la statistique représente dorénavant une contribution incontournable au devenir de l’homme. Comme le fait remarquer Axel Kahn (KAHN, 2007, pp. 11-29), « les possibilités du choix et d’optimisation des actions adaptées aux circonstances représentent un avantage sélectif évident et ont, de ce fait, constitué un très probable moteur de l’évolution des primates vers l’homme moderne » et plus loin, « l’aptitude à envisager le futur …[est constitutive] de l’éveil d’une conscience de soi, c'est-à-dire de l’unicité de son être ». Tout élément d’aide à la lecture de son existence actuelle et future ne peut être ignoré ; il sera au contraire vivement recherché par l’homme. Ce qui le placera face à de nouvelles difficultés d’apprentissage ; comme le fait remarquer Jean-Claude Oriol dans sa thèse (ORIOL, 2007, p. 19), « Calculer le futur se pose comme un obstacle épistémologique [car…] dans des hypothèses selon lesquelles une entité supérieure domine le futur, il est évidemment sacrilège de faire des calculs sur ce futur ». La science est déterministe dans le sens où il ne s’exerce pas d’effets sans causes et les lois ainsi dégagées par l’observation expérimentée, indiquent sans erreurs les effets des phénomènes constatés. Historiquement, les chercheurs ont toujours été tenté de remonter jusqu’à la cause “première” et de ce fait, ont toujours conduit une réflexion métaphysique accompagnant leurs recherches scientifiques ; que ce soit la géométrie de Platon existant en dehors de l’homme, les positions connues de Galilée, Averroès, et plus largement dans l’occident chrétien, Copernic, Kepler, Descartes, Leibniz, Pascal, Newton, Pasteur, Buffon, Claude Bernard etc. ou même plus tard, la phrase célèbre de A. Einstein « Dieu ne joue pas aux dés ! », toutes ces évocations en sont des illustrations. Il faudra attendre l’utopie du positivisme d’Auguste Comte, incarnée plus tard par le « démon de Laplace » pour exposer que si une instance supérieure pouvait avoir toutes les données en main en un même moment, alors tout serait définitivement prévisible ! Les recherches ultérieures (Poincaré, Gödel, etc.) exposent “le chaos déterministe” par lequel la multiplicité et la complexité des paramètres en jeu pour mettre en fonctionnement les liens déterministes, sont telles que les obstacles empêchent toute prévision déterministe. Une partie de la connaissance conclura à une prévision probabiliste. Cette prise de conscience historique représente le fondement de tout enseignement statistique et fait que l’introduction de cette dernière s’inscrit comme événement historique daté, qui pourvoit l’homme de nouveaux outils pour aller plus loin dans son analyse rationnelle du monde.