1.2.1. Perte de surplus du consommateur et de surplus total

Par rapport à un marché de concurrence pure et parfaite, une situation de monopole aboutit à un couple prix / quantité qui dégrade non seulement le surplus du consommateur, mais surtout le surplus global et donc le bien-être social. Considérons successivement ces deux atteintes au bien-être.

A la suite de J. Dupuit (1844), nous mesurerons le surplus du consommateur par la différence entre le consentement à payer, que représente la courbe de demande, et le prix du marché, montant que tous les consommateurs paieront réellement. Dupuit avait considéré que cette région, qui exprime ce que les consommateurs seraient prêts à payer en plus par rapport à ce qu'ils dépensent déjà, est une bonne approximation des avantages que les consommateurs obtiennent de l'échange.

Dans la figure 1.3, le surplus net du consommateur en régime concurrentiel est représenté par la surface du triangle BGDB, tandis qu'en régime monopolistique, ce surplus du consommateur se réduit à la région CEDC. Par comparaison avec le marché de concurrence, le marché de monopole se traduit par une diminution du bien-être des consommateurs que mesure la surface BCEGB de notre figure 1.3.

Nous relèverons que l'importance de la perte de surplus du consommateur sera fonction du pouvoir de marché de la firme, ou comme nous l'avons déjà souligné, de la sensibilité de la demande au prix, que représente la pente de la droite de demande. Plus le bien est substituable, plus l'élasticité de la demande au prix est forte oriente la droite de demande vers l'horizontale, et moins la perte de surplus du consommateur sera élevée.

Symétriquement à cette perte de surplus pour le consommateur, la situation de monopole accroît le surplus du producteur. Dans la figure 1.3, le profit passe de la surface BGAB en concurrence, à la surface ACEFA en régime monopolistique. Le profit total est supérieur en situation de monopole. Ce supplément de profit peut être estimé par la surface BCEHB - HGFH.

Cependant, l'accroissement du surplus du producteur ne compense pas la totalité de la baisse du surplus du consommateur. Le surplus total, qui englobe le surplus du producteur (profit) et le surplus du consommateur, diminue. Il y a donc diminution du bien-être social. Dans notre figure 1.3, ce surplus total est représenté, en concurrence, par la surface ADGA, et en monopole, par l'aire ADEFA. Le surplus total est de fait réduit par le pouvoir de marché exercé par le monopole. Cette diminution du bien-être collectif est fréquemment désignée sous le terme de charge morte, mesurée par la surface EGFE hachurée de notre figure 1.3. J. Tirole (1993) illustre cette notion de charge morte en précisant qu'en monopole, la baisse de surplus total dépasse l'accroissement du profit d'un montant égal à la perte de bien-être.

Figure 1.3 - Monopole, surplus du consommateur et optimum social.
Figure 1.3 - Monopole, surplus du consommateur et optimum social.

Source : Elaboration propre.

Notre analyse précédente (1.1.1.) nous montré que, dans le cas de la SNCF, si son pouvoir de marché était borné, théoriquement par l'exercice de la Tutelle, chargé de déterminer les obligations de service public en termes de consistance des services et de tarification, et en pratique, par une intense concurrence intermodale, cette firme n'en disposait pas moins d'un certain pouvoir de marché à même de réduire le bien-être collectif.