Chapitre 12
Les instances politiques

Une autre catégorie d'acteurs occupe une place de choix dans le discours de TF1 : les figures politiques. Nous entendons par instances politiques les institutions nationales ou internationales, politiques ou financières, les partis politiques, les entités internationales telle que l'Europe, ou encore des acteurs politiques comme les armées, les représentants de gouvernements avec comme principales figures les chefs d'États comme George W. Bush pour les États-Unis ou Jacques Chirac pour la France. Les identités politiques se mettent en scène à travers un discours et dans des formes de visibilité. Les personnalités politiques ont un double rôle qui consiste à agir pour juguler la crise et à rassurer les populations. Au sein du discours médiatique se distinguent des discours rapportés, censés appuyer, étayer, illustrer ou crédibiliser l'information, comme dans le cadre des discours officiels. Les journalistes s’appuient sur les données des autorités en vigueur, qu’elles soient scientifiques ou gouvernementales. « Selon » ou « d’après » sont alors des prépositions qui montrent que le discours cité est énoncé par un acteur politique. Les journalistes évoquent ainsi, par exemple, des chiffres, des mesures ou des décisions émanant des gouvernements ou de leurs membres :

‘« Selon les autorités...»592.
« Selon le quai d'Orsay...»593.
« Selon Michel Barnier...»594.
« Selon le ministère local de l'intérieur...»595.
« Selon un diplomate norvégien... »596.
«Selon Renaud Muselier secrétaire d'état aux affaires étrangères»597.’

Selon Patrick Charaudeau, «L’énonciateur homme politique doit se construire un ethos de conviction, d’autorité, de puissance, voire de séduction […] L’énonciateur journaliste, lui, en principe, ne devrait être préoccupé que par sa crédibilité aux yeux de son lecteur en se construisant un ethos de savoir». Et d'ajouter qu'en raison de la concurrence, « son discours passe d’une visée de « faire savoir » à une visée de « faire penser »»598. L'ethos correspond, dans la rhétorique, à l'image que le locuteur transmet dans son discours. Le but étant de se rendre crédible auprès d'un auditoire. Or le lexique, en majorité des verbes, employé par TF1 pour définir l'action des politiques confirme cette approche dans le sens où les journalistes contribuent à la construction d'un ethos de conviction, « assure, confirme», d'un ethos d’autorité « annoncer, répondre, avertir » et d’un ethos de puissance « recense[r], organiser, évaluer, coordonner, improvise[r], collecter, préparer » (« Nous allons organiser ici une cellule d'urgence pour coordonner cette action… »)599.Ces trois formes d’ethos participent à crédibiliser non seulement le discours mais également l’identité politique au sens où il s’agit de persuader. Dans la représentation qui est faite d'eux, les politiques sont là pour encadrer, ils représentent la force d'action qui saura gérer la situation. Or cela nous renvoie à la définition même du mot « politique » (en grec le mot politiké signifie « qui concerne la cité ») et au rôle dévolu aux différentes instances politiques dans l'espace public : faire en sorte que la catastrophe perturbe le moins possible le fonctionnement des sociétés. La représentation symbolique des acteurs politiques, locaux et internationaux, permet de rationaliser la catastrophe, en particulier dans la mesure où les différents discours se rejoignent et s’accordent dans une sorte de consensus.

Ce discours du média nous pousse à une réflexion sur les relations entre le média et la sphère politique dans la mesure où la situation critique liée au tsunami, renforce le rôle du média en tant que diffuseur du discours politique. Nous pourrions rappeler la figure créée par George W. Bush et Rudolph Giuliani (maire de New-York) après les attentats du 11 septembre 2001. Tous deux étaient presque devenus des héros nationaux, parce qu'ils entendaient remettre de l'ordre, protéger la société américaine et combattre l'ennemi, en l'occurrence Al-Qaida. L'événement a permis de donner une dimension nouvelle au président fraîchement élu, en l'autorisant à se comporter en véritable « chef de la nation ».

Le tsunami est donc un exemple d'événement qui suscite débats et interrogations. Le média propose en effet une représentation des pouvoirs impliqués, qu'ils soient locaux, internationaux ou associatifs. Or cette représentation pèse lourd dans la construction de leur identité car elle influence l’opinion publique. Ainsi notre étude souhaite t-elle analyser le discours de la chaîne sur l'action des différents États afin de voir si celui-ci propose une véritable analyse du fait politique ou simplement une sorte de compte-rendu des faits (associable avant tout, selon nous, à un acte de communication).

Notes
592.

Sujet n°12 d'Eric BOURBOTTE, diffusé le 27 décembre 2004.

593.

Sujet n°1 d'Anthony DUFOUR, diffusé le 28 décembre 2004.

594.

Sujet n°1 de Fabrice COLLARO, diffusé le 30 décembre 2004.

595.

Sujet n°3 de Laurent DELSOL, diffusé le 28 décembre 2004.

596.

Sujet n°14 de Lillan PURDOM, diffusé le 30 décembre 2004.

597.

Sujet n°1 de Nicolas ESCOULAN, diffusé le 2 janvier 2005.

598.

CHARAUDEAU (Patrick), « Discours journalistique et positionnements énonciatifs. Frontières et dérives », Semen, 22, Énonciation et responsabilité dans les médias, 2006, [En ligne], mis en ligne le 1 mai 2007. URL :  http://semen.revues.org/document2793.html .

599.

Propos tenus par Philippe DOUSTE-BLAZY. Sujet n°22 de Stéphanie LEBRUN, diffusé le 30 décembre 2004.