5. Des séances de classe pour aborder l’enseignement de la statistique et des probabilités

Annexe 5.1 : Problèmes posés à l'école de Gumières, par B COUTANSON, inspiré du livre "La magie des paradoxes", GARDNER M., Belin, 1980. Ces problèmes nous ont incité à analyser la réponse des élèves de l’école primaire, en fonction du degré d’incertitude apporté par les outils mathématiques mis à leur disposition

Annexe 5.2 : Vers la création d’outils statistiques pour les élèves , éléments de pratique pour l’épreuve d’animation de séance du Certificat d’Aptitude à la Formation des Instituteurs et Professeurs des Écoles Maître Formateurs (COUTANSON, 1998), Gumières, 1998.

Annexe 5.3 : Vers un essai de simulation en situation incertaine (COUTANSON, 1998), Gumières, 1998.

Annexe n° 5.4 : RÉGNIER J.C., THOMAS R., COUTANSON B. et un groupe d’étudiants de licence (1998), la prise de décision risquée en situation incertaine  : éléments pour une séquence didactique visant l’acquisition du raisonnement statistique, IREM de Lyon et Université Lyon 2, 1998 (pp. 8 - 16).

II. Déroulement de la séance :

L'objectif de cette séance est, rappelons-le, de cerner la démarche utilisée par des enfants de 4è pour traiter des données statistiques et fonder une décision. Analysons donc étape par étape les actions et réflexions engagées par les élèves.

II.1. Étude de l'étape n°1 :

Plusieurs hésitations ont été perçues lors du tirage des billes, est-ce dû : à une consigne de travail floue, à une confusion ou rivalité entre émission d'une proportion et grignotage du crédit-bille, ou tout simplement par manque de stratégie ?

Nombre d'enfants abordent ce problème avec des idées préétablies sur chaque tirage (ex : sur 5 billes, j'aurais 3 bleues et 2 rouges), sur le contenu de chaque urne : il y a mélange, "on est sûrs" car les adultes l'ont affirmé et dans le cas contraire, il n'y aurait pas jeu. Les élèves ont souvent en eux-mêmes une image mentale préexistante de la proportion de billes bleues dans l'urne.

La stratégie utilisée ne mentionne jamais le choix par les enfants d'un tirage "avec remise". Pour certains, le pourcentage de billes bleues s'impose comme une vision préétablie, par automatisme. D'autres utilisent des tableaux pour mémoriser les données du problème.

On constate que beaucoup d'enfants privilégient des tirages par paquets de billes : leur représentation du contenu de l'urne se fonde plus sur la taille de l'échantillon que sur le nombre de tirages. Les élèves semblent agir par seuil de représentativité : rien ne serait suggéré par le tirage si celui-ci était faible et n'atteignait pas un nombre magique, déclencheur (souvent "10") et qu'il paraît inutile de reproduire, de dépasser.

La construction mentale ne serait pas une idée qui se précise au fil des tirages, des hypothèses qui se confirment, mais plutôt une idée préconçue qui attend le premier tirage pour être conformé par assimilation ou déformation. C'est une démarche rudimentaire, linéaire.

La notion de pourcentage porte par contre à réflexion ; deux aspects se dessinent. Le premier représente une marque de précision quand la seconde évoque une idée globale, d'approximation. L'adulte se fixe sur la première là où l'élève s'arrête sur l'autre ! Ne devrait-on pas adopter la démarche approximative, d'encadrement que l'on resserrerait par la suite ?

Peu d'enfants ont effectué un calcul pour préciser le pourcentage de l'urne en transposant celui de l'échantillon. Aucun non plus n'a eu le réflexe d'utiliser une calculatrice.

En conclusion, on est plus dans une démarche d'affirmation que de recherche, de représentation spontanée plutôt que de construction mentale.

II.2. Étude de l'étape n°2 :

Pour plus de clarté et d'efficacité, mettons en parallèle les démarches des quatre groupes.

groupe n°1 Groupe n°2 Groupe n°3 Groupe n°4
Prise en compte des résultats individuels Acceptation de tous les résultats bien qu'ils fussent "devinés" Vérification de la validité de chaque résultat Acceptation de tous les résultats Acceptation de tous les résultats individuels
Choix n°1 fondé sur : Un tirage supplémentaire de tout le groupe La fréquence d'apparition des résultats La moyenne des résultats individuels Une intuition collective
Question intermédiaire   Que faire des pourcentages minoritaires et éloignés ?    
Décision validée par : Effet de proximité Le calcul de la moyenne des résultats Le résultat donné par le calcul de la moyenne Acceptation de la validité d'une intuition collective
Nombre de résultats obtenus 1
30%
________________
2
(en tenant compte ou en écartant le résultat minoritaire)
1
(qui sera ensuite mis en doute)
30%
1
70%
________________
Choix n°2 fondé sur   Un tirage collectif Un tirage collectif  
Décision n°2 validée par   Proximité entre les résultats précédents et la proportion du dernier tirage    
Question intermédiaire   Comment présenter un pourcentage : avec beaucoup de décimales ou arrondi ? Quelle décision prendre : le résultat du tirage est différent de la moyenne !  
Nombre de résultats obtenus   1
70 %
________________
   
Choix n°3 fondé sur     La moyenne des résultats  
Question intermédiaire     Quelle moyenne ? 1) entre m1 et le résultat du tirage : m2
2) entre les choix individuels et le résultat du tirage : m3
 
Choix n°4 fondé sur     La moyenne m4 de ces deux moyennes possibles (m2 et m3)  
Décision n°3 validée par :     Le résultat précédent : m4  
Nombre de résultats obtenus     1 38 %
________________
 
Données de
la fiche tech.

