4.1.2. La statistique, un apport complémentaire à la démarche scientifique

Dans un XVIIème siècle focalisé encore sur la toute puissance de Dieu, acteur incontournable du devenir de l’homme et du monde, Descartes, par l’intermédiaire de son texte de référence Le discours de la méthode (1637), est le premier à évoquer la recherche d’une vérité qui ne puisse être contredite. L’existence de toute chose comme de tout essai de démonstration doit se soumettre à l’exercice du doute. La structure du discours scientifique s’appuie sur la véracité de sa logique de construction et sur l’axiologie qui la définit. Si Descartes fonde sa réflexion sur la recherche de certitude par le raisonnement méthodique, Claude Bernard la prolonge par l’écriture de son ouvrage traitant de L’introduction à l’étude de la médecine expérimentale (1865). Il y expose l’idée d’hypothèse et de recours à l’expérimentation qui n’est plus lecture de la globalité d’une situation mais analyse d’une de ses parties, pour focaliser le regard sur une des dimensions précises retenues. On le perçoit aisément : cette perception de la science paraît désormais bien imparfaite. La statistique la complète par différents aspects :

Les quatre derniers items sont classiquement retenus par ce qui est compris dans l’appellation “d’analyse statistique” ; ils enrichissent le traitement mathématique classique. Par contre, la première retient particulièrement notre attention sur plusieurs points. Tout d’abord, elle impose l’exigence d’isoler les éléments à observer et de les extraire momentanément de leur environnement, si l’on veut leur donner une distinction singulière. L’analyse ne porte pas forcément sur des éléments directement observables, quantifiables, faciles à extraire de la réalité. La statistique passe avant tout par la définition des caractères à observer, et oblige du coup à conceptualiser ces traits de caractère. C’est l’œuvre du statisticien que d’assigner à l’objet examiné, le marquage de ses limites, de ses caractères constitutifs et par là, de sa spécificité et de l’intérêt à le placer au centre de son propos. La démarche statistique concourt également à spécifier le discours de l’homme, fait d’une lecture de son environnement qui dépasse la simple représentation première de celui-ci. La statistique aide à l’élaboration de ce discours par l’acceptation de plusieurs dimensions ; il nous faut prendre conscience que tout se joue en devenir autour de nous, que le regard que nous portons sur notre environnement, ne représente qu’un échantillon de la globalité du (des) phénomène(s) observable(s) ; d’où l’impossibilité d’une reproduction à l’identique des effets appréciés et l’acceptation malgré nos efforts pour la minimiser, d’une part d’incertitude entourant les problèmes, et d’une résignation à en accepter une quotité irréductible, que la variabilité du monde tient de l’imprévisibilité du temps qu’il fera, comme de la non “prédictibilité” de l’homme, de son comportement actuel et futur. Mais aussi, que l’inconscient ou le hasard ne peuvent être identifiés comme êtres indépendants, jouant d’intelligence, de malice voire de compromission etc.