Avant de nous pencher sur le téléfilm « Tsunami : les conséquences », examinons la place de la fiction dans le discours de TF1. Nous souhaitons donc mettre en parallèle le discours de TF1, dont la diffusion se limite à la France et celui du téléfilm dont la portée fut française et internationale. Dans l’un des reportages diffusés, TF1 utilise les extraits d’une fiction étrangère. Pourquoi prendre des images d’un film américain le premier jour de la couverture, si ce n’est dans l’optique de mettre en parallèle le monde réel et celui de l’imaginaire. Si ce n’est pour mettre en avant l’ampleur de ce tsunami qui est réel ? Si ce n’est pour montrer que l’être humain se soucie de telles catastrophes potentielles ?
Dans la mise en scène de son information sur le tsunami, TF1 se situe parfois à la frontière entre information et fiction. Nous avons évoqué dans le chapitre 13 sur les victimes, l’apparition répétée (une fois ou deux) de certains personnages. D’autre part, la récurrence de certains thèmes, qui finissent par prendre l’aspect de dossiers spéciaux, participent à familiariser le spectateur. Il y a alors une forme d’attente de la part du spectateur, comme dans le cadre d’un spectacle. Toutefois, la position du spectateur n’est pas tout à fait la même puisque, dans le cadre d’une fiction, il porte un regard critique sur la représentation de l’événement et non sur l’événement en lui-même.
Nous avons également noté la présence d’un vocabulaire propre aux fictions, dans le discours de TF1. Le vocabulaire du monde cinématographique est employé, le plus souvent à travers le verbe « filmer », mais celui-ci peut tout aussi bien faire référence à l’acte de tournage dans le cadre d’un journal télévisé. En revanche, le terme « film » apparaît deux fois dans notre corpus : « c'est comme un mauvais film" »852, « D'autres, refont le film des événements»853. Quant au terme « scénario », il est employé deux fois également : « même scénario que dans le village précédent »854. Les imaginaires sont imprégnés d’une culture cinématographique liée aux catastrophes comme le montre également le récit d’un témoin interviewé par TF1 :
‘« Nous n'avons même pas eu le temps, de nous préparer à l'arrivée de cette vague, que l'eau avait déjà pénétré dans la chambre en augmentant de hauteur à une allure considérable, comme dans le Titanic »855.’Cette phrase peut faire référence à la catastrophe réelle, comme au film de James Cameron sorti sur les écrans en 1997. Elle exprime la dualité de la réalité dans la fiction et de la fiction dans la réalité. Dans l'un des sujets diffusés le 26 décembre 2004, le journaliste évoque cette dualité en opposant l'univers du « cinéma » et celui de la « réalité » : « La vague gigantesque qui engloutit tout sur son passage est des grandes peurs de l'humanité. Le cinéma l'a largement exploité mais l'effrayant c'est qu'il y a dans cette démesure une part de réalité. »856. Il associe l'idée de « démesure », donc d'excès, au cinéma tout en admettant que ces perspectives sont terrifiantes (« peurs, effrayant »). Pourtant cette démesure aujourd'hui s'applique à la réalité et les images du film n'ont plus vraiment le même sens. En effet, des images du film américain « Deep Impact » sont diffusées dans ce sujet. Réalisé par Mimi Leder, ce film est sorti sur les écrans en 1998. Pendant deux heures, il met en scène des personnages face à une menace imminente : l'approche d'une comète qui risque de heurter la terre et d'anéantir toute forme de vie. Même si les circonstances n'ont rien à voir, puisque le tsunami a été causé par un séisme sous-marin et non l'impact d'une comète, le journaliste met en relation les conséquences : l'inondation des terres par une vague géante.
L'image est très sombre, terrifiante. Une vague d'une ampleur phénoménale s'approche des terres. Elle occupe toute la hauteur de l'écran. Ces images sont extraites d’un sujet diffusé le 26 décembre 2004. Elles montrent le moment où le tsunami arrive à proximité d’un rivage. Entre le premier et le deuxième plan (figures 189 et 190), le ciel s’est déjà assombri. La vague se forme, elle est très sombre et gigantesque et balaie tout sur son passage. Un couple présent sur la plage attend la mort avec résignation. Ils savent qu’ils ne pourront pas y échapper. Ces images de fiction permettent une forme de sublimation de l’événement réel, une sublimation de la violence, de la mort, de la crise engendrée sur la société et les relations humaines. Car la catastrophe, dans la mesure où elle touche l’être humain dans sa chair et dans son esprit, réveille les instincts les plus primaires et modifie les codes sociaux. Contrairement au journal télévisé qui propose des bribes d’histoires pour reconstituer un tout (mais dont le spectateur peut difficilement observer la cohérence parce que les sujets sont éclatés dans le temps) la fiction, elle, offre une vision d’ensemble instantanée. Ces images montrent comment les images de l’information préparent l’esthétique propre des représentations fictionnelles. D’autre part, les références cinématographiques contribuent à la distanciation de l’événement.
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Sujet diffusé le 27 décembre 2004.
Sujet diffusé le 29 décembre 2004.
Sujet n°1 diffusé le 12 janvier 2005.
Sujet diffusé le 31 décembre 2004.
Sujet diffusé le 26 décembre 2004.