30 %

70 %

60 %

60 %
Position du groupe / la fiche techn.
Accord

Accord

Désaccord

Désaccord
Choix supplémen­taire       Nouveau tirage collectif
Décision finale validée par : La proximité et la concordance des résultats La proximité et la concordance des résultats *Éloignement des résultats
*Toutes les moyennes étaient regroupées autour de 30
La proximité de leur estimation et le résultat du dernier tirage
Conclusion générale :
* la propor­tion de billes bleues est :
* les indications du fabricant sont


30 %
confirmées


70 %
confirmées


30 %
refusées


70 %
refusées
Dans la réalité U1 : 30 % U2 : 70 % U3 : 70 % U4 : 70 %
Bilan des résultats Exact Exact Exact Exact

II.3. Étude de l'étape n°3 :

Groupe n°1 Groupe n°2 Groupe n°3 Groupe n°4
Selon quel ordre la stratégie se développe-t-elle ? 1) Estimation de U1
2) " U5
3) Comparaison
Comparaison immédiate de U2 et U5 Comparaison immédiate de U3 et U5 1) Estimation de U4
2) " U5
3) Comparaison
Choix n°1 fondé sur 6 tirages de 4 billes dans les deux cas 1 tirage de 15 billes dans chaque urne 6 tirages de 3 billes et un de 2 billes dans chaque urne 1 tirage de 7 billes dans chaque urne
Décision n°1 validée par Intuition et rapprochement des deux séries de résultats Égalité des résultats Calcul sur les pourcentages Calcul sur les pourcentages
Résultat U1 : 50 %
U5 : 60 %
U2 : 55 %
U5 : 55 %
U3 : 30 % (erreur de calcul / 20 %)
U5 : 50 % erreur de calcul /45 %)
U4 : 71 % (résultat exact : 71,43 %)
U5 : 28,5 % (résultat exact : 28,57 %)
Conclusion immédiate oui
U1≠ U5
________________________
Non, c'est "le hasard", il faut une autre preuve oui
U3 ≠ U5
________________________
oui
U4 ≠ U5
________________________
Choix n°2 fondé sur   Tirage simultané de 3 billes dans chaque urne    
Décision validée par   Égalité des résultats et influence du dernier tirage    
Conclusion n°2   U2 = U5
(53%)
________________
   
Dans la réalité U1=50 % ; U5=50%
U1=U5
U2=45 % ; U5=50%
U2≠U5
U3=30 % ; U5=50%
U3≠U5
U1=50 % ; U5=50%
U4≠U5
Bilan des estimations U1 : exacte
U5 : proche
U2 : proche
U5 : très proche
U3 : exacte
U5 : exacte
U4 quasi exacte
U5 : différente
Bilan des comparaisons Différent Différent Exact Exact

II.4. Conclusion aux étapes n°2 et N°3 :

II.4.1. Premiers éléments de réponse :

Pour ces deux étapes, les élèves ont engagé des démarches variées : les tirages supplémentaires par le groupe ou par ajout de tirages personnels, l'étude comparative de fréquences, le calcul de moyennes, ou ils se fient à leur intuition. L'étape n°2, de conception plus dissymétrique, plus complexe, apporte une plus grande richesse en stratégies variées que l'étape n°3.

La décision se fonde sur des effets de proximité, d'intuition, plus que sur le résultat de calculs comme la moyenne. Notons aussi le poids surestimé du dernier résultat par rapport aux autres.

II.4.2. Remarques susceptibles de générer d'autres pistes de recherche :

Sans cesse, les enfants sont poussés par l'envie de voir, de palper, de soupeser... Spontanément, beaucoup organiseraient un comptage général de billes du sac ; ce qui va à l'encontre de l'idée d'échantillonnage.

Dans chaque groupe, des résultats faux mais répétés et proches ont plus de poids dans la décision prise que ceux qui sont justes mais isolés. Le poids des estimations est proportionnel à la taille des échantillons tirés.

Tous les élèves sont convaincus qu'un grand nombre de tirages favorise le rapprochement de la réalité. Par contre, outre le risque d'effritement du crédit-billes, s'ajoute celui de s'écarter à nouveau de l'idée que l'on s'en est déjà fait ! Ce qui obligerait à renouveler les démarches.

Dans l'étape n°2, beaucoup d'enfants ont du mal à mettre en doute le caractère officiel des données du fabricant. Dans cette idée, la pochette raturée a été refusée car il paraissait impossible de modifier un caractère officiel !

Une belle réflexion mathématique a été engagée par le groupe n°2 sur la constitution d'une moyenne. Quel poids donner à un élément supplémentaire à introduire dans une moyenne déjà établie ? Faut-il bâtir un calcul sur la première moyenne ou revenir aux données initiales ? De plus, une moyenne de 2 moyennes apporte-t-elle plus de clarté que les deux moyennes données ?

Les élèves se sont aussi interrogés sur les pourcentages : était-ce important de laisser figurer des décimales ? Comment arrondir les résultats ? Comment faire si le résultat se présente sous la forme 0,5 ? Pour certains, l'idée de pourcentage ne peut être émise que sur un échantillon de taille "100" !

III. Conclusion générale :

III.1. Bilan pédagogique :

Cette expérience fut positive à plusieurs titres. Pour ce qui est des stratégies, elle balaye leurs approches variées par les élèves et leur recensement par les étudiants. Plus qu'ailleurs, la statistique permet de développer un apport spécifique enrichissant du travail en groupe et autorise une recherche intéressante sur les "déclencheurs" de décision.

Elle montra aussi que l'expérience était matériellement jouable, positive pour les enfants et que statistiquement, les résultats obtenus par les élèves étaient extraordinairement proches de la réalité, du moins bien meilleurs que les attentes des adultes !

La statistique apparaît ici sous un jour nouveau aux enfants, comme un rapprochement du monde scolaire du jeu... et des mathématiques... Elle intrigue et se démystifie tout en introduisant beaucoup de souplesse et de variété dans l'esprit de recherche...

III.2. De l'apport de la statistique à l'apprentissage de la prise de décision :

III.2.1. Qu'est-ce que prendre une décision ?

La prise de décision se fonde sur une succession d'actions :

Approche : 1/ Lire objectivement une situation : savoir en peser les données et la problématique
2/Se convaincre de la faisabilité du problème et de la possibilité d'atteindre un résultat
3/ Expliciter les facteurs d'incertitude, d'ambiguïté, de subjectivité...
Action : 4/ Choisir une stratégie comportementale et d'analyse
5/Savoir déterminer l'utilisation qui sera faite du résultat
6/Savoir arrêter la recherche quand on considère le résultat atteint en accord avec l'attente
7/Adopter une conclusion définitive (exigence, litige à trancher...)
Communication : 8/ S'assurer de la transparence de la logique avancée
9/ Faire naître et accepter une image "de décideur" (C'est la notion d'autorité, "éclairante" par les connaissances, compétences et clairvoyance) (respect et crédibilité
10/Communiquer et convaincre (persuader et entraîner)

III.2.2. Peut-on puiser dans l'univers de la statistique pour illustrer une prise de décision ?

La statistique est une étude méthodique de faits observés. Plutôt que de nous laisser, soumis à l'impondérable, à l'impossibilité totale de lutter, de minimiser l'importance du hasard, elle nous convie à opter pour un éclairage lucide, clairvoyant et mesuré de la réalité.

Elle ne représente en aucun cas une facilité d'action. Tout au contraire, son fondement mathématique en fait une science qui exige une profonde rigueur de celui qui l'emploie et une grande objectivité d'analyse des faits observés.

Plus que l'approche des données, des stratégies de résolution et de la validation des résultats, elle introduit les nuances du possible, du probable à la certitude mathématique. Elle enrichit la recherche des notions de "favorable", "compatible", "équiprobable", de "minimum garanti" comme celui "d'optimisation" des résultat

Annexe n° 5.5 : Une enquête statistique conduite par les élèves dans le quartier de Montreynaud (Saint-Étienne), extrait de Enseigner la statistique du CM à la seconde Pourquoi ? Comment ? De J.C. Girard, D. Gros, P. Planchette, J.C. Régnier et R. Thomas I ? R.E.M. Académie de Lyon 1999, p. 155.

Annexe n°5.6 : Deux exemples extraits du document suisse cité, proposant des situations ou entrent en jeu les notions de combinatoire, possible, impossible et probabilité. Nous conduisons actuellement les mêmes recherches à propos du jeu du « Démineur » présent à l’intérieur de tous les ordinateurs du commerce.

Annexe n°5.7 : GATTUSO L. (2003), Les statistiques, un élément essentiel de la littéracie. Une expérimentation d’enseignement des statistiques dans les écoles italiennes , Communication aux Journées de la Statistiques, Lyon, 2003.

Annexe n°5.8 : un travail transdisciplinaire impliquant les statistiques, Paul Planchette, extrait de Enseigner la statistique du CM à la seconde Pourquoi ? Comment ? De J.C. Girard, D. Gros, P. Planchette, J.C. Régnier et R. Thomas I ? R.E.M. Académie de Lyon 1999, pp. 157 - 174.

Annexe 5.9 : M. ROCHE, M. SECO et C. VERGNE, Statistiques et probabilités : Un point de vue didactique, Des statistiques à la pensée statistique, Éditions IREM de Montpellier, 2001, p 112 à p 116.