D'après notre analyse, une triple géographie du tsunami se construit dans le discours de TF1 : une géographie réelle, une géographie symbolique et une géographie imaginaire. La géographie réelle, nous l’avons vu, est marquée par les stigmates de la catastrophe, que TF1 montre constamment dans les images. La géographie symbolique est constituée des espaces qui n’ont pas été physiquement touchés par le tsunami, mais qui, dans la représentation qui en est faite, participent de l’événement. C’est une géographie qui s’appuie sur la représentation et le savoir que TF1 diffuse. En effet, de nombreux lieux prennent une fonction différente car ils deviennent des lieux de refuge ou d’entraide. De nombreux temples sont ainsi utilisés comme lieux de refuge, c’est politiquement symbolique que d’investir ces lieux de culte, de religion pour leur donner la signification d’un lieu de protection. Certains lieux de refuge sont excentrés puisqu’ils sont situés en France : des institutions comme les mairies ou les aéroports par exemple. « L’aéroport, réceptacle des histoires douloureuses mais aussi lieu des derniers espoirs »465. Un autre exemple est donné à Lorient où le palais des congrès devient un « entrepôt de fortune »466. La représentation de l’espace donne à voir de nombreux lieux dessinant donc une géographie réelle d'un côté et une géographie symbolique de l'autre. Il s'agit des lieux détruits, des lieux de mort, de répit, de reprise de la vie ou de sauvetage. Les aéroports sont donc très présents à l’image, de même que les individus inquiets en quête de nouvelles. Les plans suivants diffusés le 1er janvier 2005, en témoignent :
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Ce premier plan montre trois personnes, un homme et deux femmes, qui attendent visiblement des nouvelles. L’homme est de dos mais il semble que les deux femmes soient en train de le réconforter. L’un d’entre elles pose sa main sur son bras tandis que l’autre semble esquisser un mouvement dans sa direction, comme si elle allait le prendre dans ses bras. Les visages sont fermés, on ressent leur angoisse.
Les trois plans suivant (figures 75 à 77) montrent un père de famille qui attend des nouvelles de sa fille. Il est à l’aéroport. Le premier plan le montre de dos, on aperçoit un panneau indiquant la zone d’arrivée des vols. Le second plan le montre de côté. Son regard se dirige vers l’horizon, comme s’il cherchait désespérément un indice ou une information. Le dernier plan le montre toujours aussi inquiet. Il est alors en pleine conversation téléphonique, probablement pourobtenir des renseignements. Dans la main gauche, il tient un morceau de papier un peu froissé. Il y a certainement inscrit les numéros de téléphone nécessaires. L’aéroport est devenu pour lui à la fois un lieu d’attente et un lieu d’action.
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La troisième forme de géographie est imaginaire. Elle ne se fonde pas sur le réel ni sur le savoir mais sur les rêves, les fantasmes et les utopies. Nous en avons relevé deux exemples dans notre corpus. La première concerne la représentation d’un clivage Nord-Sud et d’une forme de « supériorité du Nord » par rapport au Sud. La seconde s’inscrit dans l’image véhiculée par la chaîne à propos des pays touchés par la catastrophe. Une partie d’entre eux, notamment la Thaïlande, sont avant tout assimilés au tourisme. La description qui est faite de ces lieux de villégiature est souvent liée à l’idée de sublime. Ils sont souvent qualifiés et représentés comme des petits « paradis ». La description de ces lieux après le passage du tsunami, en revanche, bascule complètement. Dans le discours des journalistes ou des témoins, les paysages sont comparés à un « enfer ». Cette opposition paradis-enfer relève elle-même de l’imaginaire.
Sujet n°12 de Claire WAMBERGUE, diffusé le 1er janvier 2005.
Sujet n° 23 de Romain BOLZINGER, diffusé le 29 décembre 2004.