Un journal télévisé est un diffuseur d’information (il l’élabore et la montre, la donne à voir) et se doit à ce titre, de la traiter au préalable, afin de la rendre accessible pour son récepteur, le public. Par accessibilité nous entendons clarté, rigueur et exhaustivité du propos certes, mais nous entendons surtout interprétation, intelligibilité, c'est-à-dire donner du sens. La télévision est un média tout à fait particulier par rapport à la presse écrite ou même à internet, puisque le rapport avec le spectateur est beaucoup plus direct et plus étroit. Il existe véritablement une sorte de contrat de confiance entre les deux instances. Les journalistes se doivent de présenter une information dont la captation sera identique pour tous tant ils participent à l’élaboration d’une mémoire collective de l’événement. Les images seules, sans les commentaires, peuvent être interprétées de bien des façons. De même qu’à l’inverse, sous le prisme d’un média écrit, la représentation et donc la compréhension seront différentes.
Le média audiovisuel se caractérise par un dispositif, une identité, une tradition. En l’occurrence, TF1 a une identité politique, une culture des événements et donne un sens au tsunami, sens qu’il convient d’étudier. Le monde de la télévision a des principes fondamentaux qu’elle ne contourne que rarement et surtout dans un laps de temps limité, au risque de se détourner de son objectif ultime : faire de l’audience. C’est particulièrement le cas pour une chaîne à dimension européenne comme TF1.
Nous avons donc établi une problématique, un angle sous lequel aborder le thème choisi. Notre analyse doit nous aider à répondre à nos questions. L’une de nos premières interrogations est de savoir comment l’information s’est présentée sur TF1 et si elle a mis au jour une représentation particulière du tsunami. Celle-ci est-elle différente par rapport à celle d’autres catastrophes ? Quelle identité est suggérée, car c’est bien l’identité des médias qui est en question ici ? Ils sont un enjeu pour le monde politique.
Il est impossible de simplement retranscrire un fait pour un fait, les médias lui donnent un sens, une consistance, un impact. Le choix des images, l’utilisation des sons, les commentaires ou le langage corporel des journalistes sont une interprétation. Tout n’est pas dit, le média opère un cadrage, une sélection qui implique le silence autour de certains faits. La représentation spatio-temporelle, la représentation des identités et des acteurs impliqués dans l’événement sont une manière d’interroger le sens du tsunami. Il faut souligner qu’au-delà de sa réalité, la catastrophe a deux autres dimensions : symbolique et imaginaire. Dès lors qu’elle est soumise au jeu des médias, elle devient symbolique et entre en lien avec son aspect imaginaire, c'est-à-dire tout l’univers de fiction et de fantasmes qui l’entoure. La représentation médiatique fait sens et influe, notamment sur la vision collective du monde. C’est aussi cela que nous souhaitons aborder. La catastrophe est un objet riche de questionnements au vu de son impact à long terme et de fait, c’est peut-être cela qui fait son intérêt pour les médias. La médiation de l’événement a un impact sur le spectateur puisqu’elle joue sur les instances de proximité et d’éloignement.
Après les attentats du 11 septembre 2001 notamment, le rôle et le statut des médias ont été considérablement modifiés puisqu’ils ont largement montré leur capacité à construire l’événement au point d’en faire un enjeu politique. Ces derniers prétendant disposer d’un quasi don d’ubiquité grâce auquel ils seraient partout et verraient tout. Il est indispensable de capter l’image que le concurrent n’aura pas. Leur implication dans l’élaboration de l’imaginaire collectif fut définitivement révélée au public6. La catastrophe est un objet riche qui permet d’adopter une multitude d’angles d’analyse et d’interprétation voire de représentation.
Avec le tsunami, comme lors des attentats de septembre 2001, on se trouve face à une « information mondialisée »7. Mais qu’est-ce qui fait qu’une catastrophe survenue dans un espace localisé prend une telle ampleur ? Quels facteurs font de cette catastrophe un événement ? Nous verrons que l’élaboration d’un espace symbolique n’est pas étrangère à cela.
LAMY Aurélia, "Récits médiatiques, mémoires électives.", EspacesTemps.net, Textuel, 21.11.2007
http://espacestemps.net/document3673.html
Pour reprendre le titre de l’ouvrage : PALMER (Michael), AUBERT (Aurélie) (sous la direction de) (2008), L’information mondialisée, Paris, L’Harmattan, 295p.