Dans les reportages de TF1 nous avions évoqué l’élaboration d’une sémiotique de la crise où se mêlent la confusion, la violence et l’urgence. Ces trois paramètres apparaissent également dans la fiction. Nous avons noté que la notion de confusion se manifeste de manière particulière et qu’elle s’exprime oralement par l’emploi répétitif du terme « chaos ». D’autre part, dans le film, il semble que les traductions du thaïlandais vers le français (en sous-titre à l’écran) ne soient visibles que lorsque le réalisateur souhaite que le spectateur comprenne. En effet, dans la séquence numéro 21, Ian Carter est à l’hôpital et se dirige vers la morgue. Là, un médecin l’arrête et lui parle en thaïlandais. Il ne comprend pas et le spectateur non plus car les propos ne sont pas sous-titrés. Ce procédé est un moyen de mettre le spectateur dans la peau du personnage. Il comprend alors sa confusion, se sent aussi perdu que lui. Un peu plus tôt, dans la séquence numéro 12, Ian marche sur la route de Khao Lak et cherche sa femme. Il croise un groupe de plongeurs assis sur le côté de la route et s’adresse à l’un d’eux pour savoir s’ils l’ont vue. L’homme lui répond en espagnol (« Lo siento. No entiendo. Que tu quiere ? Buena suerte »)880 et aucun des deux ne comprends l’autre.
La notion de confusion se dessine dans un autre thème qui est celui de l’implication des autorités, en l’occurrence ici le gouvernement britannique, dans les opérations de secours. Tony Whittaker, l’ambassadeur, et Kathy Graham, la bénévole, mettent en lumière les défaillances des autorités. Au départ assez confiant, le personnage de l’ambassadeur se rend rapidement compte de l’ampleur de la catastrophe et de l’incapacité de son propre gouvernement à réagir correctement et rapidement. Dans la séquence numéro 15, il est en voiture avec l’un de ses assistants. Au téléphone, un britannique paniqué lui demande de l’aide mais celui-ci ne sait comment gérer la situation. Son assistant lui fait signe de couper la conversation et l’ambassadeur s’exécute. Dans la séquence numéro 23, arrivé à la mairie de Phuket où il souhaite installer son QG, l’ambassadeur réalise que d’autres nationalités avancent plus efficacement : « Les australiens sont déjà au point ». La salle est bondée, il y a beaucoup de vacarme, une réelle effervescence propre à la confusion et à l’urgence. A peine assis à son poste, des britanniques se dirigent vers l’ambassadeur et l’attaquent violemment : « Vous étiez où putain ?! ». Cette fiction élabore donc une critique idéologique des pouvoirs et des autorités qui ne sont pas préparés à la gestion des catastrophes.
Cette confusion, cette urgence, engendrent de la violence. A l’exemple de la séquence numéro 46, où la représentante de la chaîne d’hôtels est attaquée verbalement, lors d’une réunion, par des touristes mécontents. Le journaliste Nick Fraser, présent, lui fait remarquer que dans une situation de crise, les gens « ont besoin de trouver un responsable ».
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Enfin la confusion provient du manque d’informations dont sont victimes les personnages tout au long du film. Dans la séquence numéro 6, lorsque l’ambassadeur Tony Whittaker apprend qu’un tsunami a eu lieu, son assistant lui donne des nouvelles partielles : « Les rapports sont sommaires mais l’Indonésie et le Sri Lanka auraient été touchés en premier ». Il a donc peu d’éléments à lui fournir (« sommaires ») et se montre prudent quant à leur véracité, en employant le conditionnel (« auraient »). De plus, les autorités sont quelque peu décriées dans cette fiction puisque l’ambassadeur est un personnage buté qui souhaite suivre un protocole, mais il réalise rapidement qu’il y a urgence. Malgré tout, il est souvent perdu et ne sait comment réagir.
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Lorsque Ian Carter vient lui demander conseil dans la séquence numéro 45, il se montre peu diplomate et ne répond pas à la question d’Ian : « Maintenant, je fais quoi ? ». Il ne se montre pas tellement plus efficace avec Kim Peabody qui l’enjoint à l’aider pour faire évacuer son fils vers la Grande-Bretagne. Au départ complètement détaché de cette histoire, il finit par s’impliquer personnellement. Malheureusement, lorsque ses efforts ont finalement porté leurs fruits, il réalise qu’il est trop tard car le fils de Kim, John, a été amputé (séquence 61). Dans la chambre d’hôpital, Kim et l’ambassadeur n’échangeront aucun mot lorsqu’il découvre le jeune homme. Il reste sans voix face à cette vision qui confirme son impuissance :
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Cette vision reflète pour lui l’échec de sa démarche pour gérer la situation. La bénévole Kathy Graham ne se gêne d’ailleurs pas pour le pousser dans ses retranchements, en lui expliquant qu’elle ne comprend pas que les ONG passent leur temps à faire des réunions ou pourquoi il veut suivre le protocole dans de telles circonstances. Tony Whittaker lui répond qu’aider les Britanniques est sont seul objectif. Ce à quoi elle répond : « Vous avez entendu parler du village global ? ». Ce terme a un sens particulier qui rappelle qu’avec les medias, il y a une forme de rétrécissement du monde puisqu’ils nous informent sur tout ce qui se passe dans le monde entier. Les médias contribuent à rapprocher le monde, à intégrer des espaces éloignés à notre propre espace politique. Cette réflexion nous amène à un autre thème important dans la fiction : la critique du clivage Nord-Sud.
« Je suis désolé. Je ne comprends pas. Que veux-tu ? Bonne chance ».