2. Relâchement organisationnel et inefficience productive : essais de mesure dans le cas de la SNCF

‘"The best of all monopoly profits is a quiet life",
John Hicks, (1935), Econometrica, p. 8. ’

Au-delà de certaines facultés à dominer le marché à son avantage, la théorie économique accuse également le monopoleur de présenter une structure de coût plus élevée qu'une entreprise concurrentielle. La formule précédente, empruntée à John Hicks65, exprime combien, est plausible, en l'absence de concurrence, un comportement de la firme monopolistique peu attentif aux stratégies de réduction de ses coûts.

Le monopole n'est pas pour autant nécessairement incompatible avec l'efficacité productive, comme le soulignent les situations de monopole naturel (rendements croissants) et les comportements d'innovation qui ne peuvent se développer qu'à l'abri d'un monopole d'exploitation provisoire préservant une rente d'innovation (J. Schumpeter, 1943).

Par différence avec la théorie standard, un des intérêts majeurs des théories behavioristes de la firme, dans la lignée des travaux fondateurs d'H. Simon (1959), puis de R. Cyert et J. March (1963) ou de H. Liebenstein (1966), est de considérer la firme comme une organisation complexe, dont les processus de prise de décisions méritent une attention particulière et un cadre d'analyse bien différent de celui proposé par le modèle (néo)classique. Envisager la firme comme une organisation revient également à accepter l'hypothèse selon laquelle la plupart des firmes sont en permanence en situation "sous-optimale" du point de vue de leur efficacité technique.

En prolongement de cette double perspective théorique empruntée aux théories des organisations, nous rechercherons à éclairer le fonctionnement de la SNCF, considérée d'abord sous l'angle de la notion du "managerial slack" ("relâchement organisationnel"), puis de celle "d'X-efficiency" ("inefficience productive").

Il nous apparaîtra que ces deux notions sont effectivement fécondes et propices à révéler combien le monopole ferroviaire historique est une organisation dont le fonctionnement impose des surcoûts à la Collectivité. Cette analyse nous amènera ainsi à mieux comprendre l'utilisation de la rente de monopole issue de son pouvoir de marché.

Notes
65.

Hicks J. R., (1935), "Annual Survey of Economic Theory : The Theory of Monopoly", Econometrica, p. 8.