2.4. Retour sur l’étude des représentations de la statistique par les professeurs des écoles

Comme il a été précisé plus avant, la problématique de cette recherche (COUTANSON, 1999), tentait d'analyser les représentations et usages didactiques et pédagogiques de la statistique par les enseignants du premier degré, excluant par là toute autre source (parents d'élèves, média, etc.) pouvant agir sur la place qui lui était attribuée au sein de l'école primaire. Comment alors se saisir des points de vue des enseignants concernés ? Souvent, à la simple évocation du terme statistique, les voix des enseignants se taisaient. Le malaise constaté s'installait presque toujours ! Instituteur moi-même, lors de cette enquête, il me fallait de surcroît contacter des collègues, donc prendre toutes les mesures permettant de laisser le maximum de discrétion de réponse à ceux qui le souhaitaient. Le choix du support d'enquête pour étayer la recherche se fixa sur le type questionnaire (cf. annexe 2.3). Cette méthode présentait l'intérêt de pouvoir concerner et traiter un grand nombre de réponses. Elle paraissait donc particulièrement appropriée à la mise en évidence de la spécificité des représentations des agents d’un secteur d’activité. Le dépouillement du questionnaire et son exploitation se prêtaient eux-mêmes à des traitements statistiques comme autant de moyens d'objectiver un domaine pour lequel s'exposait pleinement le risque de se laisser aveugler, voire submerger par nos propres représentations d'enseignant au détriment des collègues interrogés.

Mais, bâtir un questionnaire prédisposait très vite à la difficulté de s'affronter à une certaine lourdeur car deux directions en apparence, paradoxales, se heurtaient : pouvoir s'adapter à la diversité des individus tout en allant suffisamment loin pour ne pas rester à la superficialité des réponses de chacun. Un deuxième effet compliquait également l’ensemble : l'efficacité et la rigueur du traitement faisait qu'il devait se construire sur des questions fermées tout en laissant une place aux questions ouvertes, plus riches et plus libres vis-à-vis des propres représentations du rédacteur du questionnaire. Le contenu de ce questionnaire donnait suite à celui qui avait été constitué en licence sur les représentations de la statistique par les étudiants en Sciences de l'Éducation. Il fut complété par l’apport des rencontres avec le groupe IREM22 de Saint Étienne traitant à ce moment-là de l'apprentissage de la statistique.

Et en dernier ressort, que ce fût dans les procédures de recueil des données ou dans l'explication de questions (termes utilisés, présentation, items choisis, etc.), il fallut expérimenter plusieurs versions successives du questionnaire. Une grande place fut laissée à la représentation de la statistique, tout en combinant les propos généraux et théoriques avec les réactions spontanées au quotidien. Y avait-il un lien entre représentation de la statistique, son usage habituel et l’expérience de celle-ci sur le plan professionnel ? De même, dans la façon dont statistique et milieu éducatif se côtoyaient, l'idée était de mêler en permanence la place et l'aide qu'elle apportait à la formation et au quotidien des maîtres comme à l'éducation et à son usage par les élèves. Nombre de questions laissaient la porte ouverte à une gradation dans la conviction que l'éducation à la statistique fût utile et donc, pour éviter trop de condescendance à son égard, certaines incitaient à en répertorier aussi les aspects négatifs.

Quant à la population étudiée, pour garder la plus grande objectivité possible, le choix s'est porté sur toute la circonscription de l'Éducation nationale dont nous relevions, en respectant l'arbitraire de ses dimensions et de son caractère. En lançant le questionnaire sur celle de Montbrison dans la Loire, nous cumulions l'effet attendu au départ comme incitatif auprès de nombreux enseignants qui étaient des collègues de travail ainsi qu’une bonne représentativité des réponses issues pour moitié des mondes rural et urbain concernés par le découpage administratif local.

Mais des difficultés massives, incontournables, furent au rendez-vous. Malgré toutes ces précautions, des soixante-cinq écoles contactées, bien peu de réponses arrivèrent en retour ! Après multiplication des contacts directs, ou téléphoniques, et une relance générale par courrier à l'initiative de l'Inspecteur Départemental de l'Éducation, M. Bonhomme, très peu de situations se sont débloquées. Un deuxième essai fut donc lancé sur la circonscription de Laval en Mayenne où nous disposions aussi d'un contact positif auprès de l'Inspecteur Départemental de cette circonscription. L'effet produit fut le même et n'était donc pas lié à un facteur de trop grande proximité avec les maîtres questionnés. Il fut donc décidé de bâtir le travail de recherche sur les seules réponses reçues (27) ; les très fortes difficultés rencontrées pour recueillir des réponses prouvaient déjà la profondeur de l'abîme où plongeaient les maîtres au simple fait d'évoquer l'idée statistique à l'école primaire, quelles qu'en fussent les finalités (représentations, usage ou enseignement).

Notes
22.

IREM Institut de Recherche sur l'Enseignement des Mathématiques