8.3 Les répercussions sur le tourisme

Tsunami et tourisme ont eu une influence l'un sur l'autre. Le discours sur le tsunami a révélé l'importance croissante des migrations touristiques et le rôle du tourisme dans l’économie des pays touchés. En Asie du Sud-Est, les constructions touristiques sont généralement alignées le long des plages : les touristes présents sur place étaient donc directement exposés au danger. C’est un point qui permet de souligner l’expansion du bétonnage des côtes naturelles à travers le monde. Non seulement ces constructions sont souvent inesthétiques mais, en plus, elles sont potentiellement exposées au danger. Se pose alors le problème de la reconstruction : doit-elle être différente ? Sur le plan financier, les hôtels étant détruits, les implications économiques sont immédiates, ces nations vivant en grande partie grâce au tourisme. TF1 met en parallèle la pauvreté des habitations des autochtones et le luxe des constructions pour étrangers : ici, face au tsunami, personne n’a été épargné.

Les dégâts sont présentés comme : « considérables, énormes ». On parle de « zones ou de régions sinistrées », ce qui laisse entendre qu'un espace important est affecté et est devenu, la plupart du temps, « inaccessible ». Les conséquences sur le tourisme sont immédiatement visibles. Par deux fois, des journalistes suggèrent la difficulté de relancer l’activité touristique (« tente de faire repartir ») vue comme une « industrie », un « secteur clef » :

‘« Les difficultés des réfugiés contraints de vivre dans des camps alors que la Thaïlande tente de faire repartir l'industrie du tourisme »395.
« Et dans le même temps, la Thaïlande tente de faire repartir son industrie du tourisme, sur l'île de Phuket, les hôteliers se trouvent dans une situation critique, ils appellent à, une aide d'urgence, les autorités estiment, qu'il faudra un à deux ans avant que les vacanciers, ne reviennent sur place »396.
« Le tourisme, c'est un secteur clef, de l'économie thaïlandaise, et à l'occasion de ces cérémonies d'anniversaire et bien, la Thaïlande voulait prouver, au monde entier, qu'elle est à nouveau capable, d'accueillir les visiteurs »397.’

Le tsunami a véritablement semé « ravage, destruction totale, désolation ». Filmer les gens au milieu des ruines participe également à la mise en scène de l’idée de chaos : les hommes deviennent petits et perdus face aux décombres. Mais il y a surtout une composante économique majeure :

‘« Ici, le tourisme est la base essentielle du développement. Alors, cette catastrophe naturelle risque de transformer le pays en désastre économique»398.’

L’identité de certains pays touchés se caractérise aussi par l’importance (« essentielle ») du tourisme dans leur économie, une importance qui s'est accrue dans le temps :

‘« Le séisme de ce matin a ravagé de fait quelques joyaux balnéaires […] Des plages de rêves et de l'exotisme, c'est ce qui explique le succès touristique de cette région du globe. Une destination prisée de tous les touristes et en particulier des Français. Les tours opérateurs ont enregistré une croissance de plus de 20% cette année. Tous les pays aujourd'hui frappés par la catastrophe attirent les touristes français […] Séisme et raz de marée frappent ainsi une zone touristique en pleine croissance»399.’

Le lexique en rapport avec le tourisme est ici omniprésent (« touristes, tourisme, tours opérateurs »). Un second lexique concerne l'idée d'expansion (« croissance, succès »). Or, en raison de sa place prépondérante dans les économies locales, l’implication du séisme sur le tourisme a constitué une source de préoccupation localement pour les gouvernements et les habitants, internationalement pour les États et les associations humanitaires. En témoigne l'appel lancé par certains gouvernements moins de deux semaines après la catastrophe :

‘«Et en Inde comme en Thaïlande d'ailleurs, les autorités lancent des appels pour que les touristes reviennent car...euh...les économies locales, disent-ils, ont besoin...euh...justement de...de ces touristes»400.
« Toutes les associations vont s'efforcer de faire ainsi : se fournir, auprès des populations locales, pour réinjecter de l'argent dans ces économies sinistrées»401.
« Il faut penser maintenant à l'avenir de ces petites communautés sri lankaises, beaucoup pensent ici que pour que la vie redémarre, il faudra que les touristes reviennent, que les étrangers reviennent, pour qu’ils puissent consommer, que l’économie redémarre. C’est ainsi, pensent-ils, que la reconstruction des villages sera assurée »402. ’

Par deux fois, le journaliste Michel Scott utilise les verbes « revenir » et « redémarrer », exprimant ainsi la nécessité d'un renouveau du tourisme. Il emploi également le futur car c’est dans l’avenir qu’il faut maintenant envisager l’activité touristique, impossible dans le présent. TF1 diffuse ainsi des images mettant en scène ces « paradis touristiques » tels qu’ils étaient avant la catastrophe :

Figure 70
Figure 70

20:19:33:31

Figure 71
Figure 71

20:19:56:13

Les éléments clefs dans ce paysage sont une eau turquoise, un sable blanc, des activités ludiques telles que la plongée. Les plages sont bondées de touristes et ces images sont une manière de mesurer l’impact du tsunami. En effet, les images de dévastation sont souvent sombres, alors que les images plus haut (figures 70 et 71), diffusées le 26 décembre 2004, sont lumineuses et claires. « Enfin sur cette île paradisiaque on commence à comprendre aujourd'hui, que tout va changer, qu'on ne pourra plus vivre, et pour longtemps du tourisme... »403. Il y a donc une contradiction entre la gravité du tsunami, sa dimension violente, douloureuse et le caractère presque futile de l’activité touristique qui n’est pas douloureuse mais plutôt synonyme de détente.

Le rôle du tourisme nous informe également sur la place que tiennent ces pays sur l'échiquier mondial. C’est ainsi par exemple que sont évoquées les multiples facettes du tourisme, à la fois lié aux vacances et à la médecine : « L'île de Phuket est particulièrement bien équipée en hôpitaux et en cliniques, c'est même l'un des centres de ce que l'on appelle le tourisme médical. On vient du monde entier se faire soigner ici à bas prix »404.Les deux facettes du tourisme que nous venons d’évoquer sont donc en partie dues aux prix attractifs pour les étrangers qui semblent venir dans cette zone en masse. Ce sont des lieux identifiés comme « bon marché », or cela rappelle que beaucoup des pays touchés sont souvent utilisés pour les délocalisations d’entreprises occidentales afin de réduire leurs coûts. Le sous-développement de l’environnement et sa dégradation déjà avancée, souvent dus aux constructions touristiques et aux exploitations destinées à l'exportation, sont présentés comme des facteurs aggravants de la catastrophe.

Notes
395.

Lancement du sujet n°10 de Marine JACQUEMIN, diffusé le 23 janvier 2005.

396.

Lancement du sujet n°11 de Stéphanie LEBRUN, diffusé le 23 janvier 2005.

397.

Duplex d’Anthony DUFOUR depuis la Thaïlande, diffusé le 26 décembre 2005.

398.

Commentaire d'Éric BOURBOTTE, sujet n°14 diffusé le 29 décembre 2004.

399.

Sujet n°9 de Sylvain ROLAND, diffusé le 26 décembre 2004.

400.

Brève du 4 janvier 2005, après le sujet n°5.

401.

Sujet n°16 de Claire WAMBERGUE diffusé le 4 janvier 2005.

402.

Sujet n°8 de Michel SCOTT diffusé le 5 janvier 2005.

403.

Sujet n°1 d’Anthony DUFOUR, diffusé le 28 décembre 2004.

404.

Duplex d’Anthony DUFOUR depuis Phuket en Thaïlande, diffusé le 27 décembre 2004.