16.1.2 Les commémorations : création d’une mémoire télévisuelle du tsunami

Les commémorations permettent une médiation politique du temps puisqu’elles scandent le temps politique, temps commun dans l’espace public. Quatre anniversaires de la tragédie du tsunami sont fêtés dans le cadre de notre corpus. Ces commémorations participent à l’élaboration d’une mémoire de la catastrophe. En 2005, 2006 et 2007, TF1 propose des reportages pour évoquer les cérémonies. En 2008, il ne s’agit déjà que d’une brève en images. Les sujets de 2005 et 2006 se concentrent sur les pays physiquement frappés alors qu’en 2007, le sujet aborde la mise en place d’une association française. Ces reportages sont également l’occasion de faire un point sur les dons et les reconstructions. Les commémorations sont une combinaison de silence et d’union. Plusieurs jours avant le premier anniversaire de la catastrophe, TF1 présente des reportages concernant les commémorations à venir. Le 18 décembre 2005, une brève présente un hommage rendu en France : « Un hommage a été rendu à l'église de la Madeleine à Paris aux victimes françaises du tsunami survenu il y a presque un an. 350 personnes ont assisté à une cérémonie interreligieuse en présence du ministre des affaires étrangères et des ambassadeurs des 43 pays ayant perdu des ressortissants dans le raz de marée ». Cette cérémonie officielle est centrée sur la France (« Paris, victimes françaises »). Cette brève est suivie par un reportage sur une mère française, Elizabeth Zana, qui après avoir perdu sa fille Natacha, a créé une association à Phuket, en Thaïlande. Les reportages montrent des images de cérémonies en Thaïlande, l’un des pays où la majorité de touristes sont morts.

Les commémorations jouent sur une double temporalité : le temps court des cérémonies et le temps long de l’événement qui se traduit, notamment, par des reconstructions longues. Les commentaires et les images d’archives permettent à TF1 de mettre en avant les éventuels progrès et changements effectués depuis le moment de la catastrophe. C’est la preuve que le média s’est intéressé et continue de s’intéresser à l’événement, même si « l’usure » de ce dernier est évident (diminution du nombre de sujets consacrés, diffusion de brèves plutôt que de reportages). Pour Paul Ricœur, les commémorations « scellent le souvenir incomplet et sa doublure d’oubli »828. En somme, elles montrent que l’événement est déjà dans une phase d’oubli.

Il est cependant un second point que nous souhaiterions rappeler ici, car nous l’avons abordé dans notre chapitre 1. Il s’agit du processus de dénomination de l’événement. Nous pensons, en effet, que celui-ci participe à l’élaboration d’une mémoire télévisuelle de l’événement. L’intégration progressive du xénisme « tsunami » et le recours, en parallèle au terme « raz-de-marée » dans le discours de TF1, contribuent à la construction de l’événement en l’inscrivant dans la mémoire du média et en l’y situant par rapport à d’autres.

Notes
828.

RICOEUR (Paul) (2000), La mémoire, l’histoire, l’oubli, Paris, Seuil, p.583.