2. L’enseignement de la statistique, entre demande et réalité

Pour apprécier l’aspect novateur et volontaire de tous ceux qui ont conduit la démarche d’installer jusqu’ici un apprentissage de la statistique, il nous faut rappeler brièvement une anecdote révélatrice d’un état de fait (JOZEAU, 2001, p. 27) : « Jusqu’en 1958, une thèse de mathématiques n’était pas reconnue si elle ne portait que sur des probabilités et a fortiori sur des statistiques ! » Comment cela peut-il s’expliquer sur le plan historique ? Benoît Rittaud (RITTAUD, 2002, p. 9) se questionne à ce propos et apporte une première réponse ; pourquoi avons-nous tous :

‘« l’habitude d’entendre parler de sondages, d’échantillons représentatifs ou de moyennes, cela ne nous pose pas de problème particulier. Aussi comprend-on difficilement que la théorie des probabilités ait mis si longtemps à apparaître. Alors que les jeux de hasard existent depuis très longtemps (“hasard” et “aléa” sont deux mots issus l’un de l’arabe, l’autre du latin, qui signifient “dé”), alors que les recensements statistiques sont attestés depuis l’époque babylonienne, on ne rencontre pour ainsi dire aucune tentative de rationalisation de phénomènes aléatoires ou statistiques avant le XVIIe siècle. Même les Grecs de l’Antiquité, pourtant fondateurs des mathématiques modernes, ne se sont jamais attaqués à l’étude du hasard comme objet d’investigation scientifique. » ’

Jean-Claude Duperret (DUPERRET, 2001, p. 7) souligne un autre paradoxe, celui qui existe entre le niveau d’étude scientifique et l’appréhension de la statistique par les étudiants :

‘« Pourquoi est-il si difficile d’amener des étudiants bien sélectionnés, et bien formés par ailleurs, à se familiariser avec le raisonnement sur l’aléatoire et le risque ? […] Dans ce domaine, les étudiants sont beaucoup moins sensibilisés qu’avec les phénomènes du monde physique, considérés comme certains et comme exactement observés » ’

Il avance déjà de premières réponses. A la question : « Pourquoi la statistique reste-t-elle souvent la partie pauvre de l’enseignement ? », l’auteur accorde à l’intérieur du même ouvrage, trois raisons principales : le manque de temps, l’impression que ce champ ne forme pas un ensemble de vraies mathématiques et surtout le manque de formation des enseignants.

Comme nous le constatons, l’essor scolaire de la statistique se retrouve le plus souvent lié à celui des mathématiques. Explorons donc l’évolution de la demande institutionnelle attendue d’un enseignement de celles-ci.