18.6 Le film comme expérience de communication au second degré

Le téléfilm devient une entreprise de communication au second degré : il informe et communique sur l’information et la communication. La fiction conserve un regard distancié en analysant l’information et la communication des médias. C’est aussi en cela que la fiction se distingue de l’information. Pour le journaliste Nick Fraser, la quête d’informations est destinée à comprendre ce qui a eu lieu, en évaluer les conséquences mais surtout, déterminer qui a une part de responsabilité. D’une manière générale, les médias sont présents dans cette fiction, notamment dans ce plan où l’ambassadeur britannique est interviewé par un journaliste et filmé par deux caméras :

Figure 257
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Dans la séquence numéro 30, Nick Fraser observe des photos sur un ordinateur et s’interroge : « Pourquoi les palmiers sont encore debout alors que les immeubles sont à terre ? ». En arrière-plan, une femme et un homme discutent des disparitions à l’Oasis hotel. Il suit cette femme qui est représentante d’une chaîne d’hôtels internationale et lui lance : « 700 clients disparus, ça représente un gros manque à gagner ». Son enquête se poursuit dans la séquence numéro 38 où il aperçoit un homme thaïlandais qu’il reconnaît. Il s’agit du professeur Pravat Meeko. Ce dernier est en entretien avec un autre homme qui lui présente un dossier rédigé par le scientifique quelques années auparavant.

Figure 258
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Sur la couverture présentée en gros plan est inscrit : « Tsunami : signes avant-coureurs et mesures de précaution. Février 1996 » (figure 258).

Figure 259
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Figure 260
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A la fin du téléfilm, alors que le professeur Pravat Meeko a été désigné à la tête d’une nouvelle équipe de surveillance de la faille d’Andaman, le scientifique dit à Nick : « La prochaine fois, trente minutes peuvent faire toute la différence  ». En effet, l’information, la communication et l’alerte sont des notions importantes que TF1 véhicule également dans ses reportages. Il y a donc l’idée dans la fiction, que la catastrophe doit permettre de tirer des leçons.

Une place importante est donnée à la télévision et aux images qu’elle diffuse. Il y a donc une dimension critique dans cette fiction mais surtout, le recours à un procédé que nous avons analysé dans l’information de TF1 à propos du tsunami, à savoir la mise en abyme. Ainsi que nous l’avions dit plus haut, certaines images réelles ont été incorporées dans la fiction. Dans la séquence numéro 43, Ian Carter regarde les informations à la télévision (figure 261). A l’écran, nous pouvons voir les images d’un enfant, Hannes Bergstorm, dont nous avons parlé dans notre chapitre 13. Ian observe les retrouvailles entre Hannes et son père. Il s’agit de l’une des histoires largement relayées par les médias, notamment par TF1, probablement l’une des images les plus relayées dans le monde à propos du tsunami. L’utilisation de ces images semble dire que les médias participent à la représentation du monde en se focalisant sur des histoires particulières. Ils construisent des figures emblématiques.

Figure 261
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Les thèmes de la culpabilité et de la responsabilité des hommes sont clairement énoncés et critiqués dans le téléfilm. Les tensions entre les personnages et les affaires dévoilées par le journaliste Nick Fraser en attestent. Le personnage du scientifique, Pravat Meeko, est assez stéréotypé puisque son rôle est plutôt limité. Cette absence symbolise le silence qui lui a été imposé après ses recherches et la révélation du risque de tsunami. Finalement, on ne fait appel à lui qu’à la fin du téléfilm. Cette responsabilité est également engagée à travers le personnage d’Ellen Webb, la représentante d’une chaîne d’hôtels. Petit à petit, le spectateur découvre le véritable visage de cette femme qui semble plus soucieuse du potentiel touristique et économique des terres convoitées que du sort des victimes et des futurs touristes. Son personnage n’est pas totalement insensible à la catastrophe mais au final, il fait le choix du profit. Il est intéressant de voir que ce personnage est féminin. Le plus souvent dans ce genre de films, le personnage qui « profite » et tire partie de la situation est souvent un homme. Généralement, celui-ci meurt ou alors sa personnalité est transformée par l’événement, il change de comportement, réalise la bassesse de ses valeurs, revoit ses priorités. Or ici, non seulement ce personnage est féminin mais, en plus, il poursuit son objectif sans être trop atteint par la situation.