Parfois critiquée dans le discours des victimes, l’action des armées trouve quelques « circonstances atténuantes » dans celui de TF1, en tout cas s'agissant des armées occidentales. Dans les premiers jours de couverture, les difficultés des armées locales sont remarquées par les journalistes qui expliquent, par elles, l’intervention armée de l’occident. C'est le cas de l'armée indienne («Et voici l'armée. "On […] Elle vient à peine d'arriver dans le village. Trois jours après le raz de marée Trois jours trop tard... »)631ou de l'armée indonésienne (« Un véhicule de l'armée finira par arriver. Un peu tard, aux yeux des sauveteurs de Dubaï, qui depuis deux jours, se débattent seuls, face au chaos, de Banda Aceh »). En raison de la situation d'urgence - et de la lenteur des armées locales? - les armées internationales sont rapidement mobilisées pour venir en aide aux populations frappées, parfois dans des proportions importantes, voire extraordinaires : «Washington, déploie 13000 soldats et une vingtaine de bâtiments de marine. La France 1000 hommes, deux navires et un avion patrouilleur. Le Japon, 8000 hommes »632, « L'armée japonaise qui va déployer un millier de soldats en Indonésie, il s'agit du plus important contingent militaire jamais mobilisé depuis la Seconde Guerre Mondiale »633. Cet extrait est intéressant car il propose une série de chiffres qui permet d’évaluer l’aide mobilisée. Les chiffres les plus importants concernent les armées internationales, celle des Etats-Unis en l’occurrence. Dans les semaines qui suivent le drame, il semble que les armées locales soient plus efficaces: «De son côté l'armée indonésienne a décidé d'envoyer plusieurs milliers de soldats supplémentaires euh portant son contingent à 50 000 hommes »634, « Des militaires indonésiens sont là pour éviter toute bousculade »635. Au Sri Lanka en revanche, les tensions sont déjà ravivées et empêchent l'aide humanitaire d'affluer : «La plaie béante du tsunami, les 35 000 morts n'ont pourtant pas effacé la peur entre les deux communautés. Comme si rien ne s'était passé, l'armée cinghalaise contrôle tout »636.
Les armées occidentales sont donc, selon TF1, plus que jamais nécessaires, même si certains gouvernements ne sont pas enclins à les laisser s'installer. Les interventions les plus couvertes par TF1 sont celles de l'armée américaine et de l'armée française : «Depuis le 1 er janvier, les États-Unis ont déployé ici des moyens colossaux. 13 000 militaires, 560 000 tonnes d'aide humanitaire distribuée »637, « Plus d'une centaine de militaires français du 3 ème régiment de combat ont enfin posé leurs rangers sur le sol indonésien »638. Deux événements importants sont couverts dans le déploiement de l'opération française : l'arrivée du porte-hélicoptères « la Jeanne D'Arc », bâtiment relativement ancien qui a fait l'objet de deux sujets « La Jeanne, achemine 4 tonnes et demi de médicaments. Des tentes, des groupes électrogènes, 80 000 litres d'eau. Et surtout, ces 6 hélicoptères, deux pumas, deux gazelles, deux alouettes »639, ainsi que l'opération Beryx «du nom d'un poisson de l'océan Indien »640, mise en place à partir du 14 janvier 2005, soit trois semaines après le passage du tsunami. D'après Patrick Poivre d'Arvor, l'arrivée du porte-hélicoptères serait jugée « tardive aux yeux de certains » (l’identité de ces « certains » n'est pas révélée). Il s'agit donc d'une simple allusion qui n'est pas développée par la chaîne, qui ne précise pas l'identité des dénonciateurs. Les objectifs du camp français sont de transporter des personnes et du fret, de participer aux soins médicaux et de faciliter les travaux de génie civil. Les opérations américaines, elles aussi, sont dépeintes comme impressionnantes : «les troupes américaines participent à une gigantesque opération humanitaire pour venir en aide aux sinistrés »641.
L'engagement des armées est donc très présent à l'écran puisque la résolution de la crise passe en grande partie par elles, sans doute cela renforce t-il le caractère narratif de l’information télévisée, en la rattachant à la culture des films de guerre. L'image des armées, avant tout liée à la guerre, instaure une sorte de parallèle entre la situation actuelle et les situations vécues lors de conflits. Le tsunami implique la mise en œuvre d’une stratégie et d’un ensemble d’opérations militaires qui renvoient à la thématique de la violence et plus largement à celle de la guerre. La représentation iconographique des armées par TF1 montre les militaires des différentes armées, locales et occidentales, en pleine action. Mais elle montre également, plus marginalement, des images des membres des milices ou de rebelles, à travers la figure des rebelles tamouls. Généralement la différence entre les armées venues aider et les rebelles s'observent immédiatement dans les postures adoptées. Les armées des pays tiers sont dans un mouvement d'urgence et de soutien alors que les rebelles sont plus souvent cantonnés à leur rôle d'opposants. Ils sont actifs mais dans un autre but : aux frontières de la zone tamoule au nord et à l'est du Sri Lanka, ils forment des barrages et contrôlent les passages. Par ailleurs, les armées des pays tiers voient leurs moyens d'actions mis en avant : cartons, hélicoptères, avions, camions. Prenons l'exemple d'un sujet diffusé le 11 janvier 2005 à propos de l'aide des marines américains. Un premier plan (figure 113) montre un tracteur sur une route. Il transporte des cartons visibles à l'avant. En arrière-plan, on distingue le paysage dévasté.
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Un second plan filme, depuis le sol, trois hélicoptères de l'armée américaine en vol. Ils sont relativement proches les uns des autres et se dirigent dans le sens de la caméra, comme s'ils arrivaient sur les lieux. Cette vision en contre-plongée donne de l'ampleur aux hélicoptères et permet de mettre en avant la puissance de l'armée américaine venue aider les populations avec des moyens importants.
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Un troisième plan d'ensemble (figure 115) montre un avion posé à terre. Une foule d'autochtones s'est précipitée à l'arrière. On ne distingue pas encore ce qu'ils sont venus chercher mais on suppose qu'il s'agit de vivres. L'image ne se focalise pas sur une personne en particulier et les membres de l'armée ne sont pas visibles ici. Ce sont les sinistrés qui sont mis en avant et l'image transcrit l'idée qu'une foule importante est dans le besoin.
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Un quatrième plan renforce ce sentiment puisque la caméra filme depuis l'intérieur de l'avion. Sur le côté droit, on aperçoit un militaire qui passe les cartons à des sinistrés situés à l'extérieur. La prise de vue met en scène un rapport d'inégalité, une forme de « domination » de la part de cet homme sur les autochtones. À l'écran, il est en effet beaucoup plus imposant, plus grand. Le mouvement de son corps (il a une jambe en avant) donne l'impression que c'est lui qui détient le « pouvoir » puisque c'est lui qui va vers eux et qui se penche vers eux. Ils sont en position de demandeurs. Enfin, les sinistrés se trouvent en arrière-plan et on ne les distingue que très peu. Ils sont montrés comme une foule anonyme, face à l’identité du soldat qui, elle, s’exprime.
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Les membres des armées mobilisées sont généralement filmés de loin, avec bien souvent, des hommes en action du côté des forces internationales et des représentations parfois plus statiques voire quasi inexistantes pour les armées asiatiques, comme en attestent les propos des journalistes. Lorsque c'est le cas, ces derniers sont alors montrées au niveau des barrages, ou marchant dans les décombres. Cette image renforce le sentiment de chaos et l'immensité de la tâche qui incombe aux secouristes. Seuls les soldats interviewés par TF1 sont filmés en gros plan, dans leur cadre de travail, sur terre, en mer ou dans les airs.
Du côté des armées internationales, les symboles tels que les avions, les navires de guerre ou les hélicoptères que l'on observe en mouvement ou en train d'être remplis de colis et de vivres, renforcent l'idée d'une action plus concrète, plus rapide, plus efficace. Ces images là sont d'ailleurs bien plus présentes à l'écran, et pas seulement dans les commentaires des journalistes.
Sujet n°64 diffusé le 29 décembre 2004.
Sujet n°1 d'Olivier RAVANELLO, diffusé le 6 janvier 2005.
Brève n°14 diffusée le 8 janvier 2005.
Sujet n°2 diffusé le 13 janvier 2005.
Sujet n°1 diffusé le 12 janvier 2005.
Sujet n°2 diffusé le 12 janvier 2005.
Sujet n°1 diffusé le 12 janvier 2005.
Sujet n°2 diffusé le 12 janvier 2005.
Sujet n°1 diffusé le 13 janvier 2005.
Sujet n°5 diffusé le 11 janvier 2005.
Sujet n°1 diffusé le 12 janvier 2005.