Le concept de distanciation est un procédé théâtral proposé par le poète allemand Bertolt Brecht883. Selon l’auteur, il s’agit de permettre au spectateur de faire preuve de sens critique. Il ne s’agit plus alors de s’identifier passivement au personnage mais d’éveiller sa conscience politique. Ainsi que le souligne Bernard Lamizet : « La distanciation est la condition nécessaire à l’intelligibilité sémiotique de l’événement : sans la distance critique que l’on observe par rapport à lui, on ne peut interpréter l’événement, on ne peut lui reconnaître sa consistance symbolique, car on se trouve limité à sa consistance réelle »884. Le principe de distanciation dans la fiction, distanciation esthétique, est différent de celui dans l’information, qui procède du savoir (le spectateur sait que l’événement est éloigné géographiquement). C’est une distanciation préparée et structurée par le rapport entre fiction et réalité ainsi que le rapport entre fiction et information médiatée. D’autre part, dans l’information, le discours des médias est déjà une forme de distanciation puisqu’il s’agit d’inscrire un événement réel dans le symbolique. Dans le cadre du tsunami, la distanciation est à la fois médiatique et géographique. Dans la fiction « Tsunami : les conséquences », nous pouvons relever trois procédés permettant d’instaurer une forme de distanciation par rapport à la catastrophe et par rapport aux personnages : d’une part le recours à l’humour, d’autre part l’utilisation de l’ironie et enfin, l’instauration du silence. Aucun de ces trois procédés hormis le silence, et encore avec une grande parcimonie, ne sauraient être utilisés par les médias pour couvrir un événement aussi violent et grave. Pourtant, dans la fiction, les auteurs s’autorisent à esthétiser autour de faits réels. De même qu’il existe une forme de censure non dissimulée chez TF1, la fiction « Tsunami : les conséquences » prend le parti d’instaurer une distance par rapport à la réalité.
‘ « La distanciation esthétique, qui fonde la sublimation esthétique en lui donnant sa consistance institutionnelle, fait de l’art une représentation nécessairement critique de la sociabilité et des formes que nous lui donnons : les formes de l’art font apparaître les formes de la sociabilité dans une perspective de sublimation, et, par conséquent, dans un projet critique par rapport à la sociabilité existante »885.’Verfremdungseffekt : effet d’étrangeté. Au théâtre, cette technique passe par notamment par le jeu des acteurs.
LAMIZET (2006), op.cit., p.280
LAMIZET (1999), p.88