3.1. Le statut d'EPIC de la SNCF : une prime à l'irresponsabilité financière de la firme ?

Dans un contexte de pouvoir syndical puissant et revendicatif, et d'une tutelle plutôt bienveillante ou défaillante, ne peut-on pas considérer que le statut même d'EPIC, constitue un facteur d'irresponsabilité financière de la firme (et de ses dirigeants), dans le sens où ce statut juridique impose à la puissance publique d'assumer le rôle de financeur en dernier ressort ? En effet, en application d'un principe général du droit français, aucun établissement public ne peut être mis en faillite, ni faire l'objet de saisie. Cette situation juridique correspond à une configuration d'"aléa moral", avec l'Etat actionnaire, dans le rôle du principal, et les décideurs de l'entreprise ferroviaire, dans le rôle d'agent.

La responsabilité, l'imprévoyance, voire la complicité, des pouvoirs publics n'est-elle pas d'autant plus flagrante que d'autres choix étaient possibles, en particulier celui de société anonyme à capitaux publics, comme l'illustrent les exemples d'Air France (1933), de France Telecom (1996), ou encore d'EDF (2004) et de GDF (2005). N'aurait-il pas fallu profiter de la réforme ferroviaire de 1997 pour transformer le statut de la SNCF en société anonyme, comme cela a été fait en Allemagne par exemple ?

Aux dires de M. Boiteux (1999), ce statut, qui exclut la faillite et accepte le déficit comme normal, tend à bloquer les effets que la forte concurrence intermodale devrait normalement exercer sur la SNCF dont les activités, par nature, relèvent du camp concurrentiel, "compression des coûts et abaissement des prix, incitation à l'imagination et à la bonne gestion et à la vénération du client." Face à cette situation, M. Boiteux suggérait une solution radicale, la désintégration de la SNCF en quasi-filiales soumises à la règle de l'équilibre d'exploitation, les activités non rentables validées par la puissance publiques comme socialement nécessaires, devant être mises aux enchères, le gagnant étant celui qui accepterait de prendre l'affaire en charge pour la subvention la plus faible. (Boiteux, 1999, p. 895).

Au-delà du choix de statut de l'entreprise ferroviaire, trois observations nous apparaissent apporter un fort crédit à l'hypothèse de capture de la tutelle par cette entreprise : 1°) l'importance des concours publics à la SNCF ; 2°) leur persistance quelle que soit les résultats d'exploitation de l'entreprise ; 3°) la dégradation de leur performance économique. Reprenons chacun de ces trois arguments.