12.2 Pouvoirs et acteurs politiques des pays tiers

Les acteurs politiques s'activent donc en France mais également dans le reste du monde. Or cette action est d'une importance primordiale en période de crise. Pourtant, les engagements d'hommes politiques occidentaux ne sont signalés, pour la plupart, que dans de courtes brèves et peu de pays sont finalement cités. En ce qui concerne la Grande-Bretagne, le Premier ministre n'apparaît qu'une seule fois dans une brève du 10 janvier 2005 pour annoncer le bilan anglais : « Pendant ce temps, en Grande Bretagne, Tony Blair annonçait que 450 britanniques étaient probablement morts en Asie, et le nombre de ressortissants suisses considérés comme disparus s'élève désormais à 280 et toujours 23 morts, tandis qu'en Belgique on dénombre six morts et 27 disparus »609. Aucune allusion n'est faite à des décisions politiques. C'est finalement dans deux espaces politiques collectifs, l'Union Européenne et les Nations Unies, que s'exprime une figure politique internationale. Ces deux organisations ont en effet travaillé de concert pour gérer la crise, en apportant une aide financière et humaine. Nous verrons, un peu plus loin dans ce chapitre, que le président de la République Jacques Chirac évoque la nécessité d’un travail commun entre l’Europe et les Nations Unies, dans son allocution du 31 décembre 2004610.

Le pouvoir politique américain trouve un espace d'exposition plus important que les autres pays occidentaux. Du côté des États-Unis, les figures désignées sont donc plus nombreuses : le président George W. Bush, le secrétaire d'Etat américain Colin Powell et l'ancien président Bill Clinton, devenu émissaire spécial des Nations Unies.

L'action des États-Unis n'est pas particulièrement abordée dans la première semaine de couverture, mais devient fréquemment citée dès la deuxième semaine, avec la tournée asiatique de Colin Powell : «J'ajoute que Colin Powell, le secrétaire d'Etat américain, doit se rendre en Thaïlande et puis en Indonésie avant de participer le 6 janvier prochain à une conférence internationale à Djakarta ». Cette remarque concernant le gouvernement américain ne fait l’objet que d'une brève le 2 janvier 2005. Par la suite, quelques réactions du secrétaire d'État seront transmises par la chaîne : «Colin Powell qui était dans la région dit n'avoir jamais rien vu de pareil dans sa vie »611, ainsi que les promesses d'action des États-Unis : «Il a inspecté aujourd'hui les opérations de secours dans l'île sinistrée de Phuket et a promis à la Thaïlande la coopération des États-Unis, pour la mise en place d'un système d'alerte »612. Les propos des acteurs politiques américains sont toujours rapportés par la chaîne : à aucun moment, ces personnalités n'interviennent directement. Ainsi, nous apprenons que le Président George W. Bush a « annoncé » une décision ou « chargé »613 l'un des membres de son administration d'agir sur le terrain.

D'un autre côté, la chaîne montre l’existence d’un espace public international en se faisant l'écho des critiques émises envers l'engagement des États-Unis dans la crise614. Ainsi les journalistes ou présentateurs rapportent des remarques telles que : « Aux États-Unis, la situation est un peu plus confuse, George Bush a d'abord annoncé une aide de 15 millions d'euros, puis sous la pression à la fois de son opinion et de la communauté internationale a promis d'en verser 26 ce soir »615, « Et du coup, face à la polémique, les États-Unis ont décidé de multiplier par huit, leur aide aux victimes du raz de marée »616, « Les États-Unis auraient été dans un premier temps très critiqués »617, « L'ONU avait dans un premier temps accusé le gouvernement américain de pingrerie, depuis le montant de l'aide est passé à 350 millions de dollars »618. Ces réflexions, émises par des tiers (« opinion, communauté internationale, l'ONU ») entachent quelque peu l'image d'un pays tout puissant. En effet, l’engagement est important puisqu’il permet d’asseoir l’identité politique en comparant les actions des acteurs politiques.

Toutefois, l'importante logistique américaine mise en place dans les jours et les semaines qui suivent la catastrophe ne passe pas inaperçue. L'enjeu que représente la zone pour la première puissance mondiale n'y est peut-être pas étranger : «L'Asie constitue un enjeu économique, géopolitique et géostratégique déterminant dans le rayonnement de l'hyperpuissance américaine du fait à la fois de son importance dans les équilibres mondiaux et des liens d'interdépendances multiformes tissés depuis un demi-siècle. […] les États-Unis souhaitent garder une forte influence sur tout le continent à travers le blocage de toute initiative de coopération régionale leur échappant et pouvant renforcer l'affirmation d'une plus large autonomie du continent »619. Cette approche stratégique des Américains n'est soulignée clairement que deux fois dans notre corpus, le 6 janvier 2005 : « Les Américains, qui souhaitent notamment en aidant les Indonésiens, se faire mieux apprécier de ces régions qui leur ont manifesté leur hostilité, au moment de la guerre d'Irak »620, « Mais voilà selon Colin Powell, un moyen efficace de lutter contre le sentiment anti-américain qui alimente l'activité terroriste »621. En revanche, aucune allusion n'est faite concernant la volonté des États-Unis de conserver leur influence. Ici, ce sont les attentats du 11 septembre 2001 qui permettent de légitimer, selon TF1, l'engagement des Américains en Asie. La guerre d'Irak fut justifiée par l'activité terroriste anti-américaine mais provoqua un tollé auprès des opinions publiques, notamment dans cette région du monde. De fait, il s’agirait pour les Etats-Unis de faire oublier à ces pays l’image véhiculée sur eux par la guerre d’Irak.

Notes
609.

Brève du 10 janvier 2005.

610.

La journaliste Laurence Ferrari reprend d’ailleurs les propos du Président après son allocution et souligne : « Le Président propose également à l'Europe, aux Nations Unies la création d'une FORCE humanitaire de réaction rapide… ».

611.

Ouverture du journal le 5 janvier 2005.

612.

Brève n°23 diffusée le 4 janvier 2005.

613.

Ouverture du 3 janvier 2005.

614.

Rappelons que le pays compte cinquante-trois victimes, d'après le tableau présenté en annexes.

615.

Sujet n°18 de Florence LEENKNEGT, diffusé le 31 décembre 2004.

616.

Brève diffusée le 31 décembre 2004.

617.

Ouverture du journal du 3 janvier 2005.

618.

Brève n°19 du 3 janvier 2005.

619.

CARROUE, COLLET (2007), op.cit., p.112

620.

Lancement du sujet n°5 de Sylvie PINATEL, diffusé le 6 janvier 2005.

621.

Ibid.