Les « œuvres de fiction » ont donc pris possession de ce thème très tôt. En 2005, un ouvrage ainsi qu'une exposition mettaient en lumière cette tendance à la scénarisation. « Récits et représentation des catastrophes depuis l'Antiquité »143, publié sous la direction de René Favier et Anne-Marie Granet-Abisset est le résultat d'un colloque international tenu par des chercheurs du Laboratoire de Recherches Historiques Rhône-Alpes (LARHRA). Une variété de catastrophes de toutes les époques sont étudiées dans le discours et les représentations qu'elles ont suscitées. La première partie « l'événement médiatisé » montre comment les médias érigent la catastrophe en événement. La seconde partie « La catastrophe instrumentalisée » propose une réflexion sur le rapport entre la catastrophe et les sphères politique et religieuse. La troisième partie « La scénarisation de la catastrophe» illustre la manière de mettre en scène la catastrophe selon le support.
« Quelle catastrophe ! L'invention du désastre médiatique »144 est le titre d'une exposition, tenue à la bibliothèque municipale de Lyon, où l'instrumentalisation des catastrophes était également abordée. On y montrait comment les catastrophes nous apprenaient énormément sur l'homme, sur son lien avec son environnement et sur l'identité des sociétés. Peut-on parler de fonction cathartique telle qu'Aristote l'a conceptualisée dans « La Politique»? Le terme « catharsis » désigne une purification des passions grâce à la représentation tragique. En assistant à la représentation d'une tragédie, on peut laisser s'exprimer ses peurs et ses fantasmes. Aujourd'hui, la psychanalyse a repris ce concept. La catharsis est devenue une méthode reposant sur l'effet thérapeutique engendré par l'extériorisation d'événements refoulés. Les représentations esthétiques littéraires, picturales, musicales ou filmiques ont-elle donc ce pouvoir ? Aristote parle de plaisir esthétique qui permettrait de supporter la vision des choses les plus difficiles justement parce qu'elles ne sont pas réelles, que nous n'en faisons pas l'expérience : « nous prenons plaisir à contempler les images les plus exactes des choses dont la vue nous est pénible dans la réalité... »145. Seulement, Bernard Lamizet nous rappelle que « la catastrophe [...] constitue une limite absolue du symbolique et de la représentation : c’est le réel tel qu’il s’impose à nous sans médiation, ni distance, ni répit »146.La représentation ne pourrait donc être réalisable qu'à travers la sublimation : une sublimation de la violence, une sublimation de l'horreur.
FAVIER et GRANET-ABISSET (2005), Récits et représentations des catastrophes depuis l'Antiquité, Publications CNRS-MSH Alpes, Grenoble, 408p. Nous pourrions citer un autre colloque, tenu du 26 au 29 septembre 2007, au Musée de la civilisation, Québec et dont le titre était « Représenter la catastrophe à l’âge classique : dispositifs, figures et motifs ».
Exposition « Quelle Catastrophe ! L'invention du désastre médiatique ». Tenue du 20 janvier au 7 mai 2005 à l'Espace
Patrimoine de la Bibliothèque de la Part-Dieu à Lyon.
ARISTOTE (2005), Poétique, 1448b10, Gallimard, Paris, traduit par J. Hardy.
LAMIZET (2006), pp.164-165.