2.2. Un second essai de mesure par la théorie de "l'X-efficiency"

Intéressé par les questions d'efficience de la firme, H. Liebenstein (1966, 1976, 1987) va prolonger la thèse de R. Cyert et J. March en mettant en évidence l'importance de la variable "organisation" dans l'efficience de la firme.

Il remarque que les différences de productivité, observées sur des firmes quasi-identiques par leur composition factorielle, s'expliquent par les différences de qualité de l'organisation mise en œuvre dans chacune d'elles. Selon lui, il existerait un facteur "X" (distinct des facteurs de production traditionnels de la théorie standard, le capital et le travail) qui expliquerait l'efficience ou l'inefficience des firmes. H. Liebenstein identifie plusieurs éléments comme pouvant jouer ce rôle de facteur" X", tels l'intensité et la qualité travail, et en amont les conventions explicites ou implicites entre acteurs et les systèmes de rémunération. Dans le but d'illustrer les manifestations de cette "x-efficiency", H. Liebenstein (1976) recommande de porter l'attention notamment sur l'importance de l'absentéisme, le taux de rotation de la main-d’œuvre, et bien évidemment aussi sur les indicateurs de productivité. Nous serions tenter d'ajouter, dans le cas de la SNCF, l'importance de a conflictualité dans l'entreprise. Les plus grandes marges de progression en matière de productivité résultent ainsi, selon H. Liebenstein, des progrès potentiels de l"x-efficiency" bien plus que de ceux à attendre d'une amélioration de l'efficience allocative.

La conclusion de ces travaux d'H. Liebenstein93 nous semble essentielle : les efforts des hommes et des organisations sont généralement bien en deçà de leurs possibilités qui conduisent les firmes et les économies à produire bien moins que ne leur permettraient leurs ressources productives. H. Liebenstein souligne que cette inefficience doit beaucoup à l'absence de pression concurrentielle suffisante. Dans un tel contexte, la rationalité des agents les incite à préférer à l'effort et à la compétition, l'utilité d'une moindre pression et de meilleures relations interpersonnelles. Nous retrouvons ici, en des termes différents, l'intuition de J. Hicks (1935) concernant le monopole.

‘"One idea that emerges from this study is that firms and economies do not operate on an outer-bound production possibility surface consistent with their resources. Rather they actually work on a production surface that is well within that outer bound. This means that for a variety of reasons people and organizations normally work neither as hard nor as effectively as they could. In situations where competitive presure is light, many people will trade the disutility of greater effort, of search, and the control of other peoples activities for the utility of feeling less pressure and of better interpersonal relations. But in situations where competitive pressures are high, and hence the costs of such trades are also high, they will exchange less of the disutility of effort for the utility of freedom from pressure, etc.", H. Liebenstein, (1966), p. 413. Soulignés par nous.

Nous consacrerons, à illustration de cette thèse de "l'x-efficiency" dans le cas de la SNCF, trois ensembles d'arguments. Le premier portera sur la productivité moyenne du travail, le second sur la productivité globale et la productivité totale des facteurs, et le troisième, approfondira une des conclusions d'un rapport récent de la Cour des comptes (2008) sur les surcoûts constatés.

Notes
93.

Liebenstein H., (1966), "Allocative Efficiency vs. "X-Efficiency", The American Economic Review, Vol. 56, n°3, pp. 392-415.