16.3 Les déformations et les altérations de la mémoire

Le 24 avril 2005, TF1 propose un sujet consacré à un phénomène assez particulier organisé quatre mois après la catastrophe. Il s'agit du « Tsunami Tour », sorte de voyage organisé sur les lieux de la catastrophe, exemple selon le présentateur, d'un « tourisme d'un nouveau genre» ou d'une « expédition un peu particulière » selon la journaliste. La journaliste décrit le voyage effectué par des touristes sur les ruines. Il est assez étrange de voir ces touristes portant des chapeaux, avec leurs appareils photos, dans des ruines où quelques semaines auparavant des rescapés se battaient pour survivre. Le spectateur se trouve alors au milieu des touristes, dans le bus (figure 181).

Figure 181
Figure 181

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« Ils ont passé toute la nuit dans le bus. Quatorze heures de route, pour venir de Bangkok. Ils n'ont pas payé cher : 50€ pour trois jours. C'est une agence de voyage thaïlandaise qui a eu l'idée d'organiser, chaque mois, cette expédition un peu particulière : le tsunami tour». La guide dit à ces touristes que « si l'on s'approche un peu plus des ruines vous pourrez mieux voir, vous pourrez alors raconter à vos enfants, que vous avez vu la force du tsunami», ce qui donne à cette visite de trois heures l'aspect d'un voyage-spectacle. La journaliste explique ensuite que le tour fait des haltes dans les lieux symboliques (figure 182) : «Premier arrêt, la baie de Khao Lak, l'endroit le plus touché par le tsunami. Ici s'élevaient, deux hôtels 5 étoiles […] ». Les touristes s’arrêtent pour prier (figure 183).

Figure 182
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Figure 183
Figure 183

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Figure 184
Figure 184

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A l'écran (figure 184), l'on aperçoit un homme au centre de l'image. Sur le premier plan, à gauche, une femme est de dos, elle tient un appareil photo entre les mains et photographie l'homme dans les ruines.

‘« Deuxième arrêt, pour contempler l'une des images les plus connues en Thaïlande, ce bateau de pêche […].’
Figure 185
Figure 185

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En arrière plan de cette image» (figure 185), l'on voit le bateau, échoué près d'un bâtiment. Au premier plan se trouvent quelques touristes. Ils sont de dos car ils observent la scène. Leur position donneune dimension encore plus grande à ce bateau et favorise l'impression d'étrangeté. On imagine alors la force de l'eau qui a emporté ce bateau jusque dans les terres.

« Après les courses, derniers arrêt, au temple de Yanjao, transformé en morgue. Ici sont entreposés un millier de corps, toujours pas identifiés». (figure 187)’
Figure 186
Figure 186

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L'un des derniers plans filme le bus sur le départ (figure 188). Les ruines sont omniprésentes au premier plan alors que le bus apparaît en arrière-plan.

Figure 187
Figure 187

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Figure 188
Figure 188

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Au-delà de la récupération purement économique du tsunami, ces images surprenantes montrent qu'une mémoire de l'événement est en pleine construction. Les étapes de la visite sont quasiment devenues des lieux de mémoire où le temps s'est arrêté. Les hôtels ne sont plus, le bateau n'a pas bougé, il est resté à l'intérieur des terres, la morgue improvisée dans un temple est toujours là. Comme le précise la journaliste, ce « Tsunami Tour » est organisé de manière régulière, « tous les mois lors de chaque date anniversaire de la catastrophe», ce qui lui confère encore un peu plus l'aspect d'une cérémonie mémorielle.