La focalisation sur certains pays s'instaure assez vite, dès le premier sujet du 26 décembre 2004. Elle est justifiée, dans le discours de la chaîne, par les conséquences de la catastrophe : la priorité est donnée aux pays « les plus touchés », les pays « de toute la région » d'Asie du Sud-Est. Dès le premier jour, le journal se concentre donc sur certaines zones en particulier. D'ailleurs, et nous l'avions déjà précisé, non seulement l'événement est qualifié de « tsunami en Asie du Sud-Est » ou de « tsunami en Asie du Sud » pendant toute la couverture de TF1 mais en plus, les journalistes principaux sont dépêchés en Indonésie, en Inde, au Sri Lanka, en Thaïlande, et aux Maldives. En effet, les espaces géographiques sont eux aussi touchés. Les villes et les réseaux de communication sont altérés et c’est l’organisation sociale qui en est affectée. Nous avons remarqué que l'espace médiatisé de la catastrophe se focalise sur certaines grandes villes, notamment les capitales : Colombo, Galle, Lokeshmo au Sri Lanka. Madras et New Delhi en Inde. Bangkok pour la Thaïlande et Malé pour les Maldives. Les villes où se trouvent les journalistes sont toujours localisées en fonction de leur distance avec l'épicentre du séisme ou avec les grandes villes, par ailleurs notées sur les infographies et citées dans le discours :
‘« Nous sommes sur la côte sud du Sri Lanka à une centaines de kilomètres au dessus de Colombo la capitale et à plus de 1600 kilomètres à l'ouest de l'épicentre du séisme»410.À deux jours d'écart, les journalistes Isabelle Marie et Nicolas Escoulan, respectivement envoyés au Sri Lanka et en Indonésie, précisent leur localisation géographique par les mêmes termes « à une centaine de kilomètres ». Ils se situent donc en fonction de points précis qui sont la capitale sri lankaise, « Colombo » et les « zones les plus dévastées ». Il s'agit donc de se situer par rapport à des points névralgiques de la catastrophe.
Indiquer l’emplacement de ces villes les unes par rapport aux autres et par rapport à l'épicentre du séisme est une façon de marquer l'étendue de la catastrophe. La concentration particulière sur certaines grandes villes est aussi liée au fait qu'elles sont des espaces bouleversés par la catastrophe et où les différents groupes d'acteurs (victimes, politiques, associations humanitaires) sont en prise avec les conséquences de celle-ci. L'énonciation des distances « à x kilomètres de » ou des positions géographiques l'une part rapport à l'autre («au nord ») rappelle l'épreuve politique que constitue la catastrophe, en particulier lorsque l'on précise qu'une ville est « la capitale ».
‘« Même fuite en avant à Aceh, la capitale de la province aux 4 millions d'habitants»412.’Au fur et à mesure du développement de la couverture médiatique, l'espace du tsunami se construit. Certains lieux ou certaines villes finissent donc par symboliser, à eux seuls, la catastrophe du 26 décembre 2004. Banda Aceh (Indonésie), Sumatra (Indonésie), Nagappattinam (Inde) sont ainsi aujourd'hui, près de cinq ans après le drame, complètement associés au tsunami alors qu'ils étaient souvent moins connus auparavant. C’est ainsi, par exemple, que dans un reportage diffusé le 4 janvier 2005 et tourné dans une école primaire de la Courneuve près de Paris, un enfant se tient devant une carte du monde et pointe du doigt la zone touchée par le tsunami. Deux autres écoliers citent des lieux vus à la télévision : « "ça s'est ressenti jusqu'à Phuket et le Sri Lanka", "A Phi Phi island (Thaïlande) »413. La journaliste Bénédicte Delfaut souligne l’impact qu’ont eu les images sur les enfants : « La plupart ont compris que le raz de marée s'est déroulé à 10 000km de là, parfois même avec une précision géographique étonnante »414.Ces lieux incarnent la catastrophe, comme la ville italienne de Pompéi incarne l'éruption du Vésuve ou Tchernobyl, l'accident nucléaire du 26 avril 1986. A l'inverse, d'autres lieux étaient connus des occidentaux par rapport à des références précises. En effet, de nombreux lieux sont identifiés en fonction de références particulières : ce sont des lieux touristiques (Phuket en Thaïlande) ou des lieux fréquents de tournage de films (à nouveau Phuket en Thaïlande415).
D'un autre côté, une géographie se dessine avec l'énumération des pays indirectement touchés, dont la France fait partie. Cette géographie donne l'image d'un tsunami véritablement mondial :
‘« […] On estime avec certitude, que 44 Suédois sont morts, peut-être 1000 avec les disparus. 33 ressortissants Allemands ont été identifiés parmi les victimes. 28 Britanniques, sont également décédés. En France enfin, le bilan est de 22 morts, 244 blessés et 560 disparus. On reste sans nouvelles de milliers d'européens recensés comme disparus, dont la plupart son vraisemblablement, perdus, à jamais»416.’Le tsunami a eu lieu en Asie du Sud-Est mais ses frontières sont, en réalité, plus larges puisque les victimes sont aussi allemandes, anglaises, suédoises, ou encore françaises.
Sujet n°2 d'Isabelle MARIE, diffusé le 26 décembre 2004.
Duplex de Nicolas ESCOULAN depuis Langsa (Indonésie), diffusé le 28 décembre 2004.
Sujet n°3 de Cyril AUFFRET, diffusé le 27 décembre 2004.
Sujet n°19 de Bénédicte DELFAUT, diffusé le 4 janvier 2005.
Ibid.
Phuket a par exemple été le lieu de tournage du film « La Plage », du réalisateur britannique Danny Boyle.
Sujet n°17 de Marion Gauthier, diffusé le 30 décembre 2004.