Deuxième observation, plus surprenante encore : alors que les résultats financiers de la SNCF (figure 1.6) sont redevenus excédentaires depuis 2000 (année 2001 exceptée), les transferts publics, déjà colossaux, ont continué d'augmenter considérablement.
Ainsi, entre 2000 et 2006, l'ensemble des concours publics à la SNCF (administrations centrales et locales) s'est accru de 34% en valeur nominale et de 22% en volume. Cet accroissement des concours publics au cours de ces six années représente 2,16 milliards d'euros supplémentaires (tableau 1.9).
Comment rendre compte de ce différentiel de contributions publiques ? Plus de moitié de l'accroissement résulte de la contribution de l'Etat à l'effort d'investissement de la SNCF (+ 1125 millions d'euros), et notamment au titre du plan fret. Moins attendu le fait que près de 40% de l'augmentation (814 millions d'euros) s'explique par celle des contributions de services (compensations tarifaires et subventions d'équilibre) qui augmentent significativement (de 43,5% au total en valeur, soit une hausse de 6,2% en moyenne annuelle). L'augmentation de l'effort financier des Régions au titre des TER, de 528 millions d'euros (1 426 milliards d'euros en 2002 pour 1 954 milliards en 2006), rend compte de 64 % de ces apports supplémentaires de fonds publics à l'exploitation des services de la SNCF, depuis le début de la régionalisation ferroviaire. Par contre, la contribution des collectivités publiques aux charges de retraite des agents de la SNCF augmente peu en valeur (8,1% depuis 2000), et diminue même en volume. Elle représente néanmoins un effort financier considérable, de l'ordre de 2,9 milliards d'euros en 2006, soit un tiers des concours publics à la SNCF.
Ces évolutions de la structure des contributions publiques à la SNCF appellent un commentaire. Ces chiffres ne témoignent-ils pas d'une logique, implicite, de nouvelle répartition des tâches entre les financeurs publics, depuis la réforme ferroviaire de 1997, proposant à l'Etat le financement des investissements ferroviaires, principalement de l'infrastructure, et aux Régions, la remise à niveau du matériel roulant et la restructuration, voire le développement de l'offre de service de transport des voyageurs en France ?
2000-2006 | |||||||||||
En millions d'euros | 2 000 | 2001 | 2 002 | 2 003 | 2 004 | 2 005 | 2006 | Différentiel | Valeur % | Volume % | |
Compensations tarifaires et contributions de service Dont Régions |
1 637 |
1 674 |
1 952 1 426 |
2 024 1 470 |
2 370 1 783 |
2 496 1 866 |
2664 1 954 |
1 027 528 |
+62,7 |
+50,3 |
|
Subvention de fonctionnement (versées par l'Etat) | 234 | 133 | 65 | 34 | 28 | 22 | 21 | - 213 | -91,0 | -103,5 | |
Contributions de service (sens large) | 1 871 | 1 807 | 2 017 | 2 058 | 2 398 | 2 518 | 2 685 | 814 | +43,5 | +31,1 | |
Rémunération versée par le STIF | 777 | 797 | 810 | 843 | 853 | 886 | 892 | 115 | +14,8 | +2,4 | |
Service d'amortissement de la dette (versé par l'Etat) |
677 | 677 | 677 | 677 | 677 | 677 | 627 | - 50 | -7,4 | -19,8 | |
Dotation en capital - plan fret | 250 | 450 | 450 | ||||||||
Subvention d'investissement | 242 | 363 | 598 | 605 | 572 | 735 | 852 | 610 | 252,1 | +239,6 | |
Total [1] (hors charges de retraite et compensation régimes spéciaux) | 3 567 | 3 644 | 4 102 | 4 183 | 4 500 | 5 066 | 5 506 | 1 939 | +54,4 | +41,9 | |
Charges de retraites | 2 134 | 2 223 | 2 282 | 2 316 | 2 437 | 2 552 | 2636 | 502 | +23,5 | +11,1 | |
Surcompensation régimes spéciaux | 564 | 501 | 482 | 475 | 381 | 327 | 280 | -284 | -50,4 | -62,8 | |
Total des charges de retraites [2] | 2 698 | 2 724 | 2 764 | 2 791 | 2 818 | 2 879 | 2 916 | 218 | +8,1 | -4,4 | |
Total [3] = [1] + [2] |
6 265 | 6 368 | 6 866 | 6 974 | 7 318 | 7 945 | 8 422 | 2 157 | +34,4 | +22,0 |
Source : A partir des Comptes des transports en 2006 et 2002, Ministère des Transports.
Afin de mettre en perspective l'évolution de ces contributions publiques, nous les avons rapportées au montant total des produits du compte d'exploitation de la SNCF (tableau 1.10). Il en résulte que le financement public total (avec charges de retraites) constitue en 2004 environ 40% des produits de la SNCF (EPIC), contre 33% en 2002. L'année 2005 voit ce pourcentage se réduire, mais la forte progression des recettes, qui explique cette évolution, peut apparaître comme non pérenne.
Les directives européennes, et en particulier la directive 91/440/CEE qui voulait faire des EF des entreprises commerciales comme les autres, ne semblent donc pas avoir eu véritablement d'effet en France. L'opérateur ferroviaire historique apparaît, aujourd'hui encore, très largement dépendant des concours financiers de la puissance publique (tableau 1.10).114
2000 | 2001 | 2002 | 2003 | 2004 | 2005 | |
Total des concours publics | 32,6 | 34,2 | 37,7 | 37,7 | 38,8 | 38,2 |
Concours publics hors charges de retraites | 18,6 | 19,6 | 22,5 | 22,6 | 23,8 | 24,4 |
Source : Elaboration propre.
La SNCF ne fait pas mystère de ces concours publics. Son Rapport de gestion les présente et les commente. Mais très curieusement, la SNCF choisit de ne pas intégrer dans le montant total des subventions et des compensations financières et sociales reçues de l'Etat et des collectivités publiques, les postes "compensations tarifaires et contributions de service" ainsi que celui concernant la "Rémunération versée par le STIF". Voir SNCF, (2007b), Rapport de gestion 2006, p. 16. Pour quelle raison ? En quoi, par exemple, la contribution des Régions à l'équilibre financier du compte TER ne serait-elle pas un concours public ?