1.1. Un cadre conceptuel imposé par le rattachement à la didactique des mathématiques

Notre étude entre dans la logique de la didactique des mathématiques et, à ce titre, elle se doit de se positionner selon une conception épistémologique de leur enseignement. Si l’on se réfère à la présentation de J.T. Desanti (DESANTI, 1968), reprise par B. Charlot (CHARLOT, 1991, pp. 136-137), nous ne ferons référence ni aux mathématiques du ciel, ni aux mathématiques de la terre, mais bien plutôt aux mathématiques comme instruments. « L’activité mathématique […], est indissolublement création d’activités opératoires et création corrélative d’un champ d’opérations. » Plus loin (p. 147), cet auteur ajoute qu’elle s’appuie sur « deux acceptions du mot sens, à savoir sens étroit et sens contextuel [qui] sont opposées l’une à l’autre ; la première assigne à chaque unité du discours un unique référent, elle évoque la précision, la rigueur ; la seconde multiplie les référents, elle correspond à la richesse, à l’imagination, à la capacité de suggestion. » Cette double source apporte à la statistique, par analogie à nos propos précédents, la complémentarité de l’esprit statistique à la pensée statistique ; le tout n’étant qu’une réponse parmi d’autres, à l’exigence à laquelle nous souscrivons, d’un enseignement mathématique formulé ainsi par Bernard Charlot (p. 154) :

‘« De quel droit amputerait-on, par défaut d’enseignement, la pensée de quelqu’un de sa face mathématique ? Ne pas éduquer mathématiquement un enfant, c’est mutiler, défigurer sa pensée. Il faut enseigner les mathématiques à tous. Avec une restriction majeure : tout citoyen a le droit d’être préservé des mathématiques réduites au sens étroit. Tout citoyen a droit au sens, dans l’acceptation la plus pleine du mot. »’

Cette étude résulte donc d’une double nécessité : celle d’introduire à l’école, les savoirs qui structurent les mathématiques ainsi que celle de transmettre l’évolution de leurs champs de connaissances. Et pour revenir à la didactique des mathématiques, notre objet de recherche interfère avec la multiplicité des dimensions que lui reconnaissait déjà Guy Brousseau en 1986, reprises ici en 1991 (BROUSSEAU, 1991b) :

‘«…d’une part les opérations essentielles de la diffusion des connaissances (théorie des situations didactiques), les conditions de leur existence et de leur diffusion (l’écologie des savoirs) et les transformations que cette diffusion produit, aussi bien sur ces connaissances (transposition didactique), que sur les utilisateurs (apprentissage, rapport au savoir). D’autre part, les institutions et les activités ayant pour objet de faciliter ces opérations. »’

Cette étude s’accorde à la position de Jean Brun (BRUN, 1981, p. 15) qui avance : « Le renouveau du terme didactique contient une volonté de redonner de l’importance à l’analyse des contenus d’enseignement. » Le constat d’un enseignement défaillant de la statistique doit s’accompagner d’un effort de réponse et de remédiation au problème repéré en produisant, à notre mesure, un élément supplémentaire porté à l’amélioration de son apprentissage par les élèves. La didactique sert à théoriser les phénomènes d’enseignement et d’apprentissage, mais dans un second temps, elle ne peut faire l’impasse d’y adjoindre une ingénierie didactique pour agir sur ce système d’enseignement. Si nous nous référons à Jean Portugais (PORTUGAIS, 1995, p. 43), « L’ingénierie se définit comme un processus de recherche s’intéressant à la préparation, à la réalisation et à l’analyse de situations didactiques. » Si dans la partie 3 de cette recherche, nous limitons volontairement, pour des raisons de faisabilité, le champ d’observation des situations didactiques à l’analyse des contenus de manuels, la définition précédente précisera les tâches incontournables qui devront donner une suite à cette étude. Pour rester ici, dans la logique de la didactique des mathématiques, et en prenant référence aux propos de Gérard Vergnaud : « C’est à travers des situations et des problèmes à résoudre qu’un concept acquiert du sens pour l’enfant » (VERGNAUD, 1996, p. 198), nous sommes de fait soumis à deux hypothèses qui la structurent :

  • - l’hypothèse constructiviste qui sous-entend que les élèves construisent par eux-mêmes leurs connaissances, et le sens qu’ils accordent à leurs apprentissages,
  • - l’hypothèse épistémologique qui met en avant le rôle prépondérant de la confrontation à des problèmes et des situations, comme éléments majeurs de l’entrée des élèves dans leurs apprentissages.

Remarque : une troisième hypothèse se devrait d’être rappelée : celle de la nécessité d’un recours à une perspective interactionniste dans la formation des connaissances. Nous ferons référence à elle, dans la suite donnée à ce mémoire, pour étudier les réponses en construction des élèves à toute mise en place d’un SMS.