4.2.3. La statistique, une acceptation de l’imprévisibilité, un dépassement du déterminisme

Le déterminisme de la physique classique, par exemple, héritée d’Isaac Newton, bousculé par l’arrivée de la mécanique quantique au début du XXème siècle, doit maintenant accorder une place aux probabilités de positionnement des éléments dans la matière, à la fluctuation de leur valeur énergétique. Toute référence à la physique classique, doit accueillir une part d’imprévisibilité. A l’école, la liste des nombres obtenus par les jets successifs d’un dé, constitue-t-elle le meilleur exemple d’organisation d’une série aléatoire ? Aux yeux des élèves, le jet d’un dé devrait pouvoir se régler de manière totalement déterministe, connaissant sa position de départ, des caractéristiques précises des mouvements successifs etc. Mais le moindre décalage de trajectoire, d’impulsion, auront pour conséquence, une erreur de prévision qui grandira de façon exponentielle (théorie du chaos). Cette illustration habituelle par un “lancé au hasard” ne devrait pourtant pas en être une ! Si elle le devient, elle doit être accompagnée d’une explication ! L’acceptation de l’idée de variabilité doit se vivre comme une « rupture épistémologique » profonde, vertigineuse même ! Habituellement, les mathématiques se consacrent à l’étude du vrai et du faux et fonctionnent suivant des raisonnements de type déductif. Au plan symbolique, on peut voir dans cette prise en compte de l’incertain par l’école, la fin d’une pensée déterministe qui, au moins dans les sphères savantes, chancelle depuis quelques décennies. Elle marquerait la possible entrée dans un nouveau paradigme. C’est ce que nous aborderons plus profondément dans la section 5 de cette partie, qui en appelle à la prise en compte de la complexité au sens d’Edgar Morin (MORIN, 1982), où toute connaissance serait de type statistique. « Même si elle n’est pas explicitée, et peut-être justement parce qu’elle ne l’est pas, cette mutation peut s’avérer inconfortable et déclencher des résistances » (VERGNE, 2004). Le déterminisme, a structuré en son temps une stricte approche scientifique. L’incertitude, entité évanescente, imprévisible, indomptable, était tenue de côté. La redécouverte et la fréquentation du “hasard” ne doivent pas réintroduire au sein de l’école, l’impression éducative d’une dépossession de la responsabilité de nos actes. La prise de risque ne doit pas laisser apparaître un basculement dans un réalisme perçu comme fatalisme irréversible. Comment donc la statistique doit-elle être scolairement incorporée pour concilier dans l’acte éducatif les aspects réalistes et perceptibles du monde ? Cette question structure nos référents scientifiques, comme elle façonne par cohérence, notre posture d’éducateurs. La confrontation au “hasard”, oblige l’enseignant à se repositionner personnellement à son égard, et à montrer à l’élève, les différentes répercussions que sa présence engage à l’école dans le rapport au savoir et au “vivre ensemble”.