4.1.5. La statistique, un moyen d’apprécier la complexité du vivant

L’étudiant comme l’enseignant qui se voit confier des élèves dont il aura la charge d’aider à la construction de leur savoir, n’échappe pas aux problèmes de la complexité du vivant. Appuyons-nous sur l’ouvrage de Hervé Barreau (BARREAU, 1990), pour revenir sur les recherches conduites par G. Canguilhem dans sa thèse de médecine6, et en particulier sur son analyse de l’Introduction à l’Étude de la Médecine expérimentale. Barreau rappelle de Canguilhem expose :

‘« cinq raisons qui rendent la méthode expérimentale beaucoup plus délicate à manier dans les laboratoires de biologie que dans ceux de physique et chimie. Tout d’abord, il faut prendre garde à la spécificité du vivant, qui accuse à tous les stades de la différenciation, de variété en variété, d’espèce à espèce, de l’animal à l’homme. Ensuite à l’individuation, […] qui n’autorise pas à considérer que tous les individus d’une même variété qu’on soumet à des expériences sont exactement les mêmes. Troisièmement à la totalité de l’organisme, […] qui ne permet pas de considérer un organisme diminué d’un organe puisque l’amputation en a fait un autre organisme. Quatrièmement à l’irréversibilité des phénomènes biologiques, qui contraste avec la réversibilité au moins élémentaire des phénomènes mécaniques […]. Enfin on ne peut faire fi des problèmes éthiques, que pose l’expérimentation sur des sujets humains […] ». (BARREAU, 1990, pp 78-79)’

Ces cinq repères distinctifs, sont profondément liés par leur problématique et les réponses à y apporter à celles de l’éducation d’une part et d’autre part, à l’apprentissage de la statistique : idées de variabilité, de dualité et complémentarité entre variables descriptives d’une partition d’une population ou de sa fonction évolutive, de relation systémique entre les variables, d’irréversibilité et de protection éthique entourant les phénomènes observés. La statistique, ouvrant l’accès au “vivant”, nous aide ainsi à porter un regard global sur ce qui nous entoure et également sur notre action d’enseignement.

Notes
6.

Pour exposer les deux problèmes évoqués dans sa thèse de médecine sur le normal et le pathologique, intitulée Essai sur quelques problèmes concernant le normal et le pathologique (1943), Georges Canguilhem se réfère pour, l'essentiel, à Auguste Comte, surtout à la 40e Leçon du Cours de philosophie positive, et à Claude Bernard, surtout à l'Introduction à la médecine expérimentale .