Introduction

Le Législateur en France a fait le choix, lors de la mise en place de la régionalisation ferroviaire, il y a maintenant presque 10 ans, par la loi SRU, de 12 décembre 2000, de conduire cette réforme majeure sans rompre avec la tradition hexagonale d'une industrie intégrée, monopolistique, propriété de l'Etat et régulée par la puissance publique.

Ce choix, peu orthodoxe au regard des évolutions constatées dans nombre de pays voisins, mais aussi au regard de l'orientation prise par la réglementation européenne sur le sujet, et plus fondamentalement encore au regard de l'analyse standard de la situation de monopole, ne peut manquer d'interroger l'observateur sur la pertinence de cette réforme en termes de bien-être collectif et de capacité de la puissance publique à exercer une régulation favorable aux consommateurs et aux contribuables. Ces doutes font naître une suspicion qui sera le point de départ de notre étude sur la nature et la pertinence du modèle français de régionalisation du transport régional de voyageurs.

Cette première partie visera à établir les contours du contexte dans lequel s'est opérée la réforme du transport régional de voyageurs. Elle ouvrira la problématique de la régulation du monopole ferroviaire de la SNCF face aux mutations de l'environnement institutionnel du transport ferroviaire en Europe. Notre questionnement se déroulera en deux temps, le premier, sollicitant différentes théories économiques, visera à établir un diagnostic des risques que fait porter le choix d'opérer la régionalisation de l'organisation et du financement de ce service public de transport, sans pour autant laisser le choix aux autorités organisatrices (AO) régionales de choisir leur opérateur (chapitre 1). Le second, s'attachera, à situer les choix de réforme de la régulation du transport ferroviaire en France, tant par comparaison avec ceux opérés ailleurs en Europe, qu'au regard des fondements économiques de la libéralisation des chemins de fer mise en œuvre, progressivement, mais résolument, par les instances européennes au travers de la réglementation communautaire (chapitre 2).

Au terme de ce parcours, nous aboutirons au diagnostic qualifiant la réforme ferroviaire menée en France, et en particulier celle concernant la régionalisation du transport de voyageurs, comme originale et en retard par rapport au modèle européen de concurrence dite "régulée". La réforme de 1997 opère une séparation institutionnelle, mais maintient une imbrication fonctionnelle porteuse de nombreuses difficultés en pratique. La réforme de 2000, porte une décentralisation de la décision et du financement du transport régional de voyageurs, tout en maintenant le monopole d'exploitation de l'entreprise ferroviaire historique. Cette conjecture nous amène à nous interroger sur la capacité des Régions, nouvellement AO de transport à pouvoir réellement faire face à l'opérateur historique pour l'écriture et la gouvernance de leur contractualisation TER.