Partie IV. Instance esthétique et instance de la mémoire

Chapitre 15
Représentation et esthétique du tsunami

Comme toute représentation de l’événement dans l’espace public, la représentation du tsunami comporte une dimension politique de l’information et en une dimension esthétique. La représentation esthétique passe par les images et la langue. Or la représentation prend des formes variées, à travers le débit intense d'images diffusées, souvent en boucle, tout au long de la couverture. Il s’agit d’images, de représentations de bribes de réalité, qui viennent faire violence au spectateur, le marquer plus ou moins profondément, mais ces images lui permettent de se figurer l'événement, son déroulement, ses conséquences, ses victimes. Pour autant, ce qu'il regarde lui permet-il vraiment de voir ? Ces images, souvent identiques, soit qu'elles soient réutilisées ou qu’elles soient simplement de même nature, permettent-elles au spectateur de saisir le problème dans son ensemble ? Et d'ailleurs, quel type d'images la chaîne utilise t-elle pour présenter l'événement ? Qu'est-ce qui fait la différence entre les images du tsunami et celles d'une autre catastrophe ? Nous avons analysé sur l'ensemble de notre corpus les différentes thématiques illustrées par les images, observé les types de plans utilisés. En complémentarité avec le langage, ces images contribuent à une dramatisation, à un effet de spectacularisation.

Nous avons relevé quatre types de représentations iconiques : d’abord, les images filmées, par TF1, les télévisions étrangères, les vidéastes amateurs, les extraits de films ou les images d'archives. Ensuite, les animations ou les pictogrammes préparés par les infographistes776 de la chaîne pour illustrer les propos scientifiques, images lues autant que regardées. Par ailleurs, les photographies. Enfin, les infographies qui comportent les cartes géographiques ou des données d'illustration. Rares sont les sujets pour lesquels nous ne relevons pas au moins l'un des quatre types, et il s'agit en général de brèves très courtes, au total huit sur l'ensemble de notre corpus, présentant des discours rapportés, des compléments d'information ou des bilans. Toutes ces images jouent un rôle capital dans la dimension accordée à l'événement par TF1.

La mise en scène de TF1 met en avant des thèmes bien précis et souvent répétitifs : les victimes (autochtones, touristes) mortes, blessées ou en situation (courant, fuyant, se lamentant, pleurant, criant, mangeant, fouillant, priant, se masquant le visage), la mort (listes des décédés, fosses communes, tombes, cercueils, enterrements, crémation ou cérémonies), les figures de l'autorité (l'armée, les acteurs politiques, les membres d'associations ou d'ONG, les scientifiques), les stigmates de la catastrophe (les vagues, l'eau boueuse, les paysages, les habitations, les objets dans l'eau, les bateaux, les rues et les plages), la solidarité et la notion de survie (hôpitaux, écoles, lieux de culte, aéroports, avions, hélicoptères, pelleteuses, téléphone, internet, télévision, entraide, désinfection, colis). Sur le plan de la langue, plusieurs niveaux sont utilisés par la chaîne : il y a le niveau journalistique, le niveau populaire et le niveau scientifique.

Notes
776.

L'infographie est une science de l'image numérique désignant les graphiques produits par ordinateur, véritables supports de communication visuelle.