5.2 L’écologie politique, carrefour entre sciences et politique

L’impact des catastrophes sur la santé est en lien direct avec l’écologie politique. Nous observons chez TF1 le développement quasi immédiat d’une réflexion sur ce point avec de nombreuses mentions ou des reportages portant sur les causes profondes, les conséquences environnementales, les risques et menaces sanitaires inhérents à la catastrophe et les solutions à y apporter. S’expriment alors la peur de la résurgence de certaines maladies (dysenterie, typhoïde, choléra, paludisme, dengue), de l’émergence de nouvelles, des épidémies voire des pandémies, autant de fléaux qui sont aussi des appréhensions évoquées dans le Bible, au même titre que les guerres. Autant de phobies qui renvoient à la notion de fin du monde et de destruction de l’homme. On est alors dans la sphère de l'imaginaire avec les notions de «menace », de « crainte » ou encore le recours aux verbes « attendre», « planer » et « rôder ».

‘« Mais pour le moment, l'urgence ce sont les risques sanitaires»275.
« Dans tous ces pays d'Asie durement touchés par le séisme, une course contre la montre s'est engagée, pour empêcher, l'apparition d'épidémies. Alors que des cas de maladies ont été confirmés dans des camps de réfugiés, c'est l'eau contaminée qui représenterait la menace, la plus immédiate »276.’

Ces peurs sont alimentées par l'humidité, la promiscuité entre réfugiés dans les camps et la précarité ambiantes : «L'insalubrité, le manque de moyens d'assainissement, c'est une situation qui ne sera pas réglées en quelques jours. Et les autorités médicales ici sont persuadées que les épidémies pourraient se développer de manière dramatique»277. L’emploi du conditionnel (« pourraient ») indique qu’il règne une projection dans le futur à propos des suites possibles du tsunami. Or cette appréhension est plus qu’une simple hypothèse (« persuadées »). De fait, les images de TF1 montrent des scènes souvent similaires, où les autorités médicales tentent de soigner ou de prévenir les populations. C’est le cas dans le second sujet diffusé le 13 janvier 2005 par exemple. Les images montrent les médecins en plein travail. Le premier plan (figure 44) montre les moyens médicaux à disposition, notamment des seringues. Nous somme ici dans la province de Banda Aceh, en Indonésie, la zone la plus durement touchée.

Figure 44
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Les risques d’épidémies menacent toute la population et plus particulièrement les enfants. Sur le plan suivant, un petit garçon assis sur les genoux de sa mère reçoit une injection dans le bras. On ne voit que le bras du médecin (en bas à droite) et une partie du buste de la mère car la caméra se focalise sur le visage de l’enfant. Il pleure les yeux fermés, probablement à cause la peur, bien plus qu’en raison de la douleur, mais ses cris traduisent bien une forme d’anxiété.

Figure 45
Figure 45

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La peur incite les foules à se rendre dans les centres. Sur ce troisième plan, on aperçoit des mères avec leurs bébés dans les bras, autour d’une table où est installée une femme. C’est elle qui les accueille.

Figure 46
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D’autres images diffusées par TF1 montrent l’ouverture de fosses communes pour enterrer les cadavres au plus vite. La caméra filme en plongée, ce qui accentue la profondeur de cette fosse. Beaucoup de personnes observent le travail pendant que d’autres disposent les corps. Sur ces deux plans, il n’y a que des autochtones. L’un d’eux (figure 47), situé au premier plan à droite), observe la caméra contrairement à la foule autour de lui. Cette image montre une scène qui est étrangère aux coutumes occidentales et qui peut renvoyer aux grands épisodes épidémiques où les corps étaient entassés en masse, sans cercueils. Elle peut également évoquer, les charniers qui étaient creusés dans l’urgence ou, dans le cas de guerres et de génocides, pour y enterrer les victimes.

Figure 47
Figure 47

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Figure 48
Figure 48

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Un mois après le tsunami, les rumeurs concernant les risques d'épidémies sont déclarées infondées par la chaîne, qui précise que les propos antérieurs étaient bien issus de l'OMS : « En revanche l’apparition d’épidémies, dans les régions dévastées, paraît désormais très peu probable, selon l’OMS, contrairement à ce que nous disait ce même organisme, il y a tout juste un mois »278. L'adverbe « désormais » indique qu'il y a eu un changement de point de vue, il s'oppose au passé (« un mois »). L'OMS s'est rétractée (« contrairement »).

L’évocation de l’épisode du SRAS (Syndrome Respiratoire Aigu Sévère) survenu en 2003 en Chine souligne bien cette angoisse liée aux bouleversements environnementaux majeurs. Il faut noter que cette épidémie est la « première maladie émergente du XXIe siècle. Maladie grave et transmissible »279. Inconsciemment, cette remarque semble porter un jugement sur cette région du globe et refléter, de fait, l’image des pays sous-développés auprès des pays riches. Ces pays seraient comme frappés et même accablés par les fléaux, nous étudierons ce point dans le chapitre suivant.

‘« Séisme et raz de marée frappent ainsi une zone touristique en pleine croissance qui se remettait à peine de la crise provoquée par l'épidémie du SRAS en 2003»280.’

Ici, le journaliste fait un rapprochement entre le SRAS et le tsunami dans le sens où ce dernier événement ne fait que s’ajouter à la longue liste des catastrophes.

Notes
275.

Sujet n°1 de Pierre GRANGE diffusé le 27 décembre 2004.

276.

Sujet n°28 de Viviane JUNGFER, diffusé le 30 décembre 2004.

277.

Sujet n°11 de Michel SCOTT, diffusé le 6 janvier 2005.

278.

Brève diffusée le 25 janvier 2005.

280.

Sujet n°8 de Jean-Pierre FERREY, diffusé le 26 décembre 2004.