Démarche d’analyse

Menée dans une logique sémiotique et pragmatique, notre approche se fonde sur une analyse quantitative et qualitative de la couverture du tsunami et de la représentation véhiculée de la catastrophe. Notre point de référence étant le tsunami, il s’agit, à travers ce traitement, de comprendre quels éléments sont pris en considération dans la construction de l’événement et finalement imposés comme représentation « légitime » aux spectateurs. Aucun des versants de notre démarche ne peut être révélateur sans l’autre. L’approche quantitative nous permettra de mettre en évidence les thématiques qui construisent l’événement. Il s’agit d’observer la relation entre l’image et le son. De fait, l’approche qualitative sera tout aussi importante. Nous nous pencherons donc sur le contenu du discours médiatique : la description spatio-temporelle de l’événement, la description des acteurs, la mise en scène. La position de TF1 face aux faits et aux acteurs traduit l’adoption d’une stratégie par le média, ce dernier scénarisant forcément l’événement, les lieux et les acteurs. Face à un événement aussi brutal, presque « insensé », TF1 lui donne un sens en produisant de l’information.

Nous souhaitons travailler pour une part, sur le lexique utilisé, représentatif selon nous, de l’évolution de la vision sur le tsunami. La fréquence ou la récurrence de certains termes ou expressions traduisent la manière d’appréhender le phénomène. De le comprendre pour mieux l’expliquer et en saisir les tenants et aboutissants. Le média use (et abuse ?) de signes pour donner corps aux faits. Nous pensons que certaines thématiques ressortent forcément dans le discours : la violence, la mort, la solidarité…mais qu’au-delà de cela, les chaînes conservent malgré tout leur identité et leur propre langage. Pour analyser ces thématiques nous avons notamment analysé les Unes consacrées par TF1 au tsunami. Les thématiques permettent de mettre en évidence les spécificités des mots et de la mise en scène. L’on peut même se demander s’il ne s’agit pas au fond d’instaurer une forme de familiarité avec la catastrophe.

Faire en sorte qu’il n’y ait pas juste une succession de reportages mais une vraie cohésion suggère un façonnement de la réalité. Les événements principaux sont repris par tous les médias, puis des faits plus particuliers viennent étoffer le travail de couverture et c’est là qu’un média se détache d’un autre. C’est là que les identités culturelles se révèlent véritablement. Celui-ci tente alors de comprendre et d’expliquer en interprétant voire en comparant. Il donne un cadre : une origine, des tentatives d’explications, des impacts. C’est aussi pourquoi il puise généralement dans la mémoire collective, la culture, les pratiques sociales communes, attitude qui donne forcément une certaine orientation au propos. Dans le processus d’élaboration de ce cadre, il y a presque inévitablement un risque de partialité et de caricature dans la mesure où le média propose finalement un degré de dramatisation.

La question du vocable utilisé, voire crée, est d’autant plus importante que dans le cas d’une catastrophe naturelle, le monde scientifique se trouve immédiatement impliqué. L’objectif étant que le rapport entre les médias et la science soit évident, l’un servant l’autre. Le recours à ce qui est de l’ordre du rationnel permet rassurer et de montrer une forme de domination de l’Homme sur la nature. Il était donc important pour nous de prendre contact, assez rapidement, avec des spécialistes en sismologie ou en géophysique afin d’obtenir des informations précises sur le phénomène (nous le présenterons d’ailleurs en cours de développement). C’est une manière pour nous d’observer le degré d’utilisation de la science et en même temps de vulgarisation de celle-ci.

Il s’agit donc d’établir les lexiques mis au jour, concernant la catastrophe et les divers aspects qui l’entourent en grande partie imprégnés par les notions de souffrance et de violence. L’esthétisme passant aussi par les mots. Ce processus s’appliquera aux reportages autant qu’aux lancements proposés par les présentateurs du Journal Télévisé. Les thèmes ainsi mis en évidence, figuratifs d’une orientation unique, vont notamment structurer notre propos : l’environnement, l’impact politique et géographique du tsunami, la vision de l’espace public, les aspects de solidarité et de prévention, leur lien, leurs formes, la comparaison avec d’autres catastrophes naturelles ou sociales.

De même que la fréquence des mots nous paraît essentielle, la nature de ces derniers l’est tout autant. Le rythme du discours se calque t-il sur la temporalité de l’événement ? Comment cette temporalité est-elle définie et représentée ? Est-il influencé par le caractère urgent du phénomène ? Il sera donc aussi bénéfique d’observer l’évolution des champs lexicaux au fil des mois et des années. Au départ concentrés sur l’aspect humain (discours moral voire religieux sur les victimes), les champs lexicaux sont ensuite centrés sur des questions plus économiques et politiques (indemnités financières, prévention) ? Cela nous permettra d’envisager la vision et le positionnement de la chaîne, qu’ils soient clairement affichés ou non.

Sur le plan des images, les choix ne sont pas non plus anodins mais révélateurs d’une prise de position. Elles sont là pour retracer l’événement et donner le moyen au spectateur de le revivre pour mieux le comprendre. Nous souhaitons observer la façon dont sont représentés les espaces et les acteurs, la façon dont ses derniers se meuvent dans les premiers. Il sera intéressant de voir l’importance que prennent les images dans l’ensemble de la couverture de l’événement, notamment les images amateurs. Evidemment, de par les choix effectués, la représentation se situe déjà dans une logique symbolique. Quelles images reviennent souvent ? Elles permettraient de donner le temps aux spectateurs d’intégrer et d’assimiler l’information mais surtout de rendre l’événement familier. Quelle place accorde-t-on aux témoignages dans la mesure où ils permettent aux spectateurs de s’identifier ? Accéder à la subjectivité au travers de ce qui est de l’ordre de l’intime donne du poids à ce qui ne serait que purement factuel et descriptif.

Nous nous posons donc une multitude de questions qu’il convient d’organiser afin d’être plus efficaces et plus précis. Cela nous permettra de faire une étude systématique. Dans le cadre de notre étude, nous avons donc créé une base de données avec l’aide du logiciel FILEMAKER PRO 9. Nous pensons qu’elle s’avère utile à plusieurs titres : elle permet d’organiser des informations nombreuses concernant nos sources et facilite l’exécution de statistiques, de croisements, de graphiques indispensables à notre analyse (temps consacré à l’événement, angles d’approche, zone(s) géographique(s) d’intérêt, etc.). Le principe dans ce genre d’initiative est de réfléchir au préalable à la nature des rubriques qui constitueront cette base. Nous avons pu l’établir en partie grâce aux informations rassemblées dans des notices disponibles sur la base de données Hyperbase de l’Institut National de l’Audiovisuel à Paris où les toutes les vidéos sont archivées.