Le questionnement écologique s’articule à deux autres discours sur le logement et l’habitat d'une part, la géographie et la lecture esthétique et économique du paysage d'autre part. Ce sont deux représentations de l’espace dans les médias, qui ont une forte dimension politique. Nous souhaitons décrypter ces deux représentations du tsunami par TF1 car selon nous, elles soulignent la fragilité des pays touchés autant que l'importance du secteur touristique dans leur développement et leur économie. Ces espaces de vie et de travail pour les populations locales, se transforment en espaces de désolation et de deuil. Cette transformation est également vécue par les touristes présents sur place : l'espace de la villégiature devient un lieu de violence. Or le basculement d'une signification de l'espace à une autre n’échappe pas aux médias qui soulignent rapidement l'existence d'un « avant » et d'un « après » tsunami, notamment à travers l'information sur la reconstruction et l’aide fournie par les nombreuses associations humanitaires. Le discours de TF1 sur les conséquences de la catastrophe s'attache donc à explorer l'état des lieux après le passage du tsunami en effectuant, notamment, des comparaisons avec le passé. La destruction de l’espace, l’inscription du tsunami dans l’espace, rend la catastrophe palpable, réelle, car les individus, en prise avec ces lieux, doivent tenter de les maîtriser. C'est en partie à ce prix, que la crise engendrée pourra être jugulée.
La première représentation est celle des traces laissées par la catastrophe sur le paysage. Toutefois, il faut noter que les destructions constatées s’inscrivent dans des dynamiques de recomposition des paysages qui ont commencé avant le tsunami et qui vont au-delà de la catastrophe. En effet, ces destructions sont aussi à mettre en lien avec les conditions d’appropriation de l’espace dans les pays touchés.
‘ « Comme d’autres crises auparavant, le Tsunami a révélé l’importance du fossé entre logique humanitaire de l’urgence et processus de développement. C’est une tradition, notamment en France, de considérer l’action humanitaire comme une capacité d’intervention rapide sur les théâtres des catastrophes naturelles, accompagné par un phénomène médiatique aussi intense qu’éphémère. Cette spécialisation des acteurs humanitaires a conduit à une pensée schizophrène de la solidarité internationale : à force d’agir dans l’urgence, on néglige les crises structurelles ou permanentes, moins visibles ou plus délicates à convenir »355. ’La dimension « structurelle ou permanente » de ces crises, dont la survenue du tsunami est un exemple parfait, est soulignée dans certains reportages mais n'est finalement que peu abordée dans notre corpus. La plupart des États touchés sont en voie de développement, comme le Sri Lanka par exemple : «Jamais leur pays déjà en proie à une situation économique déjà difficile, n'avait connu pareille tragédie »356, « dans un pays très pauvre. Avec une économie de subsistance »357. Se pose alors la question suivante : l'espace de destruction présenté à l'écran n’est-il que le résultat du passage du tsunami ou doit-il aussi être pensé, dans un temps plus long, comme le fruit de la pauvreté locale ? Le discours de TF1 semble donner une réponse allant dans les deux sens. L'habitat et la géographie des pays frappés auraient amplifié la gravité du tsunami. Pourquoi ? Parce que la plupart des pays touchés envisagent la lecture du paysage en fonction des impératifs économiques. L'accroissement démographique fulgurant de ces pays est proportionnel à une urbanisation et une pauvreté croissantes. En somme, TF1 fait-elle apparaître le tsunami comme une catastrophe naturelle ou bien son discours inclut-il des facteurs anthropologiques ? Dans le discours des journalistes, le tsunami est qualifié huit fois de «catastrophe naturelle », ce qui semble indiquer que la chaîne l'associe à des facteurs naturels.
JONARD (2007), p.80
Sujet n°4 de Christophe PALLEE, diffusé le 27 décembre 2004.
Sujet n°5 de Michel SCOTT, diffusé le 30 décembre 2005.