Instruments de la recherche

Dans l’optique d’une analyse complète, analyse que nous souhaitons la plus fine possible, nous avons établi un corpus assez important constitué de vidéos des journaux de 20h de TF1, édition à laquelle le taux d’audience est le plus important. De plus, nous nous sommes bornée aux journaux télévisés de 20h pour deux autres raisons : d’abord parce qu’il arrive que les sujets présentés au journal télévisé de 13h soient les mêmes que ceux du soir et ensuite parce que les bases de données de l’INA ne permettent pas de connaître le contenu des journaux de 13h sans les visionner. Les inclure dans notre corpus nous aurait demandé un travail de sélection trop long. Ces vidéos portent sur le tsunami et ses suites multiples. Le média nous donnera un point de vue sur l’expression des spécificités du tsunami à travers son propre regard et nous tenterons alors de percevoir son identité politique et son idéologie. Car si ce dernier sait comment capter son audience à la base, avec de tels événements, l’approche est forcément modifiée et les codes de production aussi. Nous allons essayer de voir comment la chaîne s’adapte à l’événement ou adapte ce dernier à sa « grille de lecture ».

Pour une analyse plus claire nous nous sommes interrogée sur la nécessité de réduire notre corpus en choisissant un échantillon de vidéos ou en se limitant dans le temps (sur une période d’un an par exemple). Toutefois, comment faire en sorte qu’il soit assez représentatif et surtout significatif ? Il aurait été envisageable par exemple de choisir quelques vidéos clefs, retraçant les étapes clefs de la catastrophe : l’événement, les réactions, la reconstruction, les dégâts et les morts, le tourisme, le mouvement de solidarité. Finalement, nous couvrons les dates du 26 décembre 2004 à nos jours, soit fin 2009, en tentant d’inclure toutes les vidéos nouvelles, ponctuelles certes, mais présentes. Cela nous donne un ensemble de 443 sujets (reportages, brèves, duplex, interview). Cette temporalité nous permettra d’aborder une question importante qui est celle de l’articulation entre le temps court et le temps long de l’événement. D’autre part, un corpus complet nous permettra de faire des statistiques précises, d’avoir une vision globale de l’événement et d’observer son évolution.

Le travail sur ce corpus a consisté en de nombreux visionnages des vidéos de TF1 afin de pouvoir retranscrire fidèlement les discours. Ce travail de base nous a demandé du temps. Nous avons ainsi retranscrit les propos des journalistes, présentateurs ou témoins interviewés de manière exacte, en incluant les hésitations, lapsus, fautes ou silences. De plus, le logiciel Médiascope de l’INA nous a permis de faire de nombreuses captures d’écran hiérarchisées en fonction de leur référence temporelle (horaire de diffusion).

Quels critères ont présidé au choix de cette chaîne ? La principale préoccupation à nos yeux est la notion de cohérence quant à la politique de communication. L’identité est un élément important puisqu’elle conditionne la fidélité d’un spectateur. Nous estimons ainsi qu’il sera caractéristique d’une scénarisation particulière de la catastrophe. Les médias sont les générateurs d’un événement, celui-ci n’existe que sous la forme d’un fait auparavant. TF1 est considérée comme la chaîne la plus puissante et dont l’audience quotidienne est la plus forte en France, voire en Europe. TF1, Télévision Française 1, est créée le 8 juillet 1974, au moment de l’éclatement de l’ORTF (Office de radiodiffusion télévision française). Elle est la première chaîne de service public, jusqu’à sa privatisation en 1987. C’est le groupe Bouygues qui la rachète après avoir obtenu l’accord de la Commission Nationale de la Communication et des Libertés (CNCL). Francis Bouygues en devient le président, tandis que Patrice Le Lay, issu du groupe Bouygues, en devient le vice-président. Pour les deux hommes, l’ambition est claire : faire de TF1 la reine des audiences. Ce pari est atteint dès les années 1990. Le changement de logo de la chaîne (désormais tricolore : bleu, blanc, rouge) marque l’affirmation de son identité en tant que première chaîne nationale. Son succès est en parti lié à une programmation basée sur l’information, la fiction et le divertissement. L’entreprise a su consolider sa position dans le paysage audiovisuel français. Entre 2004 et 2009, dates de notre corpus, TF1 aurait réalisé entre 89 et 100% des meilleures audiences, toutes émissions confondues, selon les chiffres de Médiamétrie. Dès 1949, la chaîne propose un journal quotidien.

De manière générale, mettre en parallèle les différents types de représentations du tsunami, que ce soit dans la littérature ou au cinéma est une démarche intéressante. En particulier lorsque les points de vues proviennent de pays, de cultures ou de mentalités éloignées voire opposées. La seconde partie de notre corpus portera donc sur une œuvre fictionnelle américaine censée représenter l’événement. Nous nous sommes arrêtée sur une production engageant des personnalités de pays différents, étrangers à la France. Il s’agit de la première véritable œuvre cinématographique portant sur le sujet depuis la catastrophe, intitulée « Tsunami : The Aftermath ». Dirigé par Bharat Nalluri, réalisateur anglais et écrit par Abi Morgan, scénariste anglaise, le téléfilm, sorti en 2006, propose de suivre le parcours de plusieurs personnages dont la vie est bouleversée par le cataclysme. Il sera intéressant pour nous de voir si elle s’inscrit dans une culture de la catastrophe propre aux pays occidentaux, notamment aux Etats-Unis. Ce corpus (JT et fiction) nous permettra de mettre en parallèle les modes de représentations de la catastrophe tout en voyant comment information et fiction s’articulent en permanence